CONCERT

Camille Lellouche en interview pour A tour

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« J’ai besoin de me livrer pour exorciser… » Camille Lellouche

 


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Si aucun être humain n’est évidemment en permanence joyeux, en larmes ou surexcité, on ne devrait jamais attendre d’un artiste qu’il ne nous propose qu’une infime partie de ce qui le caractérise. Et pourtant, on s’étonne encore trop souvent de découvrir que certains sont capables de grands écarts.

Camille Lellouche fait partie de ceux qui osent tout et surtout qui peuvent se le permettre ! Tout aussi apte à arpenter seule la scène pour faire rire des milliers de spectateurs que d’incarner au cinéma un personnage imaginé par quelqu’un d’autre qu’elle, l’artisane sait aussi composer, écrire, jouer du piano et chanter avec autant de force que de conviction, de sincérité et d’émotion. À travers un album et une tournée sobrement intitulés A, Camille Lellouche se livre sans fard sur sa vision de la vie, ses souffrances, ses épreuves et ses aspirations. Des concerts à savourer, à vivre, à écouter et des textes à méditer…

 

 


 

 

Camille Lellouche en interview pour sa tournée de concerts A Tour

interview / concert / album / théâtre / cinéma

 

 


 

 

 

Morgane Las Dit Peisson : On réalise cette interview pendant ta séance maquillage, c’est un moment de relaxation et de concentration ?

Camille Lellouche : Oui, le maquillage permet de se recentrer, de passer un moment au calme, sans bruit, sans personne… Sur cette tournée, je viens en chanteuse, sans personnages, donc ça m’apaise et ça m’oblige à être face à moi-même. Et puis, c’est quand même un luxe d’avoir quelqu’un qui s’occupe de toi avant de monter sur scène.

 

Justement, tu te sens comment avant d’y aller ? Surexcitée, exténuée, stressée ?

Je fais vraiment partie des gens qui ont un coup de mou avant de monter sur scène. Ce qui n’arrange rien en ce moment, c’est que j’ai un bébé donc je suis particulièrement claquée ! (rires) Ensuite le trac arrive dans les dernières minutes mais quand je débarque sur scène, les gens ont tellement d’énergie qu’ils me la transmettent instantanément ! Une fois que le show est lancé, tout devient magique et quand ça s’arrête, on regrette que ce soit passé si vite. C’est incroyable l’énergie et les émotions qui circulent dans une salle.

 

 

La musique me procure un immense bonheur, ce n’est que du plaisir. Je me permets de dire ça en comparaison avec l’humour car bien que j’adore ça, je dois reconnaître que c’est énormément de travail et de pression. Quand tu vas sur scène avec un one-man, tu recherches des réactions – rire, suspense ou surprise – en permanence qui vont rythmer ton spectacle alors qu’en musique, soit les gens connaissent tes chansons soit ils sont à l’écoute, tout simplement. Il y a forcément moins d’appréhension que dans le rire qui, s’il n’est pas là, ne pardonne pas, décale tout et te déstabilise… Grâce à Dieu, ça ne m’est jamais arrivé mais en humour, très honnêtement, je ne peux pas me détendre avant de jouer car j’ai un trac, dans ce cadre-là, qui vire maladif ! En musique, je ne prends pas l’exercice à la légère mais je ressens quelque chose de beaucoup plus positif. Je ne dois évidemment pas oublier les paroles mais je peux me laisser porter et ne prendre que du plaisir…

Et puis je ne suis pas toute seule sur scène, je suis avec mes musiciens, on se regarde, on se sourit, on s’aide et en termes de confort et d’ambiance, c’est hyper cool de finir une date sans se retrouver en solo dans sa chambre d’hôtel après avoir reçu l’amour de 5000 personnes ! Et en même temps, il n’y a rien de plus beau que de réussir à faire rire les gens… Je crois que je ne pourrais jamais choisir donc j’ai vraiment de la chance de pouvoir alterner mes deux passions. 

 

J’ai l’impression que le lien entre les deux, c’est la vérité, la sincérité… Même derrière les personnages les plus exagérés…

C’est vrai que tous mes personnages sont des gens qui existent, ce sont des êtres humains et j’essaye de leur rendre hommage. Surtout aux femmes seules que j’incarnais beaucoup et pour qui je chantais un peu d’ailleurs dans le spectacle. Aujourd’hui, je chante tout court, sans filtre, sans protection et c’est peut-être là que se loge la petite difficulté en musique car les trois quarts des chansons racontent ma vie. C’est très intime et parfois, sans mauvais jeu de mots, violent… Et puis à la fois, je suis quelqu’un d’entier, donc quand je donne, je donne à fond. Quand je chante une chanson, je la chante comme si c’était la dernière fois alors ça donne des moments très puissants…

Je conseille d’ailleurs au public de venir avec mouchoirs et baskets car il y a autant de risque de pleurer que de danser ! (rires) Ça crée des vagues de respiration où les gens peuvent ressentir toutes les émotions possibles et imaginables. C’est une jolie bulle ce concert…

 

 

On t’a connue dans The Voice, comme humoriste, comédienne au cinéma, puis on retrouve de nouveau comme chanteuse… C’est parfois difficile de faire admettre, particulièrement aux médias, qu’on peut tout faire ?

C’est parfois épuisant de sentir qu’on essaye de te mettre dans des cases mais comme tu le dis, ça vient plus souvent des médias que du public. Je n’ai pas à choisir entre être actrice, humoriste ou chanteuse tant que le public m’accorde sa confiance. Ce qui compte c’est de travailler sérieusement, d’être sincère et de respecter les gens qui me sont fidèles. Ces trois aspects de mon travail sont des facettes de ma personnalité donc je ne vois pas pourquoi je devrais mettre un voile sur l’une d’elles et je suis heureuse de prouver que ça peut être possible d’être multiple ! 

 

Tu assumes tes choix et tes mots puisque tu te livres énormément dans tes chansons…

Quand certaines chansons arrivent, c’est parfois chaud car je ne peux pas m’empêcher de pleurer. Je ne le prévois pas, ça me tombe dessus quand c’est trop intense et que je suis submergée par l’émotion… C’est le jeu mais j’ai besoin de me livrer pour exorciser tout ça, surtout que je sais que ça aide aussi des gens…

 

 

Différents projets et à l’intérieur de ceux-ci, différents registres : de la chanson française, du piano-voix, du rap, du slam…

C’est vrai qu’en France, on a besoin de tout définir alors qu’en vrai, être artiste, c’est avoir une fibre artistique, c’est savoir créer, c’est avoir besoin de s’exprimer que ce soit par la musique, la peinture ou la danse. Quand je chante, je donne parfois de la voix et parfois du rythme ; quand je joue je peux aller vers du drame ou de la comédie ; quand je travaille sur mes projets je dirige tout alors que quand je vais au cinéma, je me laisse guider. C’est d’ailleurs un exercice enrichissant car pour moi qui ai l’habitude de tout maîtriser, je dois apprendre à « m’exécuter »… (rires) Ça pourrait sembler plus « reposant » mais c’est en réalité beaucoup plus difficile car ça oblige à faire confiance à quelqu’un. Sur scène, si je me plante, c’est ma faute et mon problème… Si un film est raté, les torts sont partagés mais c’est ta tête que les spectateurs voient en premier…

 

En concert en revanche tu maîtrises tout sauf les émotions que ta musique et tes textes – comme Outro – provoquent…

Outro, c’est mon Graal… Il dit en effet tout de moi, de ce que je ressens, de la façon dont je vois la vie, ma relation au public, mon travail… Le texte est essentiel mais la musique l’est tout autant. Je ne sais pas composer l’un sans l’autre, c’est très rare. Parfois, je vais avoir des fulgurances et écrire un texte mais en général, c’est la musique qui m’inspire le thème et les mots. Pour moi, ils sont très importants peu importe le style que je vais adopter. Que les gens dansent, chantent ou écoutent simplement, c’est primordial de dire des choses, de faire passer des messages et qu’ils soient entendus. C’est pour ça que je m’applique autant…

 

Ce qui t’anime en permanence c’est de raconter des histoires ou d’offrir cette évasion et cette réflexion aux gens ?

Je crois que ce qui m’inspire le plus c’est de procurer des émotions aux gens. Quand je reçois des messages qui me disent que ce que je chante et ce que je joue les aide ou lorsqu’ils me confient des histoires personnelles, je me dis que j’ai un devoir, celui de faire du bien aux gens. Je pense qu’on est tous sur cette terre pour quelque chose et moi, ma « mission », c’est de transmettre des émotions. Si les gens sont bien, je me sens bien.

 

 

Ne me jugez pas, une ode à la différence…

C’est un vieux morceau ! Je l’ai écrit quand je devais avoir 20 ou 21 ans et je ne le livre que maintenant, à 37 ans. C’est fou de se dire que je l’ai toujours chanté mais que je ne le partageais pas. Je voulais que le public puisse l’entendre et surtout l’écouter car ça concerne tout le monde, ceux qui sont attaqués sur leur handicap, leur sexualité, leur physique… Tu déranges quand tu es trop beau, trop gros, trop moche, trop roux, trop maigre, trop noir, trop homo, trop arabe… Notre société ne fait de cadeau à personne et 100 % de l’humanité est jugé quoi qu’il arrive, alors cette chanson parle de moi évidemment mais concerne, en réalité, chacun d’entre nous. 

 

Le clip en noir et blanc a été tourné non pas avec des comédiens mais avec un vrai public…

C’était important que ce soit mon public qui soit représenté. Tu peux prendre des comédiens parce qu’ils vont savoir jouer mais je désirais ce supplément d’âme et de vérité. Je voulais que ce soient des gens qui aiment mon travail et qui se sentent concernés par le texte. Il y avait une personne avec une jambe en moins, d’autres qui avaient des maladies, des juifs qui avaient vécu des violences, des personnes qui avaient subi des viols, d’autres qui ont été rejetés par leurs parents à cause de leur homosexualité, des victimes de racisme ou de harcèlement… Le tournage a rassemblé de vraies identités qui représentent réellement la société et je suis honorée et fière que tous m’aient fait confiance pour s’exposer, tout en pudeur, afin d’illustrer ces paroles qui me tiennent à cœur. C’était un plan fixe avec des regards, parfois des sourires voire des pleurs mais ce sont les yeux qui disent tout…

 

 

N’insiste pas, un morceau compliqué à livrer ? C’est une mise à nu totale…

C’était très dur… D’ailleurs c’est pour ça que je n’ai pas tout de suite osé assumer que je parlais de moi… Pendant les interviews, je disais que c’était arrivé à des proches (ce n’était d’ailleurs malheureusement pas un mensonge) car j’étais encore trop fragile pour en parler. Et puis, à un moment, j’ai réalisé que j’en souffrais encore trop et que me cacher derrière un morceau – qui disait pourtant tout – n’était pas suffisant pour aller mieux.

Il fallait que ça sorte, que j’en parle sans fard, que j’expulse ça… Le fait que les gens sachent que ça m’était arrivé à moi, a pu, je pense, les aider, les « rassurer » un peu. Car peu importe qu’on ait un caractère fort ou pas et peu importe qu’on soit connu ou pas, être victime de violences peut arriver à tout le monde et on n’en est pas responsable. Extérioriser m’a sauvée…

 

Sur scène, classe et sobriété en costume noir…

J’adore le costume noir, c’est mon petit côté Edith Piaf ! (rires) C’est vraiment ma référence. D’ailleurs, même en humour je suis en noir. J’aime que la tenue soit sobre pour que ce soit tout le reste – les mains et le visage – qui parle. 

 

Plus que la tenue, les chaussures, au théâtre en tout cas, sont un élément essentiel…

Oui, c’est au théâtre qu’on apprend ça. Si la tenue est importante, les chaussures de jeu sont essentielles car tu n’auras pas la même démarche ni le même ressenti en baskets ou en escarpins. Ça change tout, ta posture, ton rythme…

 

Tu continues à parcourir les salles de France et c’est magique mais il y a aussi eu le mythique Olympia…

Je l’ai fait en humour mais aussi en musique et c’est vrai que c’est particulier L’Olympia. Déjà tu vois ton nom en lettres rouges en arrivant, c’est dingue ! (rires) Tu n’as jamais envie de te rater sur scène mais c’est une salle tellement particulière et tellement chargée d’aura et de souvenirs que ça ajoute une certaine pression ! (rires) C’est vivant, c’est habité, il y a un son particulier qui n’a fait que mettre encore plus en valeur les talents incroyables de mon équipe : Matthieu Rousseau, Julien Parent et Jean-Anaël Aubaux. Grâce à eux, où que j’aille, mon son est magnifique et c’est la priorité absolue.

 

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson au Mas d’Été pour Le Mensuel / Photos DR / février 2024

 

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