INTERVIEW

Arnaud Maillard en interview

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Choisi par Mathilda May pour incarner deux personnages dans sa délirante pièce sans paroles Le Banquet et par Julie Ferrier pour la suivre dans la folie de son dernier spectacle À ma place, vous Ferrier quoi ? – dans lequel la comédienne a eu la bonne idée d’exploiter sa singulière capacité à passer d’un rôle à l’autre en des temps records -, Arnaud Maillard, originaire de Saint Raphaël, a décidé de revenir « chez lui » pour y jouer, une toute dernière fois son premier seul en scène… Né il y a sept ans grâce, en grande partie, aux encouragements de son amie et metteuse en scène Julie Ferrier, Seul dans sa tête ou presque, comme son titre l’indique, nous propose une petite balade de santé dans le cerveau surpeuplé d’un humoriste un brin – sur les planches heureusement – schizophrène ! Habité de personnages tous aussi déjantés qu’insolites allant d’un doudou d’enfants complètement désabusé à un cowboy moderne monté sur ressort en passant par un gourou évidemment peu scrupuleux, Arnaud Maillard – qui travaille également en ce moment aux mises en scène d’Alexandra Pizzagali et de la pièce Et elles vécurent heureuses* – s’offrira donc, là où tout a commencé, un dernier tour de piste avec des spécimens que l’on espère n’être qu’imaginaires…


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« Le plus beau compliment qu’on puisse me faire à la fin du spectacle, c’est de me dire qu’on m’a oublié… »


MORGANE LAS DIT PEISSON Tu as repris ton spectacle après plusieurs mois de pause…

ARNAUD MAILLARD : Je ne l’ai pas joué pendant huit mois alors je ne te cache pas qu’il a fallu se le remettre dans les pattes ! (rires) D’ailleurs, l’expression est très juste car, pendant les répétitions, je n’ai pas voulu regarder le texte mais réactiver ma mémoire profonde, celle du corps… Sur le plateau, c’est fou ce qui revient uniquement grâce aux déplacements du corps. On ne s’en aperçoit pas toujours mais le corps et l’esprit sont très liés, il m’est déjà arrivé de me tromper dans une gestuelle et d’en oublier le texte !

Tu reprends tout juste ton one-man pour l’arrêter…

Eh oui ! Je vais le jouer une toute dernière fois à Saint-Raphaël et sincèrement, je ressens un mélange de plusieurs émotions… C’est excitant de savoir que je vais repartir sur quelque chose de tout nouveau et en même temps, ça fait toujours un petit pincement au coeur quand on sait qu’une page se tourne… Ce spectacle représente sept ans de ma vie, c’est une belle histoire d’amour qui va s’achever mais je crois qu’à un moment, il faut s’obliger à passer à autre chose. J’aime trop la scène pour prendre le risque, un jour, de me lasser d’y être alors je préfère prendre les devants en préparant autre chose !

Finir par Saint-Raphaël a été une volonté de ta part ?

Oui, j’y ai toute ma famille et mes amis, c’est là que je me suis construit et que j’ai fait mes premiers pas sur « scène » ! (rires) La toute première fois que j’ai joué devant un public, c’était dans la cave du Mas des Escaravatiers ! On a poussé les palettes et les bouteilles et j’y ai essayé mes premières vint minutes ! (rires) C’est essentiel pour moi de revenir « chez moi » pour boucler la boucle…

On t’a vu dernièrement sur scène comme comédien dans des spectacles à plusieurs personnages, là, avec Seul dans sa tête… ou presque, tu es seul…

Je crois qu’il faut être inconscient pour se lancer tout seul sur scène  ! (rires) On sait, chaque soir, qu’on a le devoir de faire rire les gens et on n’a personne à qui se raccrocher si on a un problème ! Je compare vraiment ça à un saut en parachute car quand on est lancé, on ne peut plus faire machine arrière ! À l’origine, j’avais envie d’essayer le one-man mais j’étais mort de peur à l’idée de ne pas être à la hauteur ! C’est Julie Ferrier, en sortant du tournage de Micmacs à tire-larigot de Jean-Pierre Jeunet qui m’a un petit peu chauffé ! (rires) Elle m’a proposé, alors que je ne m’y attendais pas du tout, de me mettre en scène ! Je me rappellerai toute ma vie de ce magnifique cadeau qu’elle m’a fait ce 22 décembre…

Seul dans sa tête… ou presque a donc été mis en scène par Julie Ferrier…

Et heureusement ! (rires) Elle a une véritable pédagogie alors elle s’est réellement adaptée à moi et à mon expérience. J’ai eu une formation assez classique, j’aime que les choses soient précises alors avec elle qui vient du monde de la danse, on ne pouvait que s’entendre ! (rires)

Un spectacle qui présente plusieurs personnages…

Plusieurs personnages et des costumes, c’est ce qui me plait le plus ! On a énormément travaillé leur composition avec Julie, jusqu’à déterminer leur type de respiration, leur phrasé et leur gestuelle à chacun. Aucun d’entre eux ne se ressemblent ni ne me ressemblent. Le plus beau compliment qu’on puisse me faire à la fin du spectacle, c’est de me dire qu’on m’a oublié… Et en grande partie grâce aux perruques – surtout pour moi qui suis fort dépourvu capillairement parlant -, le public finit par avoir l’impression d’avoir à faire à quelqu’un d’autre que moi tellement ça change le faciès et les attitudes. Ce que je recherche, c’est vraiment d’emmener les gens en voyage pour leur faire tout oublier le temps d’une soirée…

Un spectacle assez intense physiquement…

Oui un petit peu ! (rires) C’est vrai que mes personnages, en dehors de celui du gourou, ne sont pas très calmes… (rires) J’ai créé celui-ci non pas pour avoir du repos sur scène mais parce que les gourous m’ont toujours fasciné ! J’ai regardé énormément de documentaires sur le sujet car ça m’intrigue qu’une personne puisse avoir une telle propension à embobiner des foules, petit à petit, de manière insidieuse… C’est un sketch moins physique que les autres mais intéressant en termes de jeu car il permet de développer et révéler le personnage…

Comment tous tes personnages sont-ils, comme sur l’affiche, sortis de ta tête ?

Ils sont nés d’un gros travail d’observation… Un comédien, c’est quelqu’un qui, H24, est mode « record » ! (rires) Quand on fait ce métier et qu’on se passionne pour les personnages et donc pour l’humain, on ne peut pas s’empêcher de ne pas regarder les gens, leur façon de marcher ou de parler, c’est une véritable déformation ! (rires) D’ailleurs, mon endroit de prédilection, c’est le PMU ! Mais puisqu’un personnage n’est pas qu’une enveloppe corporelle, il ne faut jamais oublier de lui façonner une histoire et une identité qui soient originales et qui révèlent les failles du protagoniste… C’est là que ça devient compliqué car on s’y colle, on a la sensation que tout a déjà été fait ! Jean-Michel, mon belge maladroit s’avère être un personnage malheureux qui picole du rosé cul sec et tape de la coke uniquement pour oublier qu’il ne sait pas gérer sa vie… Ce sont ces êtres imparfaits, que je fais souvent naître d’un mariage imaginaire entre deux personnalités différentes, qui donnent du relief aux histoires et qui, du coup, m’intéressent…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo droits réservés


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