
CONCERT
Feu! Chatterton en interview pour leur nouvel album « Labyrinthe »
« Se perdre, c’est peut-être le seul vrai moyen de se retrouver… » Arthur Teboul / Feu! Chatterton
La poésie pour credo, les 5 artistes ont réussi ce qui semblait pourtant improbable à notre époque en la rendant attirante, rock et jouissive ! Depuis les débuts de Feu! Chatterton il y a une quinzaine d’années, le public répond en effet présent à chaque sortie d’album comme à chaque concert et ce, bien que les propositions soient assez distinctes… Alors que sur scène, c’est la fougue des musiciens (et amis) qui éclate, sur disque, c’est le pouvoir des mots qui prime. Avec Labyrinthe – un 4ème opus à écouter dès le 12 septembre –, ils ne trahissent en rien leur ADN mais vont un peu plus loin, un peu plus fort, un peu différemment, un peu ailleurs… Et comme le suggère le 1er titre dévoilé – Allons voir -, découvrons « ce que la vie réserve », mais idéalement en musique, bien accompagnés, et avec autant d’exaltation que de lucidité.
Feu! Chatterton en interview pour leur nouvel album Labyrinthe
interview / concert / tournée / album
- Album Labyrinthe : sortie prévue le 12 septembre 2025 / à découvrir ici !
- Tournée : 03 décembre 2025 / 20:30 / Nîmes / Paloma / infos & billetterie ici !
Morgane Las Dit Peisson : En tournée avant la sortie du nouvel album – Labyrinthe -, prévue le 12 septembre…
Arthur Teboul : On n’avait pas envie de passer à côté d’un été de festivals, donc on a décidé de commencer à tourner avant la sortie de l’album. On est avant tout un groupe de scène, c’est là qu’on a tissé notre lien avec le public, et c’est ce qui nous permet aujourd’hui de nous offrir le luxe d’être programmés en dehors du schéma habituel. C’est aussi l’occasion de tester de nouveaux morceaux en live comme Allons voir ou Mille vagues qui est très intime, dépouillé et qui parle de la disparition de notre manager, Jean-Philippe Allard…
Labyrinthe est aussi le titre d’un morceau singulier…
Arthur : On l’aime beaucoup parce qu’il est déstabilisant et surprenant. Avec lui, on est allé à un endroit où l’on ne va pas habituellement. C’est le propre du labyrinthe et c’est devenu celui de la conception de notre disque. On s’est aperçu après coup que ce thème traverse tout l’album… Les chansons parlent beaucoup d’oser explorer, aller vers le risque, avoir confiance dans le chemin qu’on emprunte, d’oser accepter de se perdre car c’est peut-être le seul vrai moyen de se retrouver, d’apprendre à savourer l’égarement, l’errance et le hasard… Il y a tout ça dans ce morceau…
Accueillir la surprise, c’est accepter de ne pas être en totale maîtrise…
Sébastien Wolf : C’est exactement ça, je pense que pour créer une nouvelle œuvre, tout artiste a besoin d’être dans cet état. Il faut accepter que la surprise et le doute puissent arriver car, quand on est perdu dans un labyrinthe, on cherche et on espère la solution, tout en étant stressé de ne pas y parvenir.
Musicalement, ce morceau – Labyrinthe – synthétise bien cette idée, car c’est un style dans lequel on ne s’était jamais aventuré. Il y en a d’autres sur l’album qui sont le fruit d’une nouvelle forme de recherche musicale et honnêtement, ça nous a fait du bien de nous égarer !
Chaque morceau a son propre univers…
Clément Doumic : C’est quelque chose qui est dans notre ADN et qu’on a peut-être réussi à parfaire un peu plus sur ce 4ème album. Chaque titre est un univers en soi. C’est un aspect que l’on retrouve chez les artistes qu’on aime le plus, comme Radiohead. Ils ont des idées foisonnantes.
Poétique et introspectif en studio, Feu! Chatterton est intense sur scène…
Clément : On ne l’avait pas trop conscientisé au début et c’est le public qui a fini par nous faire remarquer que l’énergie déployée en concert est une surprise les premières fois. C’est plus explosif que sur les albums parce que la scène, c’est comme un acte d’amour entre nous… On a vraiment une connexion et un lien invisible qui donnent cette vibration…
Arthur : C’est aussi un truc tout bête de réception de notre style de musique. Quand on l’écoute chez soi, on s’attache à la voix de celui qui raconte alors que le son, même si on y a placé toute notre âme, passe toujours légèrement après la narration. Sur scène, ceux qui ne nous connaissent pas bien découvrent qu’on est un vrai groupe, avec une histoire qui dure depuis 15 ans. Ça, c’est impalpable ! Et on a beau tout faire pour le mettre dans le disque, ça ne se ressent totalement que dans l’audace du live et dans l’engagement de tous les corps…
Une longévité peu courante…
Arthur : Je pense que c’est assez rare en effet qu’un groupe dure comme ça. Surtout lorsque tous les membres travaillent réellement ensemble, composent ensemble et vivent chaque morceau comme un bout de leur histoire personnelle. C’est d’ailleurs ce qui nous prend du temps. Quand on crée, on veut que ça nous représente tous à 100% ! Aucun d’entre nous ne doit jamais être là en « accompagnement » ou simplement trouver le truc « sympa »… Il faut que notre musique soit intègre et qu’elle nous reflète intimement au-delà même de la dynamique du groupe.
C’est ça qui est précieux pour nous et qu’on essaie de préserver depuis si longtemps. Comme dans les relations de couple, ça exige des efforts, ça s’entretient, et ça demande de laisser une place à l’autre, parfois de rentrer dans l’autre, de devenir l’autre…
Un style unique, hors mode, et poétique…
Arthur : C’est vrai que c’est particulièrement émouvant pour nous que ça plaise aux gens, car sur le papier, ce n’était pas gagné ! (rires) Il faut avoir tellement d’espoir et de conviction pour proposer quelque chose de différent et d’un peu « bizarre » ! On avait une vision sans avoir les moyens de nos ambitions… Dans ce qu’on vit aujourd’hui, c’est aussi ça qui est satisfaisant et beau : on a eu confiance en l’avenir, on a admis que les choses allaient mettre du temps à germer, à venir et on n’a pas baissé les bras… Quand on arrive dans une salle pleine maintenant, on a spontanément le sentiment que beaucoup plus de monde comprend tout de suite ce qu’on fait, alors qu’on a « simplement » semé patiemment. Petit à petit, des gens sont devenus intimes avec notre musique et avec nous…
Sébastien : Je pense qu’en réalité, la poésie est un art populaire depuis toujours… C’est le mot qui impressionne mais Jacques Prévert et Léo Ferré étaient des poètes. Aujourd’hui, c’est parfois l’industrie musicale qui a peur de défendre des artistes aux chansons à texte, aux propos engagés ou un peu compliqués. Nous, on a eu la chance de trouver notre public, comme Zaho de Sagazan par exemple. Il y a une nouvelle génération qui fait de la chanson populaire sans laisser de côté l’exigence des textes et ça, c’est aussi plaisant qu’encourageant…
Arthur : Et puis, il n’y a peut-être pas que l’industrie qui a été frileuse… On peut également imaginer qu’il y a eu une crainte, à un moment, des poètes eux-mêmes… Un court instant, dans l’histoire de la chanson populaire où, par snobisme, ils ont sorti la poésie de la sphère citoyenne, du cœur de la vie… C’est aussi aux auteurs d’oser, de ne pas avoir peur de s’emparer de sujets, de mots, de manière de raconter leur temps, sans s’en référer uniquement à un héritage lourd, qui limite l’imaginaire.
© Propos recueillis au Nice Jazz Fest par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photo Fifou
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