COUPS DE COEUR

Baptiste Lecaplain en interview pour son spectacle « Voir les gens » aux Royal’s du Rire de Mandelieu

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« Ce n’est pas un mythe, la scène est magique… » Baptiste Lecaplain

Franc, humble et généreux, c’est à peine descendu de scène que Baptiste Lecaplain s’est prêté au jeu de l’interview malgré une matinée de tournage de film aux côtés de Christian Clavier, un après-midi de transport et une représentation évidemment des plus intenses le soir ! Viscéralement passionné et n’économisant jamais ses efforts, l’humoriste ne s’est pas reposé sur les acquis de ses 2 premiers spectacles et s’est aventuré, avec Voir les gens, dans de nouvelles contrées…

 

 


 

 

Baptiste Lecaplain en interview pour son spectacle « Voir les gens »

spectacle / one-man / humour

 

 


 

 

Morgane Las Dit Peisson : Tout juste sorti de la scène du Grimaldi Forum de Monaco avec une standing ovation…

Baptiste Lecaplain : C’est toujours un peu gênant d’être tout seul face à un public qui se lève en t’applaudissant mais je ne vais pas te mentir, c’est super cool, c’est gratifiant et surtout, c’est extrêmement émouvant. Encore plus ce soir… Et puis, en ce moment, je suis en train de tourner un film, je suis dirigé toute la journée par un réalisateur, je joue avec d’autres comédiens donc quand j’ai la chance de pouvoir enchaîner sur mon spectacle le soir-même, c’est un lâcher-prise encore plus jouissif ! Pas de caméras à regarder, pas d’attente, pas de contraintes, je peux juste faire ce que je veux quand je veux et m’éclater !

 

 

Évidemment, tout ton spectacle ne réside pas uniquement sur l’énergie que tu déploies mais ça reste impressionnant… Surtout après une journée de tournage et de transport…

J’ai mal au genou des fois, je suis un être humain ! (rires) Sérieusement, j’ai toujours fait très attention… Je ne bois pas, je ne fume pas et l’air de rien, le temps passe donc je fais encore plus gaffe maintenant. Désormais, j’ai une vraie préparation de sportif de haut niveau. Je mange des pâtes, je fais ma sieste, mes 1h30 ou 2h de sport, je viens à la salle, je refais une petite sieste et je joue le spectacle… En fait, c’est chiant la tournée avec moi, je suis un moine ! (rires) Quand je me lève le matin et que je sais que je joue le soir, c’est la moindre des choses que de tout faire pour être en forme car les gens ont calé leur journée sur moi… Ils ont réservé leurs places parfois des mois à l’avance, ils se sont peut-être privés d’autre chose pour s’offrir mon spectacle donc je n’ai pas le droit de me rater, je dois être au taquet !

Des salles pleines partout…

Oui, je suis super content de ça mais je relativise le métier que je fais. Rien n’est jamais gagné donc ça ne sert à rien de se la péter sous prétexte que c’est plein ! Au final, je ne représente, avec mes 3 spectacles, peut-être au maximum que 3 soirées dans la vie des gens (pour les plus fidèles), je ne suis rien de plus que ça donc ça ne me donne pas le droit d’arriver sûr de moi et de me louper… C’est pour ça que je ne lésine pas sur l’énergie que je dois leur donner.

 

 

Aujourd’hui était une journée particulière après le départ de Guillaume Bats… Comment on trouve la force, en fonction de ce qu’on vit personnellement, de monter sur scène pour faire rire les gens ?

Il y a un genre de bulle qui se crée automatiquement… C’est vraiment le miracle de la scène… Peu importe la journée qu’on a passée, peu importe la fatigue, les mauvaises nouvelles qu’on a apprises, comme la perte de Guillaume… L’écrin dans lequel on évolue, je ne sais pas pourquoi ni comment, est quand même assez magique… J’ai déjà joué dans des conditions physiques lamentables, en étant ultra malade, en tenant à peine debout, en étant profondément triste et mal dans ma peau ou dans ma vie et pourtant, jusqu’à présent, j’ai toujours réussi à jouer. Je crois que la seule et unique raison à ça, c’est qu’on est portés par le public et qu’on arrive à se déconnecter totalement. Ce soir, par exemple, j’ai réussi à m’amuser pleinement même si, à trois moments précis, j’ai vraiment beaucoup pensé à Guillaume… J’ai eu de la peine bien sûr, mais les spectateurs font qu’on arrive à enchaîner dans ces cas-là. Je ne saurais pas te dire exactement comment ça marche mais ce n’est pas un mythe, la scène est magique…

Un petit instinct de « survie » même si on ne joue heureusement pas réllement son existence ?

Ce n’est pas que l’instinct… C’est tellement difficile de faire ce métier, de durer, de trouver de nouvelles blagues que je ne me lasse jamais des spectacles que je suis en train de jouer. J’arrive sur la fin du troisième – Voir les gens – et je me rends compte de la chance que j’ai de le maîtriser, de pouvoir m’amuser avec tout en sachant qu’en face de moi, la plupart des gens ne connaissent pas mes vannes, mes chutes et que pour eux, ce one-man est nouveau. Ça me permet de les délivrer avec beaucoup de fraîcheur. 

Je sais à quel point c’est laborieux d’écrire un spectacle donc je ne veux pas ne pas apprécier ce que je fais alors que je sais d’avance que je vais galérer à trouver de nouveaux rires, à me renouveler, que je vais vraiment suer du front et avoir mal à la main à force d’écrire et réécrire pour le prochain ! (rires) Quand je serai dans cette phase, je repenserai aux représentations que je fais maintenant. Je crois qu’il est là le véritable instinct de « survie », c’est avoir la conscience de refuser de gâcher ces moments-là quand a la chance de pouvoir les vivre ! 

C’est vraiment un conseil que je donne aux jeunes humoristes quand ils me demandent si je ne m’ennuie pas à jouer pendant plusieurs années le même spectacle. Bien sûr, parfois on peut être claqué et avoir moins envie de monter sur scène mais ces fois-là, il faut faire l’effort de penser que c’est la dernière fois que tu joueras… Avec ce qu’on a vécu pendant la période Covid, ce n’est plus difficile à imaginer… Je me rappellerai toujours la sensation que ça fait de voir tes dates être repoussées et s’annuler les unes après les autres. Quand tu rejoues, si au cas où tu l’avais oublié, je vais te dire que tu réalises vite à quel point ces instants-là sont vraiment précieux.

 

 

L’énergie d’un tournage est différente, sans public, souvent matinale et sans ordre chronologique par rapport à un spectacle…

C’est très différent comme exercice mais c’est trop cool ! Même quand je dois jouer dès le matin à moitié nu devant Christian Clavier ! (rires) Franchement, je vis un rêve éveillé ! Ça faisait très longtemps que je n’avais pas tourné de film au cinéma et là, je me retrouve dans un rôle principal avec ce grand Monsieur, ce génie comique qui m’apprend des trucs tous les jours… C’est juste génial ! Christian Clavier c’est vraiment du très très haut niveau et en plus, il est extrêmement sympathique et d’excellent conseil. Donc tourner ce matin et jouer ce soir, c’est juste magnifique ! J’étais trop content de cette journée et ma seule crainte était d’arriver en retard mais pour éviter ça, j’ai une super équipe aux petits soins avec moi qui fait en sorte que tout se passe bien, afin que je n’aie plus qu’à jouer le soir quelque chose que j’aime par-dessus tout et que je maîtrise. 

Pour en revenir à la différence entre les deux types de jeu, elle est flagrante : ce soir, j’ai joué 1h30 d’une matière qui a été vue pendant 1h30 alors que ce matin j’ai tourné plusieurs heures pour en moyenne une minute de film. La technique et l’approche sont différentes mais les deux sont motivantes, enrichissantes et me donnent envie de me lever tous les matins.

Il y a aussi eu la série Les randonneuses sur TF1… 

C’est un 6 x 52 minutes pour TF1 qu’on a tourné il y a plus d’un an déjà, dans la montagne. Ça ressemble évidemment à un tournage de cinéma mais sur une durée plus courte donc plus axée sur l’efficacité. Ça apporte encore quelque chose de différent à l’exercice. Ça a réellement été une aventure géniale. J’ai adoré cette série car elle est centrée sur ces femmes qui combattent la maladie et qui sont interprétées par des comédiennes extraordinaires ! J’ai tourné avec Clémentine Célarié, qui a eu le prix d’interprétation pour la série d’ailleurs… Cette femme est juste grandiose et jouer avec des gens comme elles, ça ne peut que te nourrir… Les rôles de mecs étaient au second plan et ça aussi, c’est bien de le souligner. Les rôles de femmes n’ont pas à être perpétuellement moins riches que ceux des hommes, ce qui compte c’est de servir une histoire. Ça a été un plaisir de rejoindre cette expédition, on a énormément rigolé même si le rythme était soutenu ! 6 épisodes équivalent en gros à 3 films tournés en 3 mois mais j’adore l’ambiance de tournage. Il y a un esprit de troupe que je n’ai pas connu puisque je ne suis pas passé par le théâtre. J’y ai un peu goûté avec Jérémy (Ferrari), Arnaud (Tsamère) et Guillaume (Bats) lorsqu’on a fait des dates ensemble. Ce sont des moments précieux parce qu’on y partage vraiment le goût de la comédie et parce qu’on est dans les détails… On s’écoute, on se répond, c’est pointilleux… J’aime beaucoup et surtout j’aime alterner le plateau et la scène, c’est assez savoureux.

 

 

Dans Voir les gens, des personnages mais aussi des animaux…

Pendant l’écriture du spectacle avec FloBer (Florent Bernard), je t’avoue qu’on a beaucoup déliré là-dessus. Et comme il sait que j’ai une capacité d’incarnation de personnages, je les faisais devant lui alors qu’on écrivait dans un café… C’était parfois très bizarre… Surtout pour le serveur qui nous a supportés ! (rires) Avant, j’avais tendance à trouver une blague et à l’étirer avec énormément de personnages tandis que FloBer m’a fait sortir de ma zone de confort en écrivant sur des thèmes. Ça peut paraître bête vu de l’extérieur mais il a m’a vraiment « obligé » à travailler différemment, c’était hyper perturbant au début ! Il a commencé en me disant « on va parler de l’évolution » ! Plus large que ça… (rires) On est partis d’une recherche sur les inventions du XXème siècle… Autant te dire que je n’étais pas super optimiste ! (rires) On tombe sur la « fusée » qui a été inventée avant la « valise à roulettes » et je suis parti à fond, on a écrit ce sketch-là en 10 minutes ! (rires) Puisque j’avais plein de blagues sur mes filles, il a trouvé l’idée de l’évolution de l’éducation et ainsi de suite jusqu’à temps de véritablement structurer le spectacle. On l’a scénarisé un peu comme un film car il est un excellent scénariste. J’avoue que sans lui et son écriture, j’aurais fait un troisième spectacle exactement dans la veine des deux précédents tandis que là, je sens qu’il y a une vraie avancée, une petite différence qui est encore plus notable sur la fin, dans un style plus storytelling.

 

 

Fanny Ardant fait même partie du casting de ce spectacle…

(rires) J’espère qu’elle ne me prendra pas pour un fou si elle le voit un jour ! J’ai eu l’idée de « l’imiter » après avoir fait une lecture pour un film avec elle. Ils ont pris Vianney à ma place, j’étais un peu vexé alors je me suis dit que l’inclure dans le spectacle allait me permettre de jouer un petit peu avec elle quand même ! (rires) J’ai eu le privilège de passer une heure en sa compagnie et sincèrement, c’est une femme incroyablement charismatique et fascinante. Je note toujours des petites idées comme ça à droite, à gauche, certaines servent comme celle-ci et beaucoup d’autres restent dans un tiroir !

Pour la première fois, tu oses aller vers le stand-up avec des sujets intimes et pas glorieux, comme l’infidélité…

Ce qui est intéressant dans la forme du stand-up, c’est de pouvoir aborder ses failles, ses erreurs… Je me moque de plein de gens et de plein de choses donc aucune raison que j’y échappe… J’ai parlé de mon faux pas parce que c’était important pour moi d’être honnête et peut-être aussi un peu « d’expier » ma faute. En vieillissant, on fait des choses bien et d’autres qui le sont beaucoup moins, mais s’il y a une drôlerie à trouver dans certaines expériences, autant les délivrer sur scène. Ce n’est pas parce que je suis un peu connu, que je suis un mec parfait, la preuve ! Je tenais à terminer avec ce sujet-là… C’est sûr que ce n’est pas le sketch préféré de ma copine mais je ne peux pas faire que des blagues qui ne me touchent pas personnellement… Et comme ce qui me touche, c’est ma famille… C’est Florence Foresti qui m’avait dit qu’avoir deux filles c’était génial, je lui ai répondu que j’étais content en effet mais elle, elle voyait la matière que ça allait me donner pour plus tard ! (rires) Je sais qu’à leur adolescence, je vais avoir du contenu pour mes spectacles… (rires) Ça passe tellement vite que ça me travaille déjà ! C’est important de se nourrir de sa vie et c’est ce que j’aime le plus. Plus tu personnalises tes histoires et plus ça t’évite d’avoir des thèmes redondants.

 

 

Pas mal de running gags…

J’ai besoin d’avoir des running gags parce que ça va avec mon tempérament et mon manque de concentration. J’ai toujours eu du mal, par exemple, à lire un livre parce que je pense à plein de trucs en même temps et que je suis obligé de revenir 3 pages en arrière pour savoir de quoi ça parle. J’aime ces petits détails qui rythment un récit et dont on se souvient comme dans la Rubrique-à-brac avec cette fourmi qui apparaît dans plein de pages. Je n’ai rien inventé avec mon flamand rose, Eddie Izzard – que m’a fait découvrir Kyan Khojandi – est un pro dans ce domaine mais j’aime bien qu’il y ait des petits fils conducteurs…

The Joke ?

Avec mon manager, on a ouvert cette salle il y a un peu plus d’un an maintenant. C’est un endroit dont on est très fiers ! Clairement, c’est lui qui gère, moi, je ne suis là que pour donner un peu de « lumière » sur le lieu. Il y a eu une équipe de dingue qui s’en occupe dont Ambre qui est à la programmation artistique et qui fait un travail incroyable avec les 35 plateaux d’humoristes qui y passent chaque semaine. On est super contents de ce projet parce qu’on permet à plein de débutants de s’exercer sur scène. Quand on a démarré, avec Aslem, on voulait déjà acheter une salle de 45 places mais je n’étais même pas encore humoriste professionnel à ce moment-là. Dès qu’on en a eu l’opportunité, on a monté ce Comedy Club… Je me rappelle très bien la galère des débuts avec l’équipe de Bref. Kyan, Kheiron, Bérengère… C’était compliqué de se produire à l’époque donc si on peut maintenant accueillir et mettre le pied à l’étrier à des jeunes, c’est juste génial ! L’idée, c’est qu’on puisse venir tester ses 5 ou 10 minutes de sketch même sans avoir de spectacle complet. Je sais que quand je vais écrire le 4ème, je pourrai moi aussi avancer dessus en essayant régulièrement mes vannes devant le public.

C’est génial car il y a une vraie synergie positive qui se crée à Paris et petit à petit, qui gagne la province. Le stand up et la blague sont vraiment en train de progresser en France donc ça veut dire que l’humour a de beaux jours devant lui…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson au Grimaldi Forum de Monaco pour Le Mensuel / Photos DR

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