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INTERVIEW

Bernard Mabille en interview / Fini de jouer

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BIEN QUE RÂLEUR INVÉTÉRÉ AUX PROPOS MOQUEURS ET MORDANTS, BERNARD MABILLE N’A PAS SU, DEPUIS UNE TRENTAINE D’ANNÉES, DUPER LE PUBLIC. CAR BIEN QU’IL MONTRE LES DENTS SUR SCÈNE, DANS « LES GROSSES TÊTES » ET DANS « LA REVUE DE PRESSE » DE PARIS PREMIÈRE, IL SUFFIT DE PARLER DEUX MINUTES AVEC L’HUMORISTE POUR AVOIR LA CONFIRMATION QUE CE DERNIER N’EST PÉTRI QUE DE BONNES INTENTIONS ET D’UNE GENTILLESSE À TOUTE ÉPREUVE. PLUME À L’ESPRIT AIGUISÉ GUETTANT LA MOINDRE INFO QUI POURRAIT OFFRIR À SES BILLETS D’HUMEUR UNE NOUVELLE IDÉE LUMINEUSE, BERNARD MABILLE, QUI A AU QUOTIDIEN PLUSIEURS CASQUETTES, EST DE RETOUR SUR LES PLANCHES AVEC UN NOUVEAU SEUL EN SCÈNE DANS LEQUEL IL N’A PAS DÉCIDÉ DE TENIR SA LANGUE…

 

BERNARD MABILLE, FINI DE JOUER : ROQUEFORT-LES-PINS / 07 MARS • SAINT-RAPHAËL / 03 JUIN

 


« L’INSOLENCE, ÇA PERMET DE RESTER JEUNE ! »


MORGANE LAS DIT PEISSON : À FAYENCE EN SEPTEMBRE, C’ÉTAIT UNE DES PREMIÈRES DE « FINI DE JOUER »…

BERNARD MABILLE : C’était une mise en route chez des amis. J’aime débuter un spectacle chez des gens que j’aime bien, retrouver l’équipe d’un théâtre et un public avec qui j’ai eu un bon contact. J’adore les tournées même si aujourd’hui je sens bien que je fatigue un peu plus quand je dois enchaîner l’attente à l’aéroport, l’avion et la voiture ! (rires) Quand je ne suis pas sur les routes, je ne m’ennuie pas grâce au travail que j’ai à côté mais ça me manque. J’ai vraiment besoin de la scène, besoin d’entendre les rires et de croiser le regard des gens… À mon âge, je pourrais m’arrêter mais je crois que je deviendrais dingue ! (rires)

LA SCÈNE EST UN ENGAGEMENT TANT HUMORISTIQUE QUE PHYSIQUE…

C’est d’ailleurs le seul sport que je fais ! (rires) La scène est en effet un engagement, un enjeu mais aussi un challenge. Même si on est là pour prendre et donner du plaisir, il y a toujours une tension et une concentration qui sont nécessaires à l’exercice. Je crois qu’on ne peut pas donner le meilleur de soi au public si on se présente avec désinvolture…

VOUS AVEZ ENCORE DES CRAINTES EN ÉCRIVANT DES NOUVEAUTÉS ?

C’est presque sain d’en avoir mais j’avoue qu’au niveau de l’écriture, et en toute humilité bien sûr, j’arrive à entendre, quand je suis seul face à ma page blanche, les rires du public là où, en « vrai », ils riront réellement alors ça m’aide énormément. Il n’y a pas de magie ou de miracle là-dessous mais 50 ans d’écriture, ça finit par laisser des traces ! (rires)

DES « MANIES » D’AUTEUR ?

J’écris, encore aujourd’hui, tout à la plume… J’aime le son de l’objet qui gratte le papier… D’ailleurs, j’ai une belle collection de stylos mais j’utilise toujours le même et quand ça m’arrive de ne pas le trouver, je me sens réellement perdu ! (rires) À mes yeux, il est magique, il écrit presque tout seul et grâce à lui, je ne jette pratiquement aucun texte… Écrire « utile » et « efficace » directement est quelque chose que j’ai appris auprès de Le Luron. Et puis, au fil des années, ça devient de plus en plus facile et naturel comme un cuisinier qui découpe ses légumes à la perfection en quelques secondes et sans aucune hésitation…

ÉCRIRE EST UN ENTRAÎNEMENT CÉRÉBRAL…

On exerce en effet sa mémoire, sa réactivité et son esprit quotidiennement comme un sportif se doit d’entraîner ses muscles en permanence… Par contre, ce qui me fait désormais très peur, c’est Alzheimer… Il y a parfois des noms qui ne me viennent pas et plutôt que de réaliser avec honnêteté que ça arrive à tout le monde et à tout âge, je m’imagine tout de suite que c’est le début de la fin ! (rires) Par contre, en tournée, il m’arrive très souvent quand je me réveille la nuit de ne plus savoir où je suis et de perdre un temps fou à chercher les interrupteurs ! (rires) Mais je ne crois pas que ça vaille le coup que je consulte… (rires)

FINI DE JOUER

J’espère que ça ne me portera pas la guigne ! (rires) Ce n’est pas l’annonce d’un départ en retraite mais au contraire, plutôt une envie de mettre cartes sur table et de balancer encore un peu plus ! Et puis ça rappelle que tout ceci n’est, quoi qu’on en dise, qu’un grand terrain de jeu…

DES AFFICHES ORIGINALES…

Depuis quelques années, c’est mon fils, Pascal, qui les crée et j’ai l’impression que j’ai eu raison de lui faire confiance ! C’est différent de ce qui se fait habituellement et moi qui suis un collectionneur de planches de bandes dessinées, je ne pouvais pas rêver mieux ! Ça reflète bien ma personnalité et ça ne se prend pas au sérieux… Il n’y a rien de pire qu’un humoriste qui se prend au sérieux et qui manque de recul sur son image ou sur ce qu’il fait. Je me suis même dit que c’était une chance pour moi d’avoir un physique un peu « ingrat » pour exercer ce métier ! Je suis sûr qu’avoir la tête de Brad Pitt m’aurait desservi ! (rires)

LE PRÉCÉDENT SPECTACLE S’INTITULAIT « 30 ANS D’INSOLENCE »…

L’insolence, ça permet de rester jeune ! Et grâce à tout ce qui m’énerve au quotidien, j’ai matière à m’y adonner en permanence ! (rires) Je m’aperçois que plus je vais vers la fin du voyage, plus je me libère de tout ce qui m’agace. Je deviens de plus en plus sans filtre ! (rires) La mauvaise foi, l’infidélité, les élus qui tapent dans la caisse, le fait de me rendre compte que j’ai de la peine que Balkany soit en prison m’énerve… (rires) Enfin c’est surtout que les autres n’y soient pas qui m’exaspère ! (rires) Et puis les trous dans Paris… Hidalgo doit croire qu’il y a des trésors là-dessous, elle n’arrête pas de creuser ! (rires) Par contre les poubelles ont dû mal à être ramassées… Faut dire que les camions ont des difficultés à rouler dans Paris… De plus en plus de gens quittent la Capitale et très franchement, je les comprends, il ne reste plus grand chose de la ville Lumière… Alors tout ça me donne de la matière pour mes sketches mais c’est quand même bien triste au final…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson à l’Espace Culturel de Fayence pendant le Festival du Rire • Photos Svend Andersen

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Interview parue dans les éditions n°411 #1, #2, #3 et #4 du mois de février 2020

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