INTERVIEW

Patrick Fiori en interview

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S’il ne s’est jamais caché d’être un être sensible et s’il revendique le droit de dire tout haut tous les sentiments que l’on a trop tendance à enfouir au fond de soi, ne voir en lui qu’un chanteur romantique parlant d’amour et de rupture serait aussi réducteur que caricatural et son denrier album – Promesse -, en est d’ailleurs la meilleure des preuves ! Évoquant, avec la bienveillance qui le caractérise, la situation des banlieues ou le génocide arménien, Patrick Fiori se fait le porte-parole de tous ceux qui comme lui ont réalisé que la vie était une véritable urgence. Tentant de vivre le plus pleinement du monde chaque instant, l’auteur-compositeur-interprète à la positivité si contagieuse rappelle quelques évidences que notre quotidien a bien souvent tendance à nous faire oublier…

 

PATRICK FIORI en concert à La Grande-Motte le 17 mai, à L’Olympia de Paris le 27 mai, à Marseille les 02 et 03 juin, au Cannet le 05 juin, à Solliès le 25 juillet

 


« Je n’ai pas oublié de vivre, de regarder et d’écouter… »


Morgane Las Dit Peisson : Ton album Promesse a été très bien accueilli par le public…

Patrick Fiori : Ça fait toujours plaisir de réaliser que les gens adhèrent à ce que tu proposes car chaque nouvel album est en réalité une remise en question… J’avais des choses très précises en tête et on a pris le temps nécessaire pour pouvoir les réaliser. C’est vraiment chouette et confortable d’avoir le privilège de travailler comme ça dans une période où l’on est tous un peu angoissés à l’idée que la vie passe trop vite. Je m’étais fait une Promesse de qualité et de sincérité envers le public que je voulais absolument tenir et je crois que j’y suis arrivé…

Un public qui te suit désormais depuis au moins 24 ans…

C’est vrai que si Notre-Dame de Paris n’a pas pris une ride, nous en revanche… (rires) Les années passent très vite mais je ne regrette rien du tout car je suis vraiment bien dans la musique, c’est ce qui me rend, je crois, le plus heureux ! Sur l’album, le titre La vie idéale reflète à merveille ce que je ressens grâce à ce métier qui me donne chaque jour la possibilité de faire ce que j’aime, d’être présent pour le public, de faire des tournées, du studio et des créations tout en étant mon propre patron et en réussissant à organiser ma vie de famille. Il n’y a pas plus belle liberté que celle-ci et je pense être maintenant un homme plutôt équilibré… (rires)

Tu donnes l’impression d’avoir toujours un regard d’enfant sur ce que tu vis, sans trop réaliser que nombreux de tes morceaux ont marqué le public au même titre que ceux de Cabrel, Bruel ou Goldman…

C’est très touchant… Et en effet, il y a peut-être un peu de ça… Je ne réalise pas spécialement « l’impact » que je peux avoir sur les gens et ce n’est sûrement pas plus mal ! (rires) Quant au regard d’enfant, je crois que je le dois à mon entourage qui m’a permis de conserver une vie sereine et « normale »… J’aime la musique par-dessus tout mais je ne fais pas que ça et surtout, elle ne me place pas au-dessus de la mêlée. Je n’ai pas oublié de vivre, de regarder et d’écouter les gens car faire de la musique, ce n’est pas jouer à la rock star intouchable qui voyage ! 

Être artiste c’est s’adresser à ses contemporains…

Exactement, un artiste est une éponge, un miroir de la société, ce n’est rien de plus ni de moins qu’un humain lambda qui s’adresse à ses semblables et c’est peut-être ça que les gens apprécient chez moi. Je pense qu’au delà de l’aspect purement musical, le public qui se sent proche de moi a besoin de simplicité, de sincérité et d’un peu d’âme… Je n’accroche pas mes disques d’or au mur car la seule vraie victoire qui m’intéresse, c’est de savoir que des gens vont faire la démarche d’écouter mon album et peut-être même de l’apprécier… (rires) Lorsque je les rencontre lors de dédicaces ou de concerts et que je les vois repartir avec le sourire, c’est mon petit plaisir à moi… Comme le chante si bien Julien Clerc, Je voudrais être utile à vivre et à rêver…

Cet album nous rappelle aussi que tu n’es pas qu’une voix puisqu’en 6ème position on y trouve Promesse, morceau sur lequel tu as osé ne pas chanter…

Ça fait plaisir que ce morceau plaise car je suis complètement autodidacte et c’est vrai que je n’ai pas toujours assumé d’être autre chose qu’un interprète, surtout face à des « dinosaures »  qui ont fait des études musicales poussées et qui dirigent des orchestres symphoniques ou philharmoniques. Ils ont un bagage et un savoir-faire intimidants ! (rires) Moi, le peu que je sais, je l’ai appris sur le tas, à force d’écouter énormément de musique classique, d’opéra et d’opérette. Mon oreille s’est formée petit à petit, je me débrouille au piano et surtout, j’ai appris avec le temps à me faire un peu plus confiance au point de fredonner cet air que j’avais en tête à Karim Medjebeur, un mélodiste surdoué qui a su restituer note à note tout ce que je lui décrivais. C’est essentiel de se fier à des gens qui sauront t’emmener encore plus loin… 

J’ai l’impression que cet album se rapproche un peu plus de l’énergie que tu dégages sur scène…

Je trouve aussi que l’atmosphère de Promesse est plus en adéquation avec ce que je propose en général pendant les concerts… J’y ai intégré des choses qui apparaissent nouvelles aux yeux du public mais qui ne le sont pas tellement pour moi. J’ai juste fait tomber quelques barrières tout doucement pour ne choquer personne… Je fais par exemple du R’n’B ou de l’electro depuis longtemps mais seulement pour moi car ça me défoulais ! Je ne voulais pas que les gens pensent que j’étais devenu barjo ! (rires) C’est d’ailleurs pour être sûr que ce soit bien fait que j’ai demandé à Slimane de revoir un peu ma copie… C’est comme ça que j’ai découvert son histoire, que j’ai appris à le connaître et à énormément l’apprécier. Il n’était pas prévu qu’on chante ensemble sur Promesse mais ça s’est finalement imposé comme une évidence. Il a apporté un côté un peu plus rock que j’aime beaucoup.

En parlant de duo, il y a aussi celui avec Soprano, un rappeur…

Même si l’annonce a pu en surprendre plus d’un, je crois que nos parcours de vie ont fait que ça n’avait finalement rien de si inattendu que ça… Il a fréquenté la cité de Marseille où j’ai vécu pendant 11 ans et, en discutant ensemble, on a réalisé qu’au delà de nos âges et de nos origines, nos histoires étaient assez similaires. C’est comme si cette rencontre et ce duo avaient été « prévus » depuis des années ! Il n’y avait plus qu’à raconter l’histoire et c’est Jean-Jacques Goldman qui, avec sa baguette magique, s’y est collé ! (rires) En écoutant la maquette de Chez nous, on s’est juste dit avec Soprano que c’était de la bombe ! (rires)

Le titre Les gens qu’on aime, par son aspect « comptine », évoque quant à elle la simplicité, souvent oubliée, des sentiments… 

C’est juste la musique du cœur,  c’est pour ça qu’elle semble toute simple… Je n’ai pas de mal à parler de mes sentiments ou à les exprimer en prenant ma famille et mes amis dans les bras mais je sais que ce n’est pas évident pour tout le monde alors je voulais rappeler combien ça peut finalement être simple. Dans notre société, il semblerait que ce soit presque tabou de dire aux gens qu’on les aime, il y a une pudeur mal placée et souvent, on réalise trop tard qu’on ne leur a pas assez dit… Avec l’âge et l’expérience, je réalise comme tout le monde que la vie passe trop vite pour s’encombrer de ce genre de gênes et risquer de vivre avec des regrets. La vie est une urgence, il faut en avoir conscience pour en profiter pleinement…

Si Les gens qu’on aime est une ode au temps présent, Ta belle histoire souligne combien le passé et les racines sont essentiels… 

En racontant l’histoire de ma grand-mère, je raconte celle de ma famille et donc celle de mes enfants… Il ne faut jamais renier ses racines car elles sont, quoi qu’on en dise, une partie de nous

Je suis arménien par mon père et j’aime ce pays, ce peuple et son histoire bien qu’elle ait été par moments très douloureuse… Et même si j’ai eu la chance de ne pas en souffrir directement, il y a de cet héritage dans mes gènes qui m’a, je crois, insufflé une certaine force. Être immigré n’est pas toujours évident mais, si on se comporte intelligemment, on peut en faire un atout, une richesse… C’est mon père qui m’a raconté l’histoire des arméniens mais, étant la gentillesse incarnée, il ne m’a jamais élevé dans la haine ou l’irrespect d’un autre peuple. C’est en grande partie grâce à lui qu’aujourd’hui je me sens aussi libre de pouvoir travailler avec tout le monde main dans la main, sans aucune distinction de race ou de religion. C’est un homme qui a la plus importante des intelligences, celle du coeur et je souhaite sincèrement à chacun d’avoir quelqu’un d’aussi bon que lui dans son entourage.

Aux côtés des textes de Goldman ou Serge Lama, on en trouve signés par Ariane Quatrefafes…

(rires) Je suis très fier des titres qu’a écrit mon épouse surtout qu’étant la discrétion même, il y avait un grand risque que je ne tombe jamais dessus ! (rires) On m’envoie souvent des textes et au milieu de tout ce qui traînait à droite à gauche à la maison, j’en  ai trouvé un qui m’a plus plu que les autres et je me suis mis à travailler dessus. Il s’avère que c’était d’elle… On lui doit La vie idéale, Un jour et Le meilleur de nous mais ça n’a pas été facile pour elle de réaliser que ses propres mots allaient se retrouver sur l’album. Il lui a fallu un petit temps d’acceptation mais je sais qu’on n’est qu’au début d’une belle histoire… 

Un album n’est pas qu’une somme de musiques et de textes, c’est aussi, particulièrement cette fois-ci, un univers graphique…

Je suis tombé sur Yann Tisseron suite à un petit incident personnel qui aurait pu ne pas se finir aussi bien ! J’ai su que cet homme était venu en aide à mon fils alors pour le remercier, je l’ai tout simplement invité à la maison pour prendre un verre. J’étais en pleine création de l’album et de fil en aiguille, je lui ai fait écouter quelques musiques qui lui ont inspiré des couleurs. Il s’est mis à dessiner au rytme des morceaux et ça a donné naissance à ces visuels magnifiques, frais, colorés et explosifs ! 

C’est charmant et surtout, ça change de ce que l’on a l’habitude de voir…

Je n’avais vraiment pas envie de la photo habituelle même si je comprends que les gens aiment bien. Je désirais les emmener dans un véritable univers et on est d’ailleurs en train de voir comment ça va pouvoir prendre vie sur scène. J’ai l’impression que ça va être terrible mais que les gens risquent de me prendre pour un fou ! (rires) 

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Yves Mayet


Interview parue dans les éditions n°392 #1, #2 et #3 du mois de mai 2018

 

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