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Interview de Samuel Le Bihan et Thierry Fremont dans Hollywood pour Le Mensuel en 2013

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Samuel Le Bihan

en interview 

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SAMUEL LE BIHAN

 

 

  
« Ça commence avec un humour de « bons mots »,

et ça finit dans un burlesque totalement délirant ! »

 

C’est accompagné de Françoise Pinkwasser, Thierry Frémont et Pierre Cassignard que Samuel Le Bihan a décidé de fouler à nouveau les planches.
Après avoir exercé son art dans une comédie de moeurs difficile il y a quelques mois, « L’enterrement… Festen, la suite », le voici redevenu le réalisateur de « Autant en emporte le vent » qui aura, avec ses compères, la lourde tâche de devoir réécrire tout le scénario du film en une semaine ! De quoi perdre la tête surtout lorsque les conditions de travail ressemblent plus à une prise d’otage qu’à une réunion de chantier…

 Vidéo en cours d’intégration

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Morgane L : Que raconte la pièce « Hollywood » ?
Samuel Le Bihan : L’histoire de la pièce se déroule en 1939, dans le bureau de Selznick, le producteur de ce qui deviendra un film à succès, « Autant en emporte le vent ». Le tournage est en cours depuis trois semaines mais Selznick n’en est pas satisfait car il n’a pas réussi à avoir, selon lui, un scénario digne de ce nom. La réalisation, dont George Cukor est en charge, prend énormément de temps, beaucoup plus que prévu… Ce qui fait craquer le producteur ! (rires) Il arrête donc le tournage du film alors que celui-ci est, soit dit en passant, le plus gros budget d’Hollywood à l’époque. Aux yeux de tout le monde, le projet apparaît comme une misérable faillite, une banqueroute ! Ne s’avouant pas vaincu pour autant, David Selznick décide de convoquer le réalisateur Victor Fleming, alors en train de travailler sur « Le Magicien d’Oz » (qu’il ne finira d’ailleurs jamais) ainsi que Ben Hecht, le scénariste star du moment grâce à la réussite de « Scarface ». Fraîchement débarqués dans le bureau de Selznick, ils se retrouvent mis au défi d’écrire intégralement le scénario d’« Autant en emporte le vent » en une semaine !

C’était un pari difficile à honorer…
Samuel :
Oh que oui ! Et pour y parvenir, le producteur n’a rien imaginé d’autre que de les enfermer ! Il leur a été interdit de sortir et, c’est véridique, la porte était fermée à clef ! (rires) Selznick les empêcha également en grande partie de manger, persuadé que la digestion favoriserait le sommeil… Inutile de souligner qu’au bout d’une semaine entière, ils seraient devenus complètement fous s’ils n’avaient pas donné naissance à ce fameux scénario… Et c’est une histoire vraie !

C’est tout de même extrême comme comportement pour écrire un scénario de film…
Samuel : Oui mais il faut savoir que rien n’a été simple. Ce film a connu de nombreuses difficultés dans son parcours. Fleming et Ben Hecht, pour arranger les choses, n’avaient pas lu le roman de Margaret Mitchell, ils ne connaissaient pas l’histoire en détails et de toute façon, la détestaient ! Et sur scène, c’est aussi épique que ça ne l’a été à l’époque car on y aborde toute sorte de thèmes présents en 1939… L’Europe est envahie par Hitler et le nazisme, de grands débats se posent sur l’humanité, sur l’industrie d’Hollywood et sur la création. « Hollywood » est une pièce de théâtre à la fois très intense et très drôle. Ça commence avec un humour de « bons mots » et ça finit dans un burlesque totalement délirant ! (rires)

Aviez-vous lu le roman, vu le film et surtout, faut-il les aimer particulièrement pour apprécier cette pièce ?
Thierry Frémont : Personnellement, je n’ai pas lu le livre ni revu le film avant d’endosser le rôle de Ben Hecht, le scénariste. Je l’avais déjà vu avant, certes, mais il n’est en aucun cas nécessaire, ni pour nous en tant qu’acteurs, ni pour le public, d’avoir vu le film pour voir et surtout comprendre ce spectacle. Même si ceux qui aiment cette œuvre cinématographique pourront se délecter en se la remémorant et en découvrant les secrets de sa création.

C’est original de la part de l’auteur de cette pièce « Hollywood », de présenter une œuvre aussi populaire que « Autant en emporte le vent », sous cet angle-là…
Thierry : C’est vrai que le point de vue de l’auteur, Ron Hutchinson, est extrêmement original. C’est très brillant de sa part d’avoir ressorti cette véritable anecdote pour en faire un spectacle efficace, très drôle et qui réussit à aborder des sujets historiques aussi profonds avec autant d’humour. « Hollywood » est merveilleusement drôle sans être pour autant une petite pièce légère. Elle parle du nazisme, du racisme, de l’antisémitisme et de plein d’autres sujets.

Il y a des difficultés particulières pour réussir à faire rire tout en évoquant des sujets graves ?
Thierry : Oui et non… Pour nous, sur scène, il s’agit surtout de bien faire notre travail d’acteur tout en s’amusant et en se laissant porter par des mots que nous n’avons pas écrit. On fait juste notre métier finalement…

Samuel : Et on a surtout un super metteur en scène, Daniel Colas, qui a vraiment su sortir l’essentiel à la fois des propos et de l’humour. L’enjeu le plus dur, selon moi, était de regarder ça comme une pièce vraiment sérieuse dans laquelle on rigole énormément !

Thierry : Il y a aussi une grosse part d’invention de la part des acteurs. Le texte est là, bien sûr, et il est excellent. Mais pour tout le burlesque sur scène, il y a unesamuel-le-bihan-thierry-fremont-pierre-cassignard-hollywood-saint-raphael-interview-portrait grande part d’inventivité de la part des acteurs. Le texte a d’ailleurs continué à grandir et à évoluer en se nourrissant des réactions des spectateurs, de soir en soir. J’oserais presque dire que c’est une pièce interactive.

Si interactive, que l’on a tous la sensation de devenir un peu fous comme les personnages ?
Samuel :
C’est vrai que c’est une pièce qui demande un engagement physique total mais on a de la chance car on s’amuse sincèrement ! (rires) C’est très égoïste et surtout très gamin de notre part, mais cette pièce nous offre vraiment un moment où l’on peut se permettre pas mal de choses… On le vit un peu comme une espèce de libération. Thierry a raison, il y a quelque chose d’interactif avec le public. On se donne physiquement à 100% et c’est vrai que le rire du public dans la salle nous renvoie l’énergie nécessaire pour tenir le cap ! (rires) On partage tellement de chose avec lui qu’il est impossible qu’il ne devienne pas un peu fou lui aussi…

Vous êtes entre autres des acteurs et c’est une pièce qui parle de votre métier… Ça a f ait naître un intérêt particulier pour cette pièce ?
Samuel : Oui, c’est certain, on ne peut pas y être insensible… Déjà parce que ça parle d’une partie relativement touchante de l’histoire de notre métier… Métier qui, ne l’oublions pas, est pratiquement dû à un hasard ! Des ingénieurs avaient inventé un procédé pour leur permettre d’envoyer sur une toile blanche des images animées et ce n’est qu’après que des artistes s’en sont emparés pour créer et raconter des histoires. C’est magique que cette invention ait pu donner naissance à cette industrie devenue pharaonique ! Mais en même temps, c’est troublant… Car si l’on creuse un peu, on raconte qu’en réalité, Hollywood n’était rien. Ce n’était qu’un tout petit village, perdu dans un désert, qui a vu se créer les plus grandes fortunes de l’époque !

Thierry : Une autre vertu de la pièce est de mieux faire comprendre aux spectateurs, au moins pour ceux qui connaissent moins bien les métiers du cinéma, ce qu’est vraiment un réalisateur. Quelle est sa vraie mission. Chacun dans la pièce défend son bout de gras, son corps de métier, et ce, bec et ongles ! (rires) On explique bien ce qu’est un metteur en scène, ce qu’est un scénariste, ce qu’est un producteur, quels sont leurs enjeux et leurs particularités.

Françoise Pinkwasser : Et cette pièce met aussi en relief la difficulté, justement, de monter un projet cinématographique, quel qu’il soit. C’est finalement une chose que nous tous vivons tout le temps à différents niveaux.

En tant que spectateurs, on découvre donc un peu tous les aspects du cinéma ?
Thierry :
Oui, tous les thèmes abordés correspondent à une époque du cinéma. On revisite par exemple un humour très visuel, que l’on observait autant chez les « Marx Brothers » que chez Chaplin, on leur a « piqué » pas mal de petits trucs. Dans le texte aussi, on redécouvre de nombreuses références… Il y a l’humour juif dans les « bons mots » mêlé à l’humour New-Yorkais dans l’écriture de Ron Hutchinson. C’est très riche et assez passionnant à jouer parce que, même passé la 200ème, on continue à créer, à avoir de nouvelles idées, il y a encore de nouvelles choses qui naissent et ça c’est super !

Comme quoi ?
Samuel : Ah, il faut venir voir le spectacle ! (rires)

samuel-le-bihan-thierry-fremont-pierre-cassignard-hollywood-saint-raphael-bSamuel, vous étiez dans « L’Enterrement… Festen la suite » à Nice il y a quelques mois…
Samuel : Encore une pièce « drôle » qui traite de sujets légers ! (rires) Et Pierre Cassignard, qui n’est pas là puisqu’il est en retard, était déjà avec moi sur cette pièce… Et je vous avoue que je n’arrive plus à m’en débarrasser ! C’est un vrai problème, il me suit partout, tout le temps ! Là, je l’ai fait enfermer dans sa chambre d’hôtel et avec un peu de chance, il ne sortira pas avant le début de la représentation… D’ailleurs, si vous pouviez le garder ici… (rires)

Mais vous feriez comment sans lui dans la pièce ?
Samuel : Oh, on se débrouillera, on se répartira le rôle entre nous ! (rires) Non, trêve de plaisanteries, c’est un super camarade que j’avais croisé au Conservatoire mais avec qui je n’avais jamais encore eu l’occasion de travailler. On a appris à le faire ensemble à Nice et c’est devenu un réel plaisir de jouer avec lui ! C’est un bon camarade même si dans le boulot ce n’est pas toujours facile. C’est pour ça qu’avoir une personne comme lui, quelqu’un au bon tempérament, quelqu’un d’avenant, de volontaire, d’extrêmement drôle et plein d’humour, c’est précieux. Ça participe à faire une super équipe

Oui et là, dans « Hollywood », le sujet est tout de même plus facile aborder que l’inceste dans « Festen »…
Samuel : Oui c’est beaucoup plus léger. Quoique dans les pièces tragiques on rigole énormément en coulisses. Peut-être pour décompresser… Mais l’humour c’est dur. C’est extrêmement technique, prodigieusement précis, c’est dans un rythme calculé, c’est d’une exigence terrible. On ne peut pas être dans l’à peu près avec l’humour, sinon, malgré ce que beaucoup pensent, ça ne marche pas. Faire rire les gens, c’est du boulot mais c’est un grand plaisir car on a tout de suite un grand retour du public. On partage notre plaisir sur scène mais aussi avec la salle.

Après cette pièce, des projets ?
Thierry : Ils sont déjà en boite ! Particulièrement un prochain film avec Bertrand Tavernier qui sera peut être même présenté ici au festival… Et il y a également un projet pour la télévision dans lequel je jouerai Nicolas Sarkozy et qui s’intitulera « Chirac, la dernière campagne », de Bernard Stora.

Samuel : De mon côté, un film de Cécile Telerman, « Les yeux jaunes du crocodile ». C’est un succès de librairie adapté au cinéma et je vais faire une télé avec Nina Companeez. Ça devrait se faire après la tournée car en ce moment c’est très serré, on joue quasiment tous les jours. Quand on sera un peu moins sur les routes, je pourrai glisser quelques dates de tournage…



Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel
Montage vidéo par Aurélien Didelot
Interview parue dans l’édition n°336 d’Avril 2013

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