COUPS DE COEUR

Claire Nebout en interview pour le seul en scène théâtral « Viva Frida » sur la vie de Frida Kahlo de passage par Nice !

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« Je n’étais jamais allée aussi loin que ça ! »

 

Si se jeter dans un monologue sur scène requiert déjà une bonne dose de courage et un soupçon de folie pure, le défi que s’est lancé Claire Nebout exige une singulière audace ! Désireuse de rendre hommage à une Frida Kahlo que l’on a parfois l’impression de ne plus connaître que pour son fameux autoportrait que les rois du commerce s’arrachent afin de vendre toujours plus de tee-shirts, sacs de plage ou autres objets déco, la comédienne a fait appel à un auteur – Didier Goupil – et une metteure en scène issue d’un univers circassien – Karelle Prugnaud – pour retracer l’existence de cette peintre aux mille couleurs. En 7 tableaux, Claire Nebout nous invite à voyager dans la vie, riche, cruelle, créative et mouvementée de l’artiste mexicaine la plus cotée au monde.

Créée dans le Var à Châteauvallon, Viva Frida passera par Nice pour 4 représentations aussi intenses qu’exceptionnelles !

 


🎟️  Claire Nebout dans le seul en scène théâtral « Viva Frida » à Nice au Forum Nice Nord du 09 au 12 mars 2022 (programmé par le TNN)


 

 

Morgane Las Dit Peisson : La pièce Viva Frida s’est créée dans le Var, à Châteauvallon…

Claire Nebout : On a en effet fait notre résidence à Châteauvallon mais également joué notre générale là-bas en février. Ce spectacle est encore tout frais mais on a reçu un merveilleux accueil tant de la part de Charles Berling et son équipe que de la part du public. 

Cette période de création doit être très intense à tout point de vue…

(rires) Oui, le cerveau est en pleine ébullition dans ces moments-là mais, très honnêtement, c’est ce que je recherchais en allant vers un projet comme Viva Frida qui est passionnant, prenant et pas très « confortable » ! C’est un monologue donc il faut réussir à tenir le rythme tant physiquement que cérébralement et ça demande une grande énergie. Étrangement, d’ailleurs, je me suis aperçue en sortant de scène que ce spectacle m’en donnait énormément en retour !

 

 

Je ne l’ai joué que trois fois devant le public mais j’ai trouvé dingue la fougue et la rage de vivre que m’a apporté ce personnage. Je ne me sens même pas particulièrement fatiguée en sortant de scène, ce qui est, vu l’exercice, très curieux ! (rires)

C’est peut-être parce que c’est tout neuf ou parce que j’étais en manque de scène mais je crois surtout que le fait d’avoir choisi une personnalité aussi fascinante me porte. Je me suis viscéralement attachée à Frida Kahlo alors cette 1h20 où je lui redonne vie passe à une vitesse folle ! Il faut dire aussi que la mise en scène de Karelle Prugnaud nous happe, que l’on soit sur scène ou dans la salle.

L’histoire de Frida se déroule sur 7 tableaux qui sont 7 tranches de vie comme 7 autoportraits évolutifs. Ce sont plein de moments différents de performance et d’expression qui font que je n’ai ni le temps de m’ennuyer ni de me poser des questions ! (rires) Je suis embarquée et ma mission, c’est d’emmener avec moi tout le public… C’est jouissif et exaltant ! Peut-être que si on en reparle après 3 semaines de représentations quotidiennes, je serais rincée mais pour le moment, je suis particulièrement excitée !

 

 

Un spectacle que vous aimez et que vous avez désiré au point d’en avoir l’idée…

J’avais envie d’une création qui me fasse vibrer et puisqu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, j’ai pensé à l’auteur Didier Goupil à qui j’ai fait part de ce désir de monter sur scène avec un monologue. C’est ensuite ensemble que nous avons trouvé la figure de Frida Kahlo. J’ai toujours été un peu intriguée, troublée et fascinée par sa peinture mais aussi par cette vérité et cette franchise qui se dégagent de ses autoportraits. Comme des miroirs de sa vie, on y voit autant son amour pour le Mexique que des corps mutilés, des fœtus ou du sang et après avoir lu un peu tout ce que l’on a pu écrire sur elle, j’en ai compris le sens… Elle a certes eu une vie foisonnante mais tous les chemins qu’elle a empruntés ont été tortueux. Elle a passé son existence entre la vie et la mort, entre la lumière et la nuit mais elle ne s’est jamais laissé terrasser par les épreuves. Je crois que ce qui me fascine le plus, c’est cet incroyable appétit de vie !

En ça, c’est une femme qui, encore aujourd’hui, a énormément de choses à nous dire car elle est la preuve qu’on peut toujours rebondire et se relever. Sans compter ses engagements politique, communiste et féministe pour lesquels elle a combattu avec ténacité. 

En même temps, il y a cette image qu’on voit partout d’elle et qui, à mon goût, souille un peu cette personnalité que l’on exploite comme une marque ! Avec l’auteur, on s’est aperçu que tout le monde connaissait sa représentation mais pas spécialement son parcours, son histoire et ses combats, c’est ce qui nous a poussé à « exposer » sa vie…

Elle a connu une histoire très tumultueuse avec Diego Rivera bien qu’il soit resté l’amour de sa vie ; a voyagé aux États-Unis ; a connu la montée du capitalisme et la guerre en Europe et tout ça lui a donné un état d’esprit très libre et très moderne pour l’époque. C’est de ça dont on parle sur scène à travers ses mots, puisque Viva Frida s’appuie sur sa correspondance.

 

 

Une correspondance dense ?

Oh que oui ! (rires) On a puisé notre inspiration au coeur du recueil Frida Kahlo par Frida Kahlo. Lettres 1922-1954. C’est une femme qui écrivait énormément pour communiquer avec ses amis proches et lointains, ses amants ou ses docteurs et ça nous a permis de découvrir une somme prodigieuse de détails !

Résumer une telle vie en 7 axes n’a pas dû être la chose la plus simple…

Ça a été rendu possible grâce au travail de Didier Goupil (l’auteur) et de Karelle Prugnaud (la metteure en scène). Cette dernière vient du cirque, elle est une performeuse pluridisciplinaire qui aime le mélange des genres alors elle ne se met aucune barrière. Sur scène, je suis accompagnée d’un musicien live et du scénographe qui façonne les lumières depuis le plateau, et tous les deux incarnent mes deux médecins. Frida voulait devenir docteur mais à cause de sa santé fragile, c’est elle qui s’est retrouvée toute sa vie durant entourée du corps médical…

On évoque son rapport au corps, à l’amour, au voyage, à l’émancipation, à la peinture évidemment et à la mort… À travers tout ça, on découvre qu’elle a fait de sa souffrance une oeuvre d’art !

 

 

À travers ces 7 tableaux, il y a de la vidéo, des morceaux que nous avons tournés en résidence, des archives, des images de l’époque où elle était à New-York et à Paris mais aussi du voguing, cette danse où les artistes (appelés des vogueurs) exécutent des mouvements qui « cassent » leurs corps rappelant ainsi celui de Frida. C’est un mélange un peu baroque de présent et de passé qui souligne la mexicanité de cette artiste. D’ailleurs, ça explose dans la scène de l’autel au pied duquel sont dispersées des bougies et des fleurs et où seul trône un magnifique micro vintage dont je ne connaissais pas le nom jusque-là : tête de mort !

J’arrive dans le public et je parle à Diego qui vient de me trahir en me quittant pour ma soeur. C’est une scène extrêmement dure et violente puis j’entre sur ce plateau qui ressemble à une veillée mortuaire, je raconte l’accident dont a été victime Frida à 17 ans et je tourne autour du micro comme s’il me possédait… C’est l’idée qu’on est face à une femme d’aujourd’hui qui, depuis le public, parle d’une trahison et qui va, petit à petit, pénétrer le monde de Frida Kahlo et ainsi déployer sa vie…

 

 

Une vie artistique basée sur son reflet…

Son attirance pour la peinture est arrivée par hasard, grâce, en effet, à un miroir alors qu’elle était âgée de 17 ans. Elle avait été alitée pendant un an suite à un accident dont elle a été l’une des rares survivantes. À force de n’avoir rien d’autre à faire que se regarder, elle s’est mise à peindre son autoportrait dans sa belle robe rouge de velours. Même si elle était entrée dans une grande école à Mexico pour devenir médecin, l’art ne lui était pas complètement étranger puisque son père était un portraitiste photographe. Elle a d’ailleurs beaucoup travaillé avec lui et en était un peu la chouchoute. Il l’adorait même s’il la traitait de diablesse à cause de son caractère bien trempé ! (rires) Ça a d’ailleurs sûrement été sa force et sa source d’énergie, elle qui, malgré les épreuves, n’a jamais été déçue de la vie. C’est en ça qu’elle est une figure exemplaire aujourd’hui ! C’était une véritable force de la nature qui m’aide parfois – maintenant que je l’ai « rencontrée » – à voir les choses sous un meilleur angle. Elle avait énormément d’humour et de drôlerie, elle était farceuse et je pense que ça l’a tenue en vie.

 

 

Un profond respect pour l’existence, jusqu’à sa dernière oeuvre, aux couleurs éclatantes, où elle a apposé la phrase « Viva la vida »…

Absolument, c’est une leçon extraordinaire ! Ces tableaux sont très précis, très travaillés et pourtant elle estimait ne faire que de vulgaires barbouillages ! Elle était très sévère avec elle-même car elle avait une grande conscience de l’art. Diego et elle étaient très entourés, ils recevaient en permanence, à la Casa Azul, tous les artistes influents de l’époque, baignant ainsi en permanence dans la beauté, ça l’a peut-être aidé à voir la vie sous son meilleur jour… Et puis, elle avait également un profond respect pour la culture mexicaine et donc aztèque qu’elle défendait et valorisait. D’ailleurs, pendant ses voyages, elle n’avait qu’une hâte : rentrer chez elle au Mexique où ça vibrait, où c’était un peu le bordel mais où ça vivait intensément contrairement à l’image aseptisée qu’elle avait des États-Unis et de l’Europe. Elle admirait aussi profondément la nature et aimait les animaux… Des choses toutes simples mais essentielles…

Une personnalité qui change la vie de ceux qui s’y intéressent…

Quand je suis rentrée dans sa vie, j’en suis immédiatement tombée amoureuse ! C’est une personnalité hors du commun qui n’a finalement que très peu à voir avec cette simple image iconique que l’on retient aujourd’hui. Ça ne dit pas qu’elle a fini amputée, qu’elle est morte d’une embolie pulmonaire ou qu’elle n’a fait, de son vivant, que 3 expositions alors que maintenant, ses tableaux se vendent des millions de dollars !

 

Claire Nebout retrace la vie de Frida Kahlo dans la pièce « Viva Frida »

 

Je pense que le personnage de Frida m’a, en partie, changée… Elle m’a apporté une certaine conscience de la gravité et une faculté à relativiser les petits tracas du quotidien. C’est d’ailleurs ce que l’on fait certainement un peu tous en ce moment quand on voit ce que subissent nos voisins ukrainiens… Il y a des évènements et des rencontres dans la vie qui nous transforment et je sens qu’après Frida, en ce qui me concerne, rien ne sera plus vraiment comme avant. Au-delà du personnage en lui-même, rien que la mise en scène me fait dire qu’il y aura un avant et un après Viva Frida. Je n’avais jamais travaillé de cette manière, je n’étais jamais allée aussi loin que ça ! Karelle m’a mise à l’épreuve dans ce spectacle, jusqu’à me faire jouer sur un tapis de clous pendant 25 minutes ! (rires) Et je ne vous parle pas du poids du corset en acier ! (rires) Ce sont des épreuves physiques qui obligent à être en forme, confiante et ouverte d’esprit. Je suis loin d’être assise dans un beau fauteuil avec un cigare, on est réellement dans une mise en scène résolument rock voire punk ! (rires) 

Frida, je pense, m’aura apporté un step de plus dans mes compétences de comédienne et pour être complètement honnête, c’est ce que je recherchais. Je voulais sortir des sentiers battus, voir de quoi j’étais capable alors je suis heureuse que cette performance m’ait emmenée là où je n’étais jamais allée. Il faut tenir le rythme, passer d’une couleur à une autre et du rire aux larmes en un clin d’oeil mais je suis contente d’y être arrivée malgré les moments de doute et de brouillard… Heureusement que Karelle est une belle personne et qu’elle a su m’accompagner avec patience et bienveillance.

Vous avez débuté votre carrière par la danse, ce langage corporel est un atout indéniable pour une telle pièce qui exige de s’abandonner corps et âme…

C’est certain, d’ailleurs je m’astreins à un entraînement quotidien pour être en forme. Je travaille la respiration, je saute et je danse deux heures avant chaque représentation bien que je doive adopter une stature assez contrainte sur le plateau. Pendant 35 minutes, par exemple, je dois rester immobile dans mon jeu pour évoquer la condition physique de Frida…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photos Pascal Gely 

 

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