INTERVIEW

Interview de l’humoriste et acteur Patrick Timsit pour Le Mensuel en 2013

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 Patrick Timsit

en interview 

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PATRICK TIMSIT

  
Dans « Inconnu à cette adresse » avec Thierry Lhermitte


  

« On joue une histoire d’amitié avant tout… » 

 

Loin du registre dans lequel on est habitué à les voir sévir depuis de nombreuses années, Thierry Lhermitte et Patrick Timsit se sont laissés séduire par l’idée de se retrouver sur les planches, ensemble, pour interpréter un couple de vieux amis. Des amis qui vont voir, à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale, leurs destins chavirer
petit à petit et qui, dans le tourbillon de l’Histoire, verront ce lien si particulier s’étioler…
Inconnu à cette adresse, ce n’est pas un énième ouvrage sur la victimisation du peuple juif ni sur l’inhumanité du nazisme, c’est avant tout un questionnement sur l’être humain et sa capacité, devant l’adversité, à se transformer en ce qu’il exècre par dessus tout.

patrick-timsit-thierry-lhermitte-inconnu-a-cette-adresse-interview-BMorgane L. : Notre dernière interview remonte en novembre 2010, à Nice, lors de votre dernier spectacle, le « One man stand-up show » enneigé…
Patrick Timsit : Ah oui ! Je m’en souviens ! (rires) Où j’étais arrivé avec plus d’une heure et demie de retard et où le Commandant de bord avait été incroyable ! Il avait dit qu’on allait récupérer le temps perdu et il avait foncé même à l’atterrissage ! C’était très sympa du coup parce que ça a rendu le spectacle exceptionnel, la preuve, on s’en rappelle et le public aussi. Je me souviens qu’il y avait de jeunes comiques locaux qui étaient venus au pied levé, Karim Duval et Laurent Barat, c’était très sympa !

C’est fois ci vous revenez à Nice en binôme, avec Thierry Lhermitte. Ça fait du bien de partager la scène à deux, de jouer avec quelqu’un d’autre ?  
C’est fantastique parce que j’ai l’impression d’être à l’aube d’une carrière, tout me semble toujours nouveau et c’est comme ça que j’envisageais ce métier. Dernièrement,  j’ai fait « Les derniers jours de Stefan Zweig », une pièce où l’on était plusieurs sur scène et là, d’arriver seul avec Thierry Lhermitte, avec qui j’avais déjà fait « l’Emmerdeur », c’est magique car ce n’est jamais pareil… J’ai vraiment l’impression de faire le métier dont je rêvais. J’aime bien le stand-up mais ce n’est pas ce que je voulais faire au début, je voulais être comédien, avoir mon nom sur une loge, mon maquillage à l’intérieur et enchaîner le lendemain matin dans les « Brigades du Tigre ». J’ai fait tout le contraire ! (rires) Je suis super heureux d’avoir cette opportunité et d’avoir ce grand texte à défendre au delà d’être à deux sur scène. C’est apaisant aussi de ne pas avoir tout le poids sur les épaules de la responsabilité d’un propos lorsque l’on récite le texte de quelqu’un d’autre. Quand on lit « Inconnu à cette adresse », on comprend pourquoi ce petit livre est un bijou absolu étudié dans les écoles. Il est incroyable ce livre ! Il a été écrit en 1938 et est malheureusement toujours aussi moderne et d’actualité… Il montre à quel point le monde était au courant de ce qui se passait au début des années 30, de la montée du nazisme, de cette persécution des juifs entre autres, de ces pogroms. C’était une période de crise et aujourd’hui, on est persuadé avec Thierry de partager un point de vue qu’on veut développer dans notre jeu. On joue une histoire d’amitié avant tout.

Et être amis, avoir partagé d’autres choses avant cette expérience là, ça donne une dimension supplémentaire quand on interprète ce texte là en particulier ?  
C’est sûr… On n’a pas besoin d’être amis pour interpréter ce texte, il ne faut pas exagérer, on est comédiens mais ça peut amener des choses très intéressantes. Car interpréter cette correspondance entre deux amis qui vont voir leurs destins s’abîmer terriblement, en étant nous-mêmes des amis dans la vie, ça nous amène dans une situation où l’on se pose énormément de questions, peut-être un peu plus que deux acteurs qui n’ont pas de liens particuliers. On se demande comment on se comporterait dans une telle situation… Sans tout dévoiler, mon personnage va tout de même pousser la vengeance jusqu’à son paroxysme. C’est terrible comme action car ça ne se fait pas comme ça… Il y a une émotion intense qui nous envahit car on prend conscience qu’il s’agit de la question du pardon, non pas de « l’œuvre d’Hitler », mais de l’acte d’un homme. Lorsque la vie d’un homme est en jeu, vengeance ou pardon, c’est une vraie question…

Pourquoi cet attrait pour ce texte là particulièrement, avant même qu’on vous propose de l’interpréter sur scène ? Il y a eu beaucoup de textes sur ces sujets, comme celui de Primo Levi…    
Primo Levi est bouleversant dans son ouvrage, ça nous arrache le cœur et il ne peut pas en être autrement. Il ne nous offre qu’un seul point de vue. Là, dans « Inconnu à cette adresse », c’est un peu différent. C’est un petit livre qui se lit rapidement et qui a un ressort dramatique fantastique. Au-delà de l’histoire de ces deux hommes, il ypatrick-timsit-thierry-lhermitte-inconnu-a-cette-adresse-interview-D a un suspense à la Hitchcock, c’est très bien foutu. Avec Thierry, on a été très touché par l’évolution de ces deux personnages qu’on aurait pu être. Au-delà de l’horreur subie par un homme comme ça a été le cas de Primo Levi dans les camps, ça raconte vraiment l’histoire de deux personnes que l’on voit évoluer à cette époque. L’histoire est là, toujours présente, en trame de fond, mais on ressent une histoire foncièrement humaine derrière ces mots.

Vous interprétez Max, d’origine juive, qui, contrairement à d’autres textes, ne va pas être uniquement une victime. C’est peut-être ça qui fait la force de ce texte ?
Absolument ! On n’est pas dans la caricature, il n’y a pas le gentil juif et le méchant nazi, on montre des hommes qui n’étaient pas destinés ni l’un ni l’autre à vivre ce qu’ils allaient vivre. Je trouve que c’est d’une modernité terrible dans une actualité terrible. Aujourd’hui, malgré l’Histoire, personne ne pourrait croire revivre ça… Alors que malgré tout il y a des schémas, des normes de société… C’étaient les « Accords de Versailles », aujourd’hui ce sont les « Accords Européens » qui font que des peuples, aujourd’hui les Grecs et demain ce sera peut-être les Espagnols ou les Italiens, sont montrés du doigt par le reste du monde. C’est important de montrer comment les choses évoluent. Martin, mon ami, évolue doucement, sans s’en rendre compte jusqu’à être persuadé d’être foncièrement dans la vérité.

C’est pour ça que 70 ans plus tard on étudie encore ces textes à l’école, que les générations à venir l’étudieront aussi et que ce travail de mémoire est toujours aussi important ? Pour ne pas qu’on oublie ce qu’un être humain est capable de faire à son semblable, qu’on oublie jamais que petit à petit on peut nous aussi sombrer là-dedans ?   
Oui parce qu’il faut garder à l’esprit que c’est l’oubli qui a servi à parachever l’œuvre du monstre. Le plan de la « Solution Finale », la dernière étape, c’était l’oubli. C’était déterrer les charniers pour disséminer les restes, faire disparaître les preuves, qu’on ne puisse plus dire que ça avait existé. Participer à l’oubli, ce serait parachever l’œuvre de ce monstre quêtait Hitler. C’est Elie Wiesel qui disait que malheureusement, malgré tout ça, l’Homme n’apprend pas beaucoup de ses erreurs…

Chaque soir vous posez l’évidente question : qu’auriez vous fait à leur place, vous n’avez pas la réponse ?
Non, je n’ai absolument pas la réponse ! Mais je suis dans cette situation chaque soir et c’est vrai qu’on n’a la réponse que quand on est véritablement dans cette situation. En revanche, il y a plus important que de savoir ça, parce qu’une fois qu’on y est, on y est. On ne peut absolument pas savoir comment on le vivrait, mais on peut éduquer pour faire en sorte de ne pas se retrouver dans cette situation. C’est un peu comme soigner la maladie après sa déclaration ou trouver le vaccin pour anticiper afin de ne pas être malade. Moi, mon énergie, je la mettrais plus là-dedans.

Le Théâtre Antoine a eu l’idée de faire interpréter ce texte chaque mois par un duo différent. C’est pour rappeler que ça peut être vraiment n’importe qui ?
Il y a un aspect plus pratique qui est vachement malin et formidable. Quand on leur propose une lecture et juste pour un mois, les comédiens disent oui, ils ont toujours un mois pour interpréter un texte comme ça. Ça permet d’avoir une distribution formidable de comédiens qui n’auraient pas eu la possibilité de le faire sur un an par exemple. Après, on se laisse prendre et on se rend compte que cette lecture ne peut pas rester qu’une simple lecture et que très vite, il faut lever les yeux de sa feuille. Si c’était une simple lecture, pourquoi les gens ne la feraient pas directement chez eux ? Et effectivement, après, on s’aperçoit que l’on se prête au jeu et on voit qu’avec toutes les différentes personnalités qui y participent, on apporte tous une originalité différente dans l’interprétation de ce même texte.

Le fait d’interpréter une lecture plus ou moins calmement, chacun votre tour, sous forme de monologue, en jouant en présence de l’autre sans jamais pouvoir interagir l’un avec l’autre, ce n’est pas perturbant pour un acteur ?   
Je ne vais pas dévoiler tous les secrets de la mise en scène mais malgré toutes ces barrières, ces contraintes, on peut arriver à casser ça pour se regarder et avoir à s’affronter. Ça vient finalement assez naturellement mais pas tout de suite… Il faut que les choses évoluent, comme leur relation à eux. Au-delà de cet aspect là du jeu, je crois qu’en tant qu’acteur, le plus difficile était de savoir si on devait lire le texte pour garder cette fraîcheur et respecter ce principe de deux hommes qui s’écrivent ou si l’on devait oublier l’écrit, lever les yeux du texte et s’adresser au public parce que les personnes dans la salle sont elles aussi beaucoup touchées. A certains moments en regardant la salle, c’est comme si on faisait un gros plan sur nous.

Vous serez au cinéma à partir du 8 janvier prochain dans « Prêt à tout » avec Max Boublil…
Sans dévoiler toute l’histoire, ce film relate vraiment ce à quoi est prêt un jeune homme amoureux. C’est une comédie romantique, extrêmement agréable avec des situations fortes et il va pousser le bouchon très loin pour conquérir cette jeune femme. Mon rôle est celui d’un patron d’usine, un mec un peu désenchanté. Cette usine lui est tombée dessus par héritage alors qu’il se verrait franchement mieux ailleurs. C’est un homme désabusé comme on peut en trouver dans des entreprises familiales en province, pas tellement motivé ! (rires) Dans ce film, il s’agit d’être prêt à tout mais aux antipodes d’ « Inconnu à cette adresse »…



Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson
Interview parue dans l’édition n°341 d’Octobre 2013
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