CINÉMA

Blanquita au cinéma : Un scandale de pédocriminalité chilien porté à l’écran avec talent

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Blanquita

cinéma / drame

  • sortie nationale > 26 juillet 2023
  • De Fernando Guzzoni
  • Avec Laura Lopez Campbell, Alejandro Goic, Amparo Noguera…

 

 

« Blanquita » : Les victimes ont-elles toutes le droit à la parole ?

Inspiré d’une histoire vraie dans le Chili des années 2000, le film Blanquita revient sur un scandale de pédocriminalité dans lequel politiques (et autres hommes d’affaires médiatiquement exposés) étaient impliqués. Dans les salles françaises à partir du 26 juillet 2023, ce drame du réalisateur chilien Fernando Guzzoni ne manquera certainement pas de faire réagir le public alors que les acteurs expriment la tension d’une affaire hautement sensible dans toutes les facettes de leur jeu.

 

 

Blanca est une très jeune mère sans abri hébergée dans un foyer religieux où se côtoient tous ceux que la vie n’a pas épargnés. Parmi eux, elle rencontre Carlo, adolescent victime d’un réseau de pédophiles qui, dit-il, est organisé par une partie du gratin de Santiago, composé de personnalités politiques et d’hommes d’affaires. Le jeune homme, détruit par les sévices moraux et physiques qu’il a endurés, « ne supportera pas le procès » et son addiction à la drogue finira de le discréditer. Il trouve alors sa voix en Blanca qui lui prête son charisme et sa volonté de fer pour faire tomber ceux qui sont trop longtemps restés impunis. Portée par le père Manuel Cura – sinistre ecclésiastique engagé tel un Robin des Bois hargneux contre l’impunité des dirigeants -, Blanquita (comme il l’a surnomme) devient alors le porte-voix d’un scandale qui a secoué le Chili, tout en navigant, elle-même, en eaux troubles.

 

Blanquita film 2023 avec Laura Lopez

 

Ce film sombre révèle d’une part le sadisme répugnant d’une élite qui alimente un réseau pédophile en faisant son « marché » dans le vivier des enfants des rues de Santiago du Chili et, d’autre part, il questionne sur la valeur et le poids de la parole du témoin et de la victime… Parce qu’il est un ado de la rue addict au crack, la parole de Carlo ne vaut en effet (presque) rien face aux coupables magnats, on se demande s’il ne faut pas être une victime irréprochable pour être entendue et défendue ?

Dans une œuvre qu’il revendique comme étant une véritable fiction, le réalisateur Fernando Guzzoni pointe également du doigt le pouvoir des médias. Ce troisième protagoniste qui devrait se tenir par déontologie a equidistance du débat victime/coupable fait en réalité basculer l’affaire à coups de révélation et de discrédit, en alimentant, eux-aussi, le mythe de la victime idéale.

Laura Lopez, qui incarne Blanca, porte avec brio ce film dans tous ses aspects les plus tragiques : celui d’une victime de la vie, celui d’une combattante dans une lutte inéquitable, celui d’une mère trop jeune pour assumer sa maternité. Elle incarne la noblesse de la morale et du courage tout en révélant peu à peu dans un jeu subtil une part obscure, secrète et manipulatrice. Cette talentueuse bien que débutante actrice chilienne – dont c’est le premier film – est à garder sous les radars tant sa performance est remarquable ! Elle est servie par une mise en scène froide, aux lumières ciselées et aux bandes sons lancinantes, qui rendent à l’image l’état d’esprit des personnages : sans couleur ni perspective.

Au cœur de l’enquête, les spectateurs sont ainsi peu à peu placés en position de jurés omniscients écoutant les dépositions et assistant aux débats contradictoires et aux tractations internes…

© Claire Thiebaut pour Le Mensuel / Photo DR / été 2023

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