INTERVIEW

Sellig en interview

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Depuis une vingtaine d’années, Sellig nous raconte l’histoire de sa famille peuplée de femme et enfants  mais aussi et surtout d’une soeur revêche et d’un beauf  balourd avec qui ils nous entraîne dans des aventures qui ont la singularité d’être aussi banales qu’irrésistibles ! Et bien qu’il joue, qu’il incarne et qu’il bouge sans cesse, l’humoriste réussit, à un moment donné, à se faire tellement oublier qu’il laisse place à des personnages qui donneraient presque  l’impression de s’être échappés d’une BD…

 

SELLIG dans « Épisode 5 » : Sanary-sur-Mer / 12 avril • Nice / 13 avril

 


« Je crois qu’on ne survivrait pas sans le rire… »


MORGANE LAS DIT PEISSON : La tournée de l’Épisode 5 se remplit très bien…

SELLIG : Je sais que les dates s’ajoutent sans cesse et que les salles se remplissent bien mais sincèrement, je ne réalise pas trop ce que ça représente… J’ai vraiment du mal à me positionner par rapport à  tout ce qui touche de près ou de loin à la notoriété. J’ai toujours voulu faire ce métier pour me marrer mais pas pour être connu alors quand on m’interpelle dans la rue par exemple, je suis toujours surpris ! (rires)

Un public présent sans surmédiatisation…

C’est vrai que je refuse essentiellement les émissions télé qui ne proposent pas de jouer des sketches et puisqu’elles sont de plus en plus nombreuses à inviter des artistes pour parler de tout sauf du travail, j’ai une petite tendance à ne pas être très présent à l’écran ! (rires) Et bizarrement, je crois que ça évite de saouler les gens, ça crée un petit manque et ça leur donne envie de passer me voir sur scène. 

20 ans de carrière, c’est 20 ans de lien avec le public… 

C’est une grande famille qui s’est créée, je reconnais plein de visages dans la salle, certains noms sur les réseaux sociaux… À chaque fois que je les retrouve ça me procure un sentiment intense ! C’est extrêmement touchant de s’apercevoir que même si on n’est pas « bancable » le public est constamment au rendez-vous… Ça prouve qu’il nous aime profondément, qu’il ne se laisse pas influencer par une poignée de médias anti « populaire » et surtout que c’est toujours lui qui, quoi qu’il advienne, a le dernier mot !

Il y a « populaire » et « popularité »… 

J’ai choisi de travailler artisanalement, un peu à la Jean-Jacques Goldman alors je divertis les gens sur scène mais quand j’en redescends, je redeviens moi-même, un mec lambda. Je pense que, comme dans tout, il faut trouver le juste milieu… 

Si on est pleinement inconnu, personne ne se déplace pour nous voir et si on est élevé au rang de star – ce dont on rêve au début -, on finit par se couper de la « vraie » vie alors que c’est en elle qu’on puise la plupart de notre matière quand on est humoriste. 

Vous arrivez à rendre hilarant les plus banals moments du quotidien…

Je crois que ce qui prime c’est vraiment la façon dont on amène la chose… Quand on trouve l’axe et la manière, n’importe quel sujet peut devenir drôle. Ça se travaille mais du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours eu ça en moi, en grande partie grâce à mon grand-père. Dès l’âge de 5 ou 6 ans, on se racontait des histoires et je crois que ça a formé mon esprit à cet exercice… À l’école, j’avais zéro à mes rédactions parce que mon imaginaire m’emmenait tellement loin que j’étais hors sujet ! (rires)

Des idées en permanence ? 

Franchement oui… J’ai le cerveau qui bouillonne en permanence car je suis très curieux des gens, je les regarde énormément, je prends des notes constamment et d’ailleurs, j’ai déjà accumulé trop de matière pour l’Épisode 6 qui ne se jouera pas avant au moins trois ans ! (rires) L’humour, c’est un peu comme le journalisme, il faut s’adonner à un gros travail de recherches…

Dans le sketch du train par exemple, on se rend compte du comportement extrême dont tout humain est capable… 

C’est l’art de la disproportion… Le train est un excellent exemple car on s’aperçoit souvent que les gens ont l’impression de jouer leur vie en le prenant ! (rires) Mais c’est un comportement que l’on retrouve dans les files d’attente ou en voiture et je suis comme tout le monde, je me rends compte souvent après coup que j’ai vraiment exagéré ! (rires) Alors c’est drôle à l’échelle du quotidien, quand il s’agit juste d’emmerder le mec de derrière qu’on s’amuse à regarder s’époumoner dans le rétro, mais j’ai bien peur que ce soient ces mêmes comportements qui nous poussent, à un autre niveau, à partir en guerre…

L’humour ne sauve pas des vies mais on s’aperçoit qu’il est essentiel à nos vies… 

Parfois je reçois des messages poignants de spectateurs à ce sujet… Un homme m’a écrit qu’il ne m’avait ni écouté ni regardé de toute la soirée parce qu’il avait les yeux rivés sur sa femme qui riait quant à elle aux éclats alors qu’elle était atteinte d’un cancer en phase terminale… Une personne dépressive qui n’arrive plus à sortir de chez elle m’a écrit que regarder mes sketches sur YouTube était une des seules choses qui la faisaient encore rire… C’est émouvant et troublant à la fois car il y a quelque chose de complètement puéril dans le fait de monter sur scène pour faire rire les gens et en même temps, on s’aperçoit que c’est une terrible nécessité pour l’être humain… Je crois qu’on ne survivrait pas sans le rire…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos droits réservés

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Interview parue dans les éditions n°401 #1, #2 et #3 du mois de mars 2019

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