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COUPS DE COEUR
Sara Mortensen en interview pour la saison 6 d’Astrid et Raphaëlle
« Astrid m’a littéralement envahie ! » Sara Mortensen
La rencontrer « en vrai » force l’admiration… Car si son personnage dans la série « Astrid et Raphaëlle » n’est que retenue, rigueur et précision, Sara Mortensen est quant à elle dotée d’une énergie exaltante ! Pleine de vie et de bonne humeur, on réalise encore plus en lui parlant, le travail minutieux qu’a exigé un rôle tel que celui de cette jeune femme autiste, attachée à l’organisation, aux rituels et au cadre. Alors qu’entre ses mains, le terme « incarner » prend tout son sens, la comédienne passionnée par le jeu et la narration pense déjà à passer derrière la caméra…
Sara Mortensen en interview pour la série Astrid et Raphaëlle
interview / série / télévision
- le vendredi / à partir du 24 octobre 2025 / à 21:10 / sur France 2
- en replay sur france.tv / saison 06 / 08 épisodes
- avec Sara Mortensen, Lola Dewaere, Benoît Michel…
Morgane Las Dit Peisson : De retour au Festival de Télévision de Monte-Carlo…
Sara Mortensen : Ah mais je suis hyper contente d’être là ! C’est d’ailleurs pour ça que je reviens chaque année ! L’accueil est fou, on est cocoonés, c’est limite si je n’ai pas ma chambre attitrée ! (rires)
Et surtout, c’est l’occasion de voir le public en vrai…
Ça paraît vraiment hyper bateau de dire ça, mais sans les spectateurs, nous ne sommes rien, donc venir à leur rencontre et prendre le temps d’échanger, c’est hyper important ! Je trouve que c’est la moindre des choses que de rendre la pareille à tous ces gens merveilleux qui nous aiment de loin et grâce à qui l’aventure peut durer…
On a beaucoup de séries policières mais elles se distinguent par les identités fortes de leurs personnages, comme dans « César Wagner » ou « Astrid et Raphaëlle »…
Gil Alma est génial en flic hypocondriaque, j’adore ! Et c’est justement ce genre de particularités qui séduisent autant le public que les comédiens. En ce qui me concerne, pour le coup, Astrid c’est LE cadeau ! Je pense que tout acteur attend qu’on lui confie le rôle de composition qui lui permettra d’être tout sauf lui. Même si ce n’est pas tout à fait vrai, puisque, pour construire un personnage, on part toujours de nous… Aussi bien écrite soit-elle, si quelqu’un d’autre que moi avait campé Astrid, elle aurait été complètement différente !
La façonner a été un challenge, un défi mais surtout, un cadeau extraordinaire qui, en plus, se perpétue dans le temps et à travers le monde ! Le succès de cette série me laisse pantoise et admirative… Je trouve ça génialissime !

Vous venez de tourner la 6ème saison…
Exactement, on a tourné un pilote, un crossover avec Alexandra Ehle et désormais 6 saisons, ce qui nous fait tout de même 50 épisodes au compteur !
Au tout début, vous y êtes allée dans quel état d’esprit pour appréhender ce rôle où tout est dans la retenue, le calme et la précision ?
À reculons ! (rires) Car Astrid, il faut la jouer entièrement, elle m’a littéralement envahie de la tête aux pieds… Un personnage pareil, ça s’aborde avec beaucoup de modestie, de recul, d’observation, de discussions et d’écoute. Ensuite, seulement, je l’ai modelée à ma sauce. Il fallait qu’elle soit suffisamment subtile pour ne blesser personne – concerné de près ou de loin par le spectre -, suffisamment crédible et suffisamment marquée pour que les neurotypiques se rendent compte qu’elle avait quelque chose en plus…
En revanche, dans la réalité, Astrid n’existerait pas parce que les femmes autistes le masquent beaucoup mieux que les hommes, tout comme Raphaëlle est une neurotypique exagérée pour les besoins de la série. Elle oublie son fils à l’école, elle arrive en retard partout, elle est bordélique, elle met les pieds dans le plat sur les scènes de crime… Quoiqu’à bien y regarder de plus près, elle ressemble à ce que je suis dans la vraie vie… (rires)
On est deux personnages de fiction très différents et peu courants mais, ensemble, on représente un peu tout et tout le monde.
Astrid requiert constamment un travail de fond ?
Toujours. À chaque fois que je remets les petits souliers d’Astrid et que je noue symétriquement mes lacets avant de sortir de ma loge, j’ai en permanence cette montée de trac et je me demande si je vais y arriver, si je sais encore comment elle fonctionne… Je la laisse tellement vivre sur le plateau que je ne prédis jamais ce qu’il va se passer. Je ne prévois pas de finir en larmes dans telle ou telle scène comme je suis incapable de dire à un réal où je vais me mettre quand ça va tourner ! Je la laisse faire et surtout, j’espère qu’elle va revenir à chaque fois…
De mon côté, entre chaque saison, quand je ne suis pas « avec » elle, je continue à me documenter, à lire beaucoup, à observer…
Quand on accepte ce type de rôle, c’est aussi une manière de se rendre « utile » ?
Ça permet, c’est certain, de faire la lumière sur l’autisme mais en toute franchise, quand j’ai accepté de tourner le pilote, je ne me suis pas posé la question ! D’ailleurs, j’étais assez détendue pensant que c’était un unitaire… Je crois que j’étais la seule à n’avoir pas compris que c’était dans le but d’en faire une série ! (rires)
J’ai fait mon tournage, j’ai trouvé ça super et j’ai été (agréablement bien sûr) surprise qu’on me rappelle pour les épisodes suivants… On en est à la 6ème saison, on prépare la 7ème… Je trouve ça dingue !
Tout ça pour dire que non, je n’avais pas pris la mesure de l’importance de ce rôle quand je me suis lancée. Mais aujourd’hui, je suis très fière de contribuer à ce que le spectre autistique soit mis en valeur.
Astrid est touchante et parfois drôle malgré elle…
La comédie lui tombe dessus malgré elle tant ses réactions sont quelquefois décalées pour nous. Elle est factuelle et n’est pas tout à fait armée pour exprimer ses sentiments, donc elle peut annoncer à quelqu’un la mort d’un proche sans préambule ni délicatesse… Mais c’est ça qui la rend drôle et émouvante à la fois. Après, ça reste un personnage de fiction… Il faut toujours garder à l’esprit qu’elle n’est pas tous les autistes comme Raphaëlle n’est pas tous les neurotypiques, il en existe autant qu’il y a d’être humains sur terre…
Par contre, bien qu’Astrid ne soit pas « l’autiste », elle permet de valoriser la différence et la tolérance… Avec ce personnage, je reçois énormément de messages de gens qui ont un regain d’espoir parce qu’ils réalisent que leurs enfants peuvent avoir un avenir, d’autres se disent que documentaliste serait un super métier pour eux, d’autres encore me disent suivre l’exemple d’Astrid en « sortant du cadre » comme elle le fait souvent pour trouver une solution à un problème et j’ai eu le témoignage d’un mari qui, grâce à la série, a réussi à mieux comprendre sa femme…
C’est magique ce que ça ouvre en plus d’être une série policière extrêmement bien écrite par notre charmant Alexandre de Seguins – créateur de cette série avec Laurent Burtin -, qui est un mec complètement fou !
Au Japon, où on est parti en promo, ils considèrent carrément Astrid et Raphaëlle comme une forme de documentaire sur l’autisme !

Entre « Astrid et Raphaëlle », les « Meurtres à » ou « Filip », on vous voit vous transformer physiquement…
Il y a des acteurs qui sont pris pour ce qu’ils sont et qui le font merveilleusement bien mais moi, j’adore me transformer pour être quelqu’un d’autre ! Parler, bouger, penser différemment et me transformer physiquement, c’est extraordinaire. Et puis, j’apprends plein de métiers ! Pour Meurtres aux Marquises par exemple, je jouais une flic de la brigade fluviale et, même s’ils ne m’ont pas mis une scène sur la Seine, je suis quand même allée faire ma petite journée en immersion totale parce que je trouve ça incroyable de pouvoir toucher à tout !
Il faut aimer profondément l’humain pour s’y intéresser autant…
Mais au-delà du kiff personnel, je suis comme ça parce que j’essaye de ne jamais trahir les personnes concernées par le métier que je vais jouer. Avant de participer à Chefs avec Clovis Cornillac, je peux vous garantir que je ne découpais pas aussi bien mes légumes ! Je me suis tapé un kilo de carottes et d’oignons tous les soirs pendant trois semaines avant le tournage, juste pour avoir le petit « tac tac tac tac » parfait ! Le problème, c’est que j’oublie ce que j’ai appris immédiatement après m’en être servi… (rires) Pour un rôle de barmaid, je suis même allée faire un petit tour dans une école de cocktails où j’ai été formée par Marco pendant 5 jours ! J’ai fait en sorte de prolonger au maximum cette formation bien qu’on ne voie pas tous les gestes dans le film… (rires) Sérieusement, c’est important pour moi de comprendre et ressentir les gestuelles ou les attitudes pour me mettre dans la peau d’un personnage, même quand ça ne sert pas à l’image.
Quand on est aussi attachée aux détails, on n’a pas des envies de réalisation ?
Oh, joli ! (rires) Oui, complètement, j’ai hyper envie de réaliser parce que notre métier de comédien c’est de narrer une histoire et que chacun, à notre manière, on se raconte la nôtre d’un point de vue différent… La lumière d’un film ne dira pas la même chose si elle est forte ou tamisée, et c’est pareil pour tous les postes de travail sur un tournage.
J’aime diriger les acteurs, je ne peux pas m’empêcher de scruter et de vérifier tous les détails « un peu » (beaucoup) partout (rires) alors je me dis que je pourrais peut-être m’asseoir derrière la caméra pour raconter mon histoire « à moi »… J’ai très envie de le faire mais écrire exige un temps fou, alors j’attends juste d’être un peu plus disponible pour le faire bien. Pour l’instant, j’ai cette chance immense de faire ce que je préfère au monde – jouer -, donc je vais continuer à en profiter avant d’être « périmée »… Je suis une femme, donc la date de péremption approche… En cherchant bien, on devrait trouver l’étiquette quelque part ! (rires)
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson au Festival de télévision de Monte-Carlo pour Le Mensuel / Photo DR & Philippe Leroux
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