INTERVIEW

Jérémy Charbonnel en interview

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Preuve vivante qu’il ne faut pas toujours se fier aux apparences, Jérémy Charbonnel est loin d’être le personnage lisse que sa gueule d’ange pouvait nous laisser imaginer… Se plaisant à casser cette image de « gendre idéal » sur scène, c’est à coups de craintes, d’agacements et de vérités sur notre société et sur nos comportements à nous tous qui la constituons, que l’humoriste a réussi à imposer sa patte dans un univers comique pourtant déjà bien dense. Oscillant avec finesse entre analyse, interprétation et drôlerie, celui – que l’on retrouve également comme chroniqueur dans l’émission Les enfants de la télé – rappelle que tout est question d’équilibre si l’on veut créer un personnage aussi attachant que piquant capable d’autant de bienveillance que d’impertinence…

 

JÉRÉMY CHARBONNEL dans « Fils de… » à Peymeinade le 13 avril

 


« J’ai développé l’humour pour faire rire ma mère… »


Morgane Las Dit Peisson : Dans ton spectacle Fils de… on retrouve les sujets qui t’agacent comme celui des végans…

Jérémy Charbonnel : J’ai d’ailleurs eu de gros soucis avec eux, sur internet, à cause de mon sketch ! (rires) Quand je l’ai écrit, c’était pour rigoler alors je ne m’attendais pas, très honnêtement, à autant de réactions et de virulence en retour ! Ils ont complètement oublié que ce n’était qu’un sketch et que par définition, il fallait le prendre au second degré… Un youtubeur végan a même fait 21 minutes de vidéo pour le décortiquer, analyser phrase par phrase chacun de mes propos pour les démonter ! Ça n’a aucun sens car si on avait fait pareil avec un sketch de Coluche, il serait passer pour un raciste ! (rires) 

C’est que tu as appuyé là où ça faisait mal…

Il y a des chances ! (rires) Mais ce comportement montre surtout combien l’emprise des réseaux sociaux peut être angoissante… Grâce à ce média, de petites communautés très actives font souvent plus de bruit qu’une majorité. Quand les gens aiment, ils « likent » vite fait tandis que quand ils n’aiment pas, ils s’acharnent car c’est facile et sans grand risque… Internet a tendance à être un déversoir de reproches voire même de haine.

C’est compliqué d’arriver à prendre du recul ?

Pour le coup, l' »expérience » végane a été un véritable apprentissage pour moi car franchement, je n’aurais jamais pu m’attendre à de telles réactions ! En un temps record, ma vidéo a pris des milliers de vues, de partages et de commentaires que j’ai commencé à lire… Je n’étais pas préparé à ça et sincèrement, ça m’a fait mal… Je me suis remis en question car sur scène, ce sketch déclenchait des rires alors que sur le Net, il suscitait des insultes ! Ça a été très déstabilisant mais formateur à la fois. Il faut apprendre à se servir des réseaux sociaux comme un vecteur de communication tout en prenant du recul sur ce qu’il s’y passe car la vraie vie est avec les gens, en chair et en os, dans les cafés, dans la rue et dans les salles de spectacle…

Fils de… est un jeu d’équilibriste entre stand-up et incarnation de personnages…

Je me suis formé au travail de comédien avant de goûter à l’impro et de me lancer seul en scène. Je crois que j’ai toujours eu cette envie de mêler ces deux univers. L’avantage de l’impro, c’est que je suis dans l’interaction avec les gens et dans la surprise alors ça me permet de sortir du squelette de mon spectacle tout en m’adonnant à ce que j’aime par-dessus tout : le jeu ! J’adore devenir une DRH cougar ou un parent dépressif et me glisser dans tout type de peau et de personnalité…

Le secret d’un personnage crédible c’est la curiosité ?

Il faut être naturellement observateur et curieux, c’est vrai, pour emmagasiner des détails mais ça se fait au jour le jour, en prenant le train, en entrant dans un commerce ou juste en marchant dans la rue. On s’imprègne petit à petit des comportements humains et à un moment donné, selon l’inspiration que l’on a, ça ressort pour donner vie sur scène à un autre que soi… 

C’est quelque chose que tu as toujours eu en toi ?

J’ai toujours eu en moi cette envie de faire rire mais avec le recul, je crois avoir compris ce qui m’a entraîné dans cette voie… Entre mes 8 et 13 ans, beaucoup de membres de ma famille maternelle sont décédés et je crois que j’ai développé l’humour pour faire rire ma mère. Elle avait beau tout faire pour ne pas montrer qu’elle était dévastée, je me rendais bien compte qu’elle prenait sur elle pour nous protéger alors je crois qu’à travers le rire, j’ai eu envie d’en faire autant pour elle… Dans les dîners de famille, je me maquillais, je me déguisais et je refaisais des sketchs des Nuls pour essayer de la soulager un peu…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos droits réservés

 


Interview parue dans les éditions n°391 #1, #2 et #3 du mois d’avril 2018

 

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