INTERVIEW

Oldelaf en interview pour Le Mensuel en 2014 Nouvel album Dimanche

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Oldelaf

en interview 

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OLDELAF
 


« On peut réellement faire un spectacle

qui associe du rire profond à une musique délicate »

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On aurait pu croire que le titre qui lui a ouvert les portes de la médiatisation était un hommage à la mère de la «bravitude» s’il n’avait osé cette audace avant elle. Car Oldelaf – Olivier Delafosse de son vrai nom – n’a eu besoin de personne pour contribuer au renouvellement de la langue de Molière en créant sa Tristitude. Au confluent de la tristesse et de la solitude, les textes de cet auteur-compositeur-interprète sont toutefois beaucoup plus désopilants que cette contraction de sentiments désolants. Rareté scénique qui n’a su faire de choix entre humour décapant et qualité mélodique, Oldelaf passe au crible un quotidien plus facile à encaisser lorsque l’on est accompagné. C’est donc sur scène, avec ses quatre compères, que l’artiste désormais chroniqueur sur Europe 1 et adepte du financement participatif vous fera participer à son aventure. Et puisqu’il a bien compris que l’union faisait la force, il compte sur vous, comme il l’avait déjà lors de la réalisation de certains de ses clips, pour le soutenir dans l’élaboration de son prochain album dans lequel il vous réserve une place prépondérante.

 

   

oldelaf c frank bohbotMorgane L : Pourquoi, après des expériences de groupe, être revenu en solo à partir de 2010 ? Même si l’on devine que vous n’êtes jamais vraiment seul ?

Oldelaf : C’est sûr j’aurais du mal à être tout seul ! (rires) Il y a eu en réalité deux raisons principales à cette prise de décision. La première est que pendant dix ans, il y a eu Oldelaf et Monsieur D mais Monsieur D a changé trois fois donc ça a donné trois périodes différentes. C’est assez difficile de devoir s’arrêter lorsqu’un spectacle fonctionne bien et tourne et surtout de devoir tout reprendre à zéro et recréer une cohésion, une complicité à chaque fois avec un nouveau partenaire. Ça a été pénible à chaque fois !

La deuxième raison pour laquelle j’ai souhaité ce changement est que Oldelaf et Monsieur D était un spectacle uniquement humoristique et je vous avoue qu’à un moment, ça m’a manqué de ne pas pouvoir m’exprimer pleinement. J’avais envie de faire des chansons plus jolies, plus délicates, du coup ça m’a donné l’idée de faire un spectacle plus personnel dans lequel je suis parti avec des gens qui avaient connu la période Oldelaf et Monsieur D.

Aucun regret donc ?

Non je suis super content car même les gens après le spectacle me disent qu’ils n’ont pas perdu le rire qu’ils connaissent du premier projet puisqu’il y a toujours cette empreinte sur certaines chansons et sur les transitions avec des personnages complètement farfelus qui m’accompagnent, mais qu’en plus, il y découvrent de jolies chansons qui apportent une crédibilité mais aussi un autre sens à ce que je fais.

C’est vrai que c’est une démarche, un « format » assez rare…

Je pense qu’aujourd’hui je commence à marquer une empreinte. Je suis heureux car on me donne les moyens de le faire vraiment. Sincèrement, j’y ai crû mais c’était compliqué de le faire passer. Je suis persuadé que le mélange des deux, humour et mélodie, est viable et cohérent et que l’on peut réellement faire un spectacle qui associe du rire profond et une musique délicate. Ce n’est pas du tout incompatible mais c’est extrêmement dur à annoncer, à présenter et à expliquer aux producteurs et aux programmateurs. Ça l’est encore à la radio par exemple ! Car aujourd’hui, malgré tout ce qui a pu m’arriver et le succès de la Tristitude, cette chanson n’a pas été énormément diffusée en radio. Certains programmateurs la trouvaient géniale, me disaient que eux-mêmes l’écoutaient mais qu’ils ne pouvaient pas la passer sur leurs stations à cause de l’aspect humoristique qui ne rentrait pas dans le cadre conventionnel. Certaines personnes sont encore un peu hésitantes, un peu frileuses… (rires) Des programmateurs de salles ou de festivals n’osent toujours pas me prendre pour cette même raison. Ceux de musique me conseillent de me diriger vers ceux qui sont spécialisés en humour et vive versa. Alors je schématise un petit peut bien entendu mais c’est vrai qu’une bonne partie de festivals qui se veulent être un tantinet élitistes et intellectuels ne désirent pas me prendre à cause de l’accent humoristique. Le programmateur des Francofolies, étonné de me voir remplir un Olympia y est venu par curiosité et après avoir vu le concert, a eu la gentillesse et l’honnêteté de venir me demander pardon avant de me programmer par la suite. C’est un combat qui est dur mais heureusement, je ne suis pas tout seul à le mener. C’est devenu, avec mon équipe, une aventure commune et grande. Sur scène, déjà, on est cinq et je tiens à souligner que ces quatre gars qui m’accompagnent sont géniaux ! Ils sont à la fois musiciens et comédiens, ils font un travail formidable. Sans oublier, bien sûr, tous ceux qui œuvrent dans l’ombre, producteurs, attachés de presse, techniciens, tourneurs, managers…

C’est vrai que ce doit être déjà difficile de comprendre soi-même que l’on est en train de créer quelque chose de très différent de tout ce qui se fait alors pour l’expliquer aux autres…

Oui, en fait, je crois que j’ai laissé justement les gens me l’expliquer… Il y a trois ans, avec le recul, je m’aperçois que je ne savais pas ce que j’allais faire, ce que j’étais en train de faire. C’était compliqué d’obtenir la confiance de ceux qui sont devenus mes partenaires alors même que je ne savais pas encore vraiment ce que j’étais en train de construire, que j’étais paumé et que j’étais incapable de dire si le mélange de ces deux univers était cohérent et surtout si j’étais capable de le faire. Certains artistes ont réussi à amener de l’humour dans des chansons magnifiques et très profondes comme Renaud, Brel, Brassens ou Bénabar et je trouvais qu’essayer de le faire moi aussi avait quelque chose de très ambitieux voire même prétentieux de ma part… J’ai tout de même eu envie de tenter l’aventure et pour l’instant, l’histoire aurait plutôt tendance à finalement me donner raison.

Lorsque ça fonctionne, c’est que l’artiste est sincère. Ça ne ressemble pas à un coup médiatique mais bel et bien à quelqu’un qui ne savait pas faire un choix entre les deux univers…

C’est exactement ça ! J’ai essayé de faire des spectacles où je ne faisais que de la musique et des chansons sérieuses mais ce n’était pas moi du tout ! Tout comme l’humour seul… Je suis un mélange de ces différentes phases dans ma vie, ce que je fais est le fruit de mes névroses, de mes joies… Et j’ai eu envie de traduire ça sur scène sans finalement trop chercher à donner un nom à ça. C’est venu naturellement et j’ai laissé les gens le découvrir.

C’est rare que ce soit assumé des deux côtés. En tous cas aujourd’hui, la grande nouveauté qui est en train de se faire et pour le coup, je pense être le premier à en bénéficier, c’est que je vais à la fois avoir un producteur de musique et un producteur d’humour en parallèle qui vont travailler ensemble sur ce même projet. Ça, je crois que ça n’a encore jamais été fait ! Il faudrait vérifier dans les livres d’histoire mais il me semble que cette cohabition là, c’est une grande première ! (rires) Certains, comme Bénabar, qui est également auteur, ont touché au monde de l’humour mais sous un nom d’emprunt. Là, pour ce projet, je voulais vraiment que Oldelaf soit à la fois drôle et tendre.

En fin de compte, lorsque l’on en parle, ça ne semble pas si étrange que ça… Il y a dans ce que vous faites, du désopilant, du désarmant, du désolant mais ça ne fait que refléter la vie dans son ensemble… Les artistes qui ne chantent par exemple que les ruptures, la tristesse et la solitude, n’exposent en réalité qu’un moment donné d’une partie de leur existence.

Oui enfin j’espère… En tous cas, vous en parlez très bien ! (rires) Faut dire ça à tous les programmateurs qui hésitent encore…

Le monde est beau, c’est ce que vous pensez sincèrement, ou c’est ce que vous aimeriez pouvoir croire réellement ?

Il y a un mélange des deux… Il y a bien sûr l’ironie sur tout ce qu’il se passe en ce moment… On ne peut qu’inquiété et affligé… En tant que papa je ne peux que m’inquiéter de ce qu’il se passera dans dix ans et malheureusement, je ne suis pas très optimiste ! Mais je veux me forcer à croire que le monde peut être beau, il y a tout de même de jolies choses, des choses dont on peut rire, qui peuvent nous faire du bien ponctuellement. Et surtout, il y a des choses, qui, si l’on s’y attache un peu plus profondément, peuvent nous faire avancer. A toute petite échelle, si chacun se force à faire quelques gestes et à se persuader qu’il y a un espoir, les choses pourront changer dans le bon sens. Ce titre, c’est vraiment un mélange des deux sentiments, l’inquiétude et l’espoir.

Justement, votre prochain album qui sortira le 27 janvier ainsi que le clip de la Tristitude sont la preuve, grâce au financement participatif, que si on y croit et qu’on se rassemble, on est capable de réaliser de belles et grandes choses… Le monde peut devenir beau à condition qu’on ait vraiment envie qu’il le soit…

Exactement. Pour le second album, ça a été une idée de mon producteur car c’est une personne motivée mais qui bénéficie des moyens d’une maison de production indépendante alros que le monde du disque est de moins en moins difficile à maîtriser aujourd’hui. Il m’a proposé ce système de financement et j’avoue que son succès nous a beaucoup surpris. Au final, ça me rend d’autant plus fier car l’argent ne vient pas d’une multinationale mais de gens qui croient en ce que je fais, qui sont capables malgré la situation actuelle de donner de leur argent personnel uniquement parce qu’ils y croient. Ce n’est pas du boursicotage car en réalité, ils pré-achètent quelque chose : l’album, des places de concert, un concert privé… Plus de 2000 personnes ont donné et sont fiers et heureux d’avoir participé. C’est pour ça que j’aime dire que j’ai à mes côtés une très très grosse équipe ! (rires) C’est également leur album à eux et ça donne une force particulière à ce projet. Ça change beaucoup de choses…

Et sur Europe 1 comme chroniqueur ?

Oui, c’est arrivé sans que je m’y attende ! Je suis un jour venu faire de la promo chez Drucker et il ne m’a jamais laissé repartir. C’est inouï parce que pour le coup, ce n’est pas du tout ce qu’un chanteur s’attend à faire mais cela a été tellement drôle que je ne regrette vraiment pas. C’est encore une nouvelle corde à mon arc. Je me suis embarqué là-dedans sans savoir où j’allais et ça a été une magnifique expérience. Michel est quelqu’un d’assez incroyable !

Le nouvel album s’intitulera Dimanche… Comme un clin d’oeil à une mélancolie dominicale et à ce sentiment de bien-être que cette journée procure ?

Tout à fait ! Dans le dimanche, il y a le mélange de ces deux sentiments, de ce moment libre que beaucoup passent en famille avant que l’angoisse du lendemain ne ressurgisse, que le blues du dimanche soir ne s’installe…

C’est un album dans la même veine que celui que l’on connaît déjà ?

Oui, il n’ y a pas de virage radical. Je suis content du résultat car je trouve qu’il me ressemble. Il oscille entre moments légers et durs, mais j’aime ça.

La belle histoire, le premier titre nous fait ressentir une fois encore cette envie de positivisme…

Oui, cette envie est toujours là. Le côté positif est là et la chanson résume bien ce mélange de sentiments que je peux avoir en moi. Je trouve qu’elle me ressemble pas mal.

L’album est co-financé par le public, mais quand on le prépare, on a conscience de ça ? Ça apporte une dimension particulière au moment de la création ?

Oui on a vraiment l’impression qu’on ne fait plus de la musique que pour soi-même. On pense à tous ces gens qui te font confiance et qui croient en toi. On pense à ces 2 000 personnes derrière toi qui te disent qu’ils croient en toi… Ça booste vraiment mais ça met aussi une très forte pression… positive !

Et on est dans quel état d’esprit quelques jours avant la sortie d’un nouvel album ?

J’ai plein d’espoir car beaucoup de gens y croient sans même l’avoir écouté. J’ai hâte qu’il sorte même si la pression est peut-être un plus forte cette fois-là… (rires)



Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel
Montage vidéo réalisé par Aurélien Didelot
Interview parue dans l’édition n°344 de Janvier 2014

Dates de tournée ici
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