INTERVIEW

David Saada en interview

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S’il a mis très longtemps à s’admettre à lui-même que la scène était sa terre promise, David Saada a rapidement eu la confirmation qu’il avait bien fait de s’y jeter à corps perdu. À peine un an et demi après y avoir fait ses premiers pas seul, il s’est vu proposer de participer au plus ancien festival d’humour hexagonal ! Et pourtant, le comédien ne se considère pas – à juste titre – humoriste… Dans un seul en scène théâtral – Une vie qui s’envole – où il a choisi de suivre le destin d’un homme prêt à sauter littéralement dans le vide, David Saada embarque ses spectateurs dans un univers qu’il a choisi de faire ressembler à une vraie vie faite de rires, de pleurs, de questionnements et d’émotions. Comme un écho au nom même du festival qui a désiré sa présence, le jeune comédien flâne avec aisance entre les différents registres de jeux que son texte exige, dévoilant ainsi une réelle performance d’acteur…

 

 


« La scène, c’est viscéral, c’est plus fort que toi, c’est en toi… »


MORGANE LAS DIT PEISSON : Ce sera ta première fois à Performance d’Acteur…

DAVID SAADA : Je suis extrêmement honoré d’avoir le privilège d’y être convié pour cette 40ème édition… Je ne m’attendais pas du tout à ça ! Agnès, qui s’occupe de la programmation du festival, est venue me voir deux fois à Paris et m’a dit qu’elle avait été très touchée par l’histoire que je raconte… Déjà que je ne savais plus où me mettre en recevant ses compliments, ça s’est empiré quand elle m’a annoncé qu’elle voulait que je joue à Perf ! (rires) Sur scène, je  suis encore un bébé, certes de 43 ans, mais je suis novice dans ce domaine alors faire partie de la sélection au même titre que Jamel ou Ahmed Sylla, c’est hyper gratifiant et un peu flippant aussi… (rires)

Devenir comédien a toujours été une évidence ?

Oui, dès tout petit j’ai senti que j’avais cette espèce de fibre… J’avais envie de me faire remarquer, je voulais qu’on me regarde et j’ai très vite compris qu’en faisant le pitre, j’arrivais à attirer la sympathie ou tout du moins l’attention. J’ai fait une formation pour devenir prof d’EPS avant d’être « contraint » de travailler dans la restauration pour pouvoir gagner ma vie… Ça m’a énormément appris mais ça m’a aussi fait comprendre qu’il ne fallait pas que je passe à côté de ma passion ! J’ai aimé l’univers de la restauration mais quand tu travailles dans certains établissements très guindés, les clients ont une petite tendance à te traiter comme un larbin… J’ai sûrement un peu trop d’ego mais je ne supportais plus ce comportement et heureusement, car c’est ce qui m’a poussé à me lancer sur scène !

Aller seul sur scène…

C’est excessivement difficile de prendre cette décision ! (rires) Je crois que ça vient d’un besoin de se prouver pas mal de choses… Et puis, je ne travaillais pas comme j’en avais envie, j’étais en attente, comme la plupart des comédiens, qu’on veuille bien de moi pour tel ou tel rôle et puisque je n’avais pas envie de vieillir chez moi à côté du téléphone, j’ai pris la décision de me donner du travail à moi-même ! (rires) Aller seul sur scène a été le fruit d’une nécessité de jouer, d’une envie de raconter des choses qui me tenaient à coeur et d’une curiosité de savoir ce que l’on pouvait bien ressentir dans une telle situation. 

Alors ça ressemble à quoi ?

C’est horrible de monter sur scène, seul, avec ses propres textes ! (rires) Et pourtant, je le recommande à tout le monde car quand on réussit à dépasser cette immense peur, le plaisir en est d’autant plus grand… Le « problème » c’est que l’envie de mourir revient toujours avant de monter sur scène ! (rires) Je me demande d’ailleurs à chaque fois pourquoi je m’inflige ça mais quand le spectacle démarre et que je suis avec le public, j’ai ma réponse… Et quand ça se termine, je n’ai qu’une envie, c’est d’y retourner ! Ce sont trois émotions qui se succèdent chaque soir et j’adore ça…

Ça a l’air de ressembler à un accouchement…

C’est drôle que tu dises ça car il y a tout un passage sur ça dans le spectacle… On sait qu’on va souffrir mais quelque chose au plus profond de nous semble savoir que ça ne sera rien par rapport au bonheur qu’on ressentira par la suite… La scène, c’est viscéral, c’est plus fort que toi, c’est en toi… On intellectualise en écrivant mais en réalité c’est un besoin presque animal…

Ton spectacle débute sur un homme qui s’apprête à sauter du haut d’un immeuble…

Je trouve que commencer avec un moment fort met tout de suite le public dans une certaine tension qui le rend plus attentif… C’est important qu’il rentre tout de suite dans l’histoire que je vais lui raconter pour pouvoir ensuite l’emmener n’importe où ! 

Tu es ce personnage ?

Je suis cet homme sur le balcon prêt à sauter mais je suis également le narrateur qui raconte aux spectateurs des chapitres de la vie de ce personnage avant que les deux ne se fondent et que ce soit cet homme suicidaire qui se livre lui-même… 

Pourquoi ce thème ?

Parce que ça a failli m’arriver, comme à beaucoup de gens… À l’époque, je m’étais fait larguer par la femme que je croyais être celle de ma vie et je ne savais tellement pas comment vivre sans elle que j’ai pensé que c’était la solution… Je me suis retrouvé sur ce balcon mais en une fraction de seconde, j’ai compris que je ne pouvais pas faire ça car tout simplement, je n’avais pas réellement envie d’en finir. Par contre, je trouvais intéressant d’essayer de comprendre ce qu’il se passe dans l’esprit de quelqu’un de si désespéré qu’il n’arrive plus à entrevoir une autre échappatoire que la mort…

On suit un cheminement…

Exactement… Quelqu’un qui arrive à cet extrême n’agit pas qu’à cause d’un seul évènement, c’est souvent la somme d’une succession de faits qui le plonge dans un état suicidaire… Une vie qui s’envole se sert de ce « prétexte » pour raconter une quête identitaire. Je n’ai pas connu mon père, j’ai eu des rapports compliqués avec ma mère, j’ai perdu trop tôt la femme qui m’a élevé alors cette rupture qui m’a abattu symbolisait certainement plus la peur de ne pas être aimé et surtout de ne pas être quelqu’un qui mérite de l’être… Le thème du suicide n’est pas central mais essentiel pour aborder tous ces questionnements.

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos droits réservés


Interview parue dans les éditions n°402 #1, #2, #3 et #4 du mois d’avril 2019

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