INTERVIEW

Tristan Petitgirard en interview

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De passage par Avignon cet été pour y présenter sa toute dernière création Des plans sur la comète, Tristan Petitgirard – qui en signe autant le texte que la mise en scène – n’a pas ménagé ses efforts en se dédoublant afin de continuer à suivre l’évolution de La machine de Turing qu’il a accompagnée dès ses premiers balbutiements… Récompensé pour son travail sur cette dernière d’un Molière du Metteur en scène, cet amoureux du théâtre – qui a également laissé sa patte sur Signé Dumas – fait partie de ces gens dont le savoir-faire s’arrache au point d’être « réservé » plusieurs mois à l’avance (Tristan Petitgirard signera d’ailleurs la mise en scène de La femme qui ne vieillissait pas cet été à Avignon)… 

 

 

Tristan Petitgirard, La machine de Turing

La Ciotat / 08 février + Signé Dumas : Rousset / 07 janvier • La Ciotat / 08 janvier • L’Aggloscènes / Saint-Raphaël / 11 février

 


« Ce qui me passionne c’est d’embarquer les gens, les émouvoir ou les faire rire… »


Tu as signé la mise en scène de La machine de Turing

Tristan Petitgirard : Pour moi, la beauté du travail de mise en scène est de révéler des choses que parfois l’auteur lui-même n’a pas vues ou n’a pas accentuées… Le rôle du metteur en scène est de proposer la vision qu’il a d’une oeuvre et avec Benoît Solès pour La machine de Turing, je dois avouer que je me suis régalé ! J’ai en effet eu l’immense chance que ce soit un auteur vivant et qu’en plus ce soit un ami, ça m’a permis d’échanger régulièrement avec lui, de lui demander son avis et de suivre pas à pas l’écriture même de la pièce, ça a été absolument génial !

Il faut aimer les projets que l’on accepte… 

Je ne pourrais pas accepter de faire la mise en scène de n’importe quelle pièce, il faut vraiment que je me sente transporté par le projet qu’on me soumet. On se rend rarement compte de l’ampleur du travail d’un metteur en scène mais ça peut être très long, c’est un réel engagement. Il  peut avoir à convaincre des directeurs de théâtre, des producteurs ou encore des acteurs alors il doit croire en ce qui n’est à l’origine qu’un texte comme si c’était le sien… Avec La machine de Turing, tout a été d’une facilité déconcertante et dès que je l’ai lue, j’en suis tombé amoureux ! (rires)

À Avignon cet été, tu as présenté ta nouvelle pièce dont tu as également fait la mise en scène…

Avec ma pièce Des plans sur la comète, je me suis une fois de plus rendu compte que j’arrive à faire preuve d’une certaine schizophrénie ! (rires) J’ai réussi à découvrir l’importance de thématiques dans la pièce que je croyais, en tant qu’auteur, avoir presque survolées comme par exemple le rapport filial qui est devenu essentiel après que j’aie enfilé mon costume de metteur en scène… En réalité, il faut admettre, lorsque l’on écrit, que le texte est loin d’être celui qui se jouera sur scène. Il faut s’en détacher un petit peu, ne pas le considérer comme une oeuvre d’art et accepter de le couper, le transformer et le peaufiner constamment jusqu’à ce qu’il devienne une vraie pièce qui pourra voler de ses propres ailes…

Un métier multiple…

J’adore sincèrement toutes les phases de ce travail de création mais je crois que ce qui m’anime le plus, c’est vraiment de raconter des histoires. Que ce soit comme metteur en scène, comme auteur ou comme comédien, ce qui me passionne c’est d’embarquer les gens, les émouvoir ou les faire rire.  

Adepte de la comédie… 

La comédie est un art beaucoup plus difficile qu’il n’y parait car elle doit provoquer le rire et le rire ne se force pas. Il explose ou il est absent mais dans tous les cas, la sentence est aussi immédiate qu’irrévocable alors quand tu proposes une nouvelle comédie, tu as un peu l’impression de partir au bûcher ! (rires) Jusqu’à présent tout s’est toujours bien passé – je croise les doigts pour que ça dure (rires) – mais c’est vrai qu’une comédie représente une grosse pression alors quand tu entends surgir des rires dans une salle au sujet de situations et de répliques que tu as imaginées tout seul dans ton coin, ça ne peut être que jouissif ! C’est un mélange de soulagement et de joie assez incroyable !

Dans ta dernière pièce, tu t’intéresses à l’astronomie… 

J’ai toujours été fasciné par le fait qu’on habite sur terre et qu’on ne lève que très peu les yeux… Il est rare qu’on sache reconnaître une étoile ou les constellations tout simplement parce qu’en tant qu’êtres humains, on a tendance – surtout aujourd’hui – à être très centrés sur nous-mêmes ! En écrivant Des plans sur la comète, je me suis amusé à créer un parallèle entre les mystères insondables de l’Univers et ceux, non moins énigmatiques, du coeur humain… Je me suis lancé dans une comparaison des problèmes cosmologiques infiniment grands avec ceux, infiniment petits, des humains pour qui ceux-là occupent tout l’espace… Tout ça a été l’occasion de me documenter et d’apprendre énormément de choses comme le fait que la forme exacte de l’Univers ne soit pas encore connue avec certitude… 

Le travail suivant a été d’utiliser toute cette matière accumulée pour la mettre au service d’une intrigue théâtrale certes avec du fond mais drôle ! D’où l’idée d’utiliser deux personnages – un père et sa fille – animés par la même passion pour ce sujet mais possédant deux visions complètement opposées sur certaines théories scientifiques… À partir de là, ce qui aurait pu n’être qu’une trame de fond dans la pièce devient un réel enjeu et une source inépuisable de conflit entre ces deux êtres qui ne s’entendent plus.

Des êtres qui évoluent… 

J’essaye toujours d’imaginer des personnages gris car je n’aime pas le manichéisme… L’écriture est un voyage, une trajectoire qui te permet de transformer ton personnage en l’accompagnant d’un point A à un point B et c’est ça qui est passionnant, c’est le fait de lui créer une situation qui le poussera à se révéler en passant par diverses étapes. Ce que j’aime tout particulièrement au théâtre c’est que ça offre des vies en condensé et des situations dramatiques très fortes… 

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos droits réservés


Interview parue dans les éditions n°410 #1, #2, #3 et #4 du mois de janvier 2020

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