INTERVIEW

Emmanuel Moire en interview

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Pour son cinquième album, c’est en quasi solitaire qu’Emmanuel Moire a pour la première fois fait Le grand saut en se jetant corps et âme dans l’aventure jubilatoire mais mouvementée de l’écriture ! Toujours – voire encore plus – fidèle aux valeurs et aux préoccupations de son créateur, Odyssée s’impose comme un voyage initiatique certes personnel mais dans lequel l’auditeur se laisse embarquer pour tenter à son tour de trouver sa propre voie… Bienveillants et exaltants, les mots du talentueux quadra que l’on a vu s’épanouir sous nos yeux ces quinze derniers années proposent un hymne à la vie et une tolérance qui nous font malheureusement, encore aujourd’hui, cruellement défaut…


« Je me sens en paix avec moi-même… »


MORGANE LAS DIT PEISSON : En pleine création de la tournée Odyssée

EMMANUEL MOIRE : Oui, avec mon équipe, on est en train de peaufiner tous les détails de ce nouveau spectacle qui va naître à La Ciotat… Ce sont toujours des moments à la fois excitants et stressants faits de joies et de doutes car il faut imaginer de nouvelles couleurs à un album qui n’a vécu qu’en studio pour le faire exister sur scène, tout en y intégrant d’anciennes chansons ! C’est un long travail, parfois un casse-tête mais c’est hyper créatif et passionnant ! 

Odyssée et Le chemin se complètent…

J’ai l’impression que je fais partie des artistes qui traitent toujours un peu d’un même sujet qui les passionne. Je suis « obsédé » par le cheminement personnel et puisqu’il n’existe pas réellement de réponse absolue, je poursuis mes investigations et je vais un peu plus loin titre après titre… En écrivant Odyssée, j’ai continué mon voyage initiatique et j’ai la sensation d’être allé encore plus en profondeur. Depuis que je suis tout petit, je suis en permanence dans une quête de sens et j’aime cette épopée ! Quelque part, c’est notre lot à tous, on est tous à la recherche de quelque chose même si on n’en a pas nécessairement conscience…

« Pour que le héros se réalise »…

J’aime les héros ordinaires, ceux du quotidien… On croit à tort qu’il faut réaliser des prouesses pour devenir quelqu’un et être digne d’intérêt alors que je trouve déjà très héroïque de prendre le temps de rentrer en soi, de s’écouter et de s’analyser… Ça demande du travail mais aussi un certain courage de se regarder en face, sans artifice alors pour éviter cette épreuve, on agit, on pense, on bouge, on fait des choses, on voit des gens, on ne veut pas être seul face au miroir et quand on accepte de l’être, ça n’a rien de confortable mais c’est un merveilleux apprentissage ! Le vrai héroïsme pour moi, c’est de se confronter à soi et à ses erreurs pour en tirer les leçons. Je crois sincèrement aux vertus de l’échec…  

La femme au milieu a une forte puissance narrative…

Pour moi, elle est une des chansons que j’ai le mieux réussie, elle a quelque chose de très cinématographique en effet… Elle fait, comme un roman, marcher l’imaginaire tout en pénétrant dans l’intime et l’émotion. C’est un endroit où je n’ai pas peur d’aller et d’ailleurs, si je n’y vais pas, je m’ennuie et me sens inutile. J’adore, quand je regarde un film, m’évader, être traversé par mes émotions et La femme au milieu semble avoir eu cet effet là sur beaucoup de gens ! J’ai eu l’impression d’avoir parlé de la grand-mère de tout le monde ! (rires) C’est chouette quand ton travail procure cet effet là ! 

Odyssée mêle Intellect et instinct à travers les percussions… 

C’est complètement ça, il y a dans de nombreux morceaux, un côté primitif car bien qu’on ait l’impression d’être au dessus du règne animal, c’est notre nature première ! C’est pour ça que sur cet album, même s’il est très fat au niveau du propos, très intellectualisé – parfois peut-être un peu trop (rires) -, la musique nous reconnecte à notre côté primaire et tribal…  

Un album où tu as occupé tous les postes…

Être à l’écriture et à la composition a par moments été très intense, parfois exténuant et déstabilisant mais, un peu comme un accouchement, on finit par oublier ce par quoi on est passé pour n’avoir en tête que les moments emplis de joie… C’est grâce à cet instinct de « survie » que les femmes trouvent toujours le courage de devenir mamans et que les artistes continuent à créer ! (rires) 

Parler de soi…

Dans La promesse comme dans tous les autres morceaux finalement, je m’exprime avec intimité, sincérité et authenticité car je ne sais pas vraiment comment faire autrement ! (rires) Je n’ai pas envie d’être comme les autres, je veux être moi, à ma manière… Ne pas mentir aux autres, ne pas se mentir à soi permet à chacun d’entre nous d’être unique et c’est ça le vrai trésor qu’il faut que l’on recherche tous. Aujourd’hui, je n’ai plus peur de parler de ce que je suis, de ce que je vis et de ce que je pense parce que je me sens en paix avec moi-même et que j’ai la certitude d’être au bon endroit mais on n’a pas été éduqués comme ça… On nous a raisonnés, « profilés », « statistiqués » et cloisonnés alors que l’Humain est d’une diversité folle ! Je rejette ces carcans car je ne travaille qu’avec le cœur, l’émotion, le sentiment et l’intuition… C’est ça qui me passionne ! 

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo Lorent Kostar


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Interview parue dans les éditions n°408 #1, #2, #3 et #4 de novembre 2019

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