INTERVIEW

Mélanie Doutey en interview

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Après s’être glissée dans la peau de la trentenaire Clara Sheller, d’une nunuche dans Festen, de celle de la reine des fées dans Le songe d’une nuit d’été ou encore de l’épouse d’un trafiquant de drogue dans La French, Mélanie Doutey – malgré ses dizaines d’expériences tant télévisées que cinématographiques ou théâtrales – n’a rien perdu de la curiosité et de la soif d’expériences qui l’animaient à ses tout débuts ! De rôle en rôle et de réalisateur en réalisateur, la jolie brune s’est exercée en s’enrichissant sans cesse tant professionnellement que personnellement… Campant depuis l’an dernier une femme en pleine conscience de son pouvoir de séduction mais aussi du naufrage de son mariage, la comédienne a relevé le défi de se laisser guider par un des monstres sacrés des planches – Michel Fau – afin de sublimer la langue pointilleuse, raffinée et si brillante d’un Jean Poiret qui, à travers Douce-Amère, avait délaissé la pure comédie de la fameuse Cage aux folles aujourd’hui encore gravée dans toutes les mémoires…

 

 


« C’est une pièce très cynique… »


MORGANE LAS DIT PEISSON : La pièce Douce-amère est en tournée…

MÉLANIE DOUTEY : Même si en général on a peu de temps pour profiter des villes qu’on traverse, c’est extrêmement agréable d’être sur les routes pour découvrir de nouveaux lieux et rencontrer de nouvelles personnes. En plus, les théâtres se remplissent très bien, les directeurs de salles sont contents donc on ne peut que se réjouir d’être en tournée !

Un texte de Jean Poiret écrit en 70…

Je ressens un réel plaisir à jouer ce spectacle et à livrer ce texte aux gens dans la salle. On a eu la chance que Douce-amère n’ait jamais été rejouée depuis sa création alors j’ai l’impression que ça a suscité une certaine curiosité chez le public qui est aussi ravi que nous d’entendre cette langue si brillante et si intelligente… Je pense qu’un grand texte ne se démode jamais, on le voit avec Molière ou Shakespeare, mais il peut évidemment être plus ou moins bien traité par le metteur en scène qui décide de s’y frotter ! (rires)

On retrouve Michel Fau à la mise en scène…

C’est une chance extraordinaire de l’avoir à la fois comme chef d’orchestre et comme partenaire de jeu ! Michel Fau m’inspire chaque soir et me pousse, j’ai l’impression, à faire encore et toujours un peu mieux que la veille…

Qu’il ait les deux casquettes permet d’être toujours dans une phase de recherches ?

Complètement ! Même si Michel est très généreux sur le plateau et qu’il s’amuse sincèrement en tant qu’acteur, son oeil de metteur en scène capte tout ce qui va et tout ce qui ne va pas pendant le déroulé de la pièce. Ça permet de retoucher sans cesse notre jeu de manière efficace comme lorsqu’on prend soin de le faire en phase de création. La scène est déjà un laboratoire à ciel ouvert mais quand le metteur en scène et le comédien ne font qu’un et sont aussi talentueux, ça nous invite à nous surpasser… Michel Fau est un immense acteur et j’avoue d’ailleurs que par moments c’est difficile de ne pas s’arrêter pour l’admirer travailler ! (rires) 

La tournée s’est retrouvée éloignée des dates parisiennes…

Étrangement, revenir au texte de Douce-amère après plusieurs mois de pause n’a pas été aussi difficile que je ne le craignais… Ça a même été très agréable car ça m’a permis de redécouvrir des détails, des intentions, des attentions… 

Douce-amère est empreinte de nostalgie…

Je crois qu’il n’y a jamais vraiment de « fin » qui puisse être heureuse et Douce-amère en est la preuve… C’est une pièce très cynique qui évoque certes la fin d’un amour mais aussi l’emprise que cet homme a sur cette femme. Ça traite de l’attachement et du détachement à l’autre, de la solitude et de l’inquiétude du lendemain… Il y a toujours, quand on se jette à corps perdu dans l’amour, du tragique et du merveilleux…

Cette femme délaisse pas son mari pour des prétendants…

Ces trois hommes qui lui tournent autour agiront plus comme des révélateurs que des buts en eux-mêmes… Ce couple ne sait plus ni s’aimer ni se réinventer, c’est ça le vrai fond du problème. L’amour exige un travail au quotidien et c’est vrai qu’Élisabeth que j’incarne n’est pas une séductrice mangeuse d’hommes, elle est simplement une femme qui va compléter des petits bouts d’elle-même grâce à ces trois rencontres qui, après sa séparation d’avec son mari, se révèleront être trois étapes enrichissantes et reconstructrices…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Marcel Hartmanno


Interview parue dans les éditions n°400 #1, #2 et #3 du mois de février 2019

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