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INTERVIEW

Franck Sémonin en interview

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C’est après sept années passées sur Bordeaux que la production de la série Section de Recherches a fini par jeter son dévolu sur la Côte d’Azur afin d’y installer ses studios et bénéficier, bien évidemment, d’incomparables décors naturels. Investissant régulièrement des lieux publics ou des propriétés privées selon les besoins des scénarios, l’équipe de la série télévisée française la plus regardée (en moyenne 6 millions de téléspectateurs par épisode) nous a laissés la suivre pendant les tournages de sa 13ème saison dont la diffusion débutera le 7 mars sur TF1. L’occasion d’échanger avec Franck Sémonin, Xavier Deluc, Élise Tielrooy et  quelques-uns des dizaines de techniciens nécessaires à la création des 14 épisodes à venir… 

 

Franck Sémonin dans « Section de Recherches » à partir du 07 mars à 21h sur TF1

 


« Je finis presque par passer plus de temps dans sa peau à lui que dans la mienne ! »


MORGANE LAS DIT PEISSON : L’ambiance semble au beau fixe sur le tournage…

FRANCK SÉMONIN : C’est toujours un plaisir de se retrouver sur les tournages de Section de Recherches en particulier avec Xavier Deluc car on a vraiment une relation particulière… C’est le taulier de la série bien sûr mais en dehors, c’est aussi un peu le grand-frère et c’est amusant car j’ai l’impression qu’il y a un parallèle entre notre relation et celle de nos deux personnages. C’est chouette à vivre et à construire et ça fait six ans que ça dure sans qu’on ait vraiment la sensation de bosser…

Ce n’est pas ton premier rôle de flic… 

Bizarrement, je crois que j’inspire la droiture et l’autorité mais j’avoue ne pas comprendre pourquoi ! (rires) Avant Section de Recherches, j’ai en effet incarné le commandant Nebout dans Plus belle la vie mais si on ne me propose pas des rôles de flics, ce sont des rôles de violeurs et de meurtriers comme, dernièrement, dans Crimes parfaits pour France 3 ! (rires) C’est l’autre extrême… 

Ça oblige à changer son jeu… 

Ça fait du bien de perdre les repères que l’on a accumulés en jouant au quotidien un personnage. Quand on a un rôle récurrent dans une série, on le peaufine, on l’habille, on l’habite, on a la sensation de le connaître par coeur et tout à coup, quand on en interprète un nouveau qui est en plus de l’autre côté de la barrière, ça nous permet de casser les automatismes, de poser l’armure et de réapprendre notre métier pour repartir sur une création… Je trouve ça réellement magique ! 

La naissance d’un personnage ne passe pas que par l’apprentissage d’un texte… 

Le texte, c’est juste la base, il faut l’apprendre et comprendre les situations à jouer le plus rapidement possible pour pouvoir s’en libérer. Si tu dois réfléchir aux dialogues en les prononçant, tu ne peux pas te consacrer à l’incarnation. C’est primordial de ne pas « jouer » mais de « devenir » et ça, ça passe par l’observation, l’imagination, la posture, la gestuelle et le regard…

Changer de peau sur commande… 

Pendant un tournage, on a tous nos petits trucs pour oublier nos vies, nos états d’esprit et nos humeurs dès que la caméra se met à tourner… Certains ont besoin de rester très focus sur ce qu’ils ont à faire et à dire alors que d’autres, comme moi, sont plus dans la déconnade pour relâcher la pression et se libérer des tensions. C’est pour ça que je suis tout le temps en train de tchatcher, de chanter ou de faire le con sur le plateau… Je ne cherche pas à me faire remarquer mais vraiment à penser à autre chose et à me libérer de tout ce qui pourrait venir polluer mon personnage au moment où ça tourne. J’ai besoin de ça même si j’ai conscience que c’est peut-être parfois un peu fatigant pour les copains… (rires)

Un personnage de série devient presque un double…

Je vis avec Lucas Auriol presque toute l’année puisqu’on tourne 14 épisodes par saison donc c’est une approche très différente d’un rôle éphémère pour un seul film. D’ailleurs, je finis presque par passer plus de temps dans sa peau à lui que dans la mienne et avant de redevenir Franck Sémonin à la maison, j’ai un temps de latence d’environ deux heures, c’est un peu comme un sas de décompression…

D’où vient cette envie d’être quelqu’un d’autre ? 

Je ne crois pas que ce soit propre aux comédiens, c’est juste poussé à son paroxysme dans ce métier là mais je pense qu’on joue tous des rôles au quotidien… Selon la personne à qui l’on s’adresse et selon le contexte, on se transforme tous un peu ! Tu ne te comporteras pas de la même manière avec ton meilleur ami qu’avec ton banquier… La grande différence c’est que l’acteur en a fait un métier car il aime raconter des histoires mais ce qui est certain, c’est que changer de personnalité est intrinsèque à l’être humain…

J’ai vu un reportage sublime qui parle de ça sur Netflix : Jim et Andy. Ça traite des coulisses du tournage de Man on the Moon dans le quel Jim Carrey incarnait le célèbre humoriste américain mort à 35 ans, Andy Kaufman. Ça retrace le processus artistique et psychologique qui permet à ce comédien de génie de se fondre dans la peau d’un de ses pairs et on voit à quel point la démarche peut frôler, parfois, la schizophrénie… 

On n’a jamais peur de se perdre en chemin ? 

Même si en tant que comédien, on doit trouver une vérité en soi pour rendre son rôle crédible et réaliste, on ment en permanence aux spectateurs mais on se ment aussi à soi-même car la seule chose qui est certaine, c’est qu’à la fin, on ne sait jamais qui l’on est vraiment, ni à quel moment on l’est… On est une somme d’expériences et d’états et ça nous façonne tout au long de notre vie. Je serais d’ailleurs tenté de penser que nos différents rôles ne nous perdent pas mais nous aident à nous trouver…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pendant un tournage à Saint Raphaël Photo JLParis / Auteurs Associés / TF1


Interview parue dans les éditions n°401 #1, #2 et #3 du mois de mars 2019

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