
CINÉMA
Marina Foïs & Roschdy Zem en interview et dans la peau de Signoret & Montand
« On se concentre sur ce qu’il y a sous la surface… » Marina Foïs
Dans « Moi qui t’aimais » de Diane Kurys, Marina Foïs et Roschdy Zem se sont glissés dans la peau d’un couple aussi mythique que « banal » pour nous raconter une histoire d’amour qui résiste, comme elle peut, au temps qui passe. Avec humilité, talent, délicatesse et sans jamais chercher à les imiter, les deux comédiens nous ouvrent les portes de Simone Signoret et Yves Montand. Entre passion, haine, infidélités, compétition, doutes, respect et admiration, ce film au charme feutré invite à les (re)découvrir tout en réfléchissant à la complexité et à la force qu’offre la vie à deux…
Marina Foïs & Roschdy Zem en interview pour le film Moi qui t’aimais
interview / cinéma / biopic
- le 01 octobre 2025 au cinéma
- film de Diane Kurys
- avec Roschdy Zem, Marina Foïs, Thierry de Peretti…
Morgane Las Dit Peisson : Se retrouver à l’occasion des avant-premières…
Roschdy Zem : Hélas, on ne s’est jamais vraiment quittés depuis le tournage ! (rires) Marina et moi sommes très proches depuis une quinzaine d’années. On se voit régulièrement, on discute énormément donc, contrairement à d’autres rencontres qu’on peut faire sur des plateaux, la fin d’un film n’est pour nous pas la fin d’une relation, c’est uniquement la fin d’un projet…
Marina Foïs : D’ailleurs, il va me supporter encore un peu, puisqu’on part bientôt tous les deux faire un film brésilien, de Felipe Barbosa, dans lequel on sera à nouveau un couple. On se remarie mi-novembre ! (rires)
Une histoire d’amitié qui vous a d’ailleurs fait penser à Roschdy pour incarner Yves Montand…
Marina : Pour moi, c’était une évidence que ce soit lui, alors j’ai soumis l’idée à Diane Kurys. On s’aime profondément, mais c’est avant tout un de mes acteurs français préférés. Je trouve que c’est un comédien absolument génial, très intelligent dans sa manière d’aborder les rôles et, pour assumer celui de Montand, il fallait quelqu’un qui aime le cinéma plus que lui-même. Il fallait qu’il soit capable d’aimer raconter une histoire plus que de se poser la question de savoir la place ou l’image qu’il allait avoir dans le film.
Et comme je le connais dans l’intimité, je sais ce que les gens ne savent peut-être pas de lui… Il a une sévérité, presque même une austérité de prime abord, qui le rend d’ailleurs un peu sexy, tant c’est à contre-courant de l’air du temps qui veut qu’on se montre sous toutes les coutures, en permanence. Il a une réserve et une pudeur qui laissent imaginer qu’il est uniquement sérieux, alors qu’il est rigolard, fanfaron, qu’il dit des conneries. Il est plutôt lumineux, joyeux et il a cette autodérision qui était, à mon sens, nécessaire pour jouer Montand. Je ne voyais personne d’autre que lui pour l’interpréter…
Roschdy, vous m’aviez confié que vos rôles vous avaient appris l’humilité…
Roschdy : Il faut toujours aborder un rôle avec rigueur et modestie. Si en lisant un scénario, vous vous dites qu’avec une moustache, ça va rouler, c’est que vous allez – selon moi -, droit dans le mur. Un rôle, ça fait appel à des choses très sensibles – parfois même douloureuses – de vous, donc si vous ne les approchez pas avec cette humilité-là, il y a quelque chose qui va transparaître et qui ne sera pas de l’ordre de la vérité ou de l’authenticité…
Il faut vraiment y aller avec beaucoup de douceur et de sérieux, car c’est très important de ne jamais prendre un rôle à la légère. Parfois, des films semblent faciles et c’est là le vrai danger. Évidemment, ce n’était pas du tout le cas avec Montand ! Non pas qu’il ait été plus difficile qu’un autre personnage, mais je savais qu’il fallait être vigilant pour comprendre comment l’interpréter sans le trahir, en l’évoquant plus qu’en l’incarnant.
C’est ce qu’on comprend dès la 1ère scène où l’on vous voit devenir les personnages…
Roschdy : Cette « entrée » permettait de sortir des conventions du biopic. Souvent, on se pose la question du maquillage, des prothèses, du latex ou des interventions numériques sur le visage, mais cette scène raconte le labeur de ces deux acteurs qui se préparent à interpréter deux personnages emblématiques du cinéma… Le fait d’inviter le spectateur à voir ça, c’est aussi lui dire que, derrière un film, on travaille, on tâtonne, on doute… La version finie n’est pas un petit miracle, c’est la quintessence de tout ça.
Ce qui est intéressant aussi, c’est qu’on voit Montand et Signoret se préparer, répéter, avoir le trac, hésiter puis s’armer de courage pour jouer. Au-delà de leur histoire d’amour, il y a cette valeur du travail dans ce qu’a voulu raconter Diane à travers Moi qui t’aimais, et ça m’a touché.
Marina : C’est vraiment raccord avec le parti pris de ce film, qui est de montrer deux grandes stars sans jamais les faire aller sur scène, en pleine lumière. On les voit travailler, répéter, débattre, tourner, on se concentre sur l’intime et sur ce qu’il y a sous la surface…
Se glisser dans la peau de ces deux monstres sacrés ajoute une pression ?
Roschdy : Tout rôle est une pression, c’est très dur de réfléchir à la façon dont on va restituer une histoire, même s’il s’agit d’un anonyme ou d’un personnage de fiction. Dans le cas de Signoret et Montand, bien que ce soit des sommités du cinéma, ce qui nous a intéressés, c’était de rentrer dans leur salon, et c’est là que c’est devenu intéressant. Qu’est-ce qu’il se passe quand on rentre chez deux personnes qui s’aiment depuis 30 ans et qu’on s’attarde sur les 10 dernières années ?
Ce sont sans doute les plus compliquées et les plus douloureuses, parce que les corps changent, les ambitions, les besoins et les envies changent… Ça raconte la difficulté de s’aimer et de se regarder avec le temps qui passe, ça raconte les échanges, ça interroge sur le degré de complicité qui existe encore dans le couple… Et c’est là que c’est passionnant, parce que ce sont des questions que se pose le commun des mortels…
Tous les couples peuvent se retrouver dans cette histoire et le fait que ce soient deux grands noms du cinéma ne devient finalement qu’un prétexte à raconter quelque chose d’universel, c’est ça qui m’a séduit.
Marina : Et puis, pour pouvoir être acteur, il faut, à un moment, s’autoriser ces rôles-là et les autres aussi… Il faut avoir du cran pour accepter un rôle principal et se dire qu’on va être de tous les plans ! Une fois cette question « réglée », il faut plus interroger son désir que sa peur, parce qu’on a le droit d’avoir très très envie de jouer Simone et Montand. Si à la fin, on n’est pas très bons, ce sera plus grave pour nous que pour ceux qui auront vu le film ! (rires)
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson au Pathé Gare du Sud de Nice pour Le Mensuel / Photo David Koskas – New Light Films
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