INTERVIEW

Brigitte Lefèvre en interview

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Organisé en biennale, le Festival de Danse de Cannes créé en 1984 est devenu, autant pour le monde de la danse que pour la région, un véritable temps fort. Attendu et désiré pendant deux ans par un public éclectique constitué d’amateurs, de spécialistes, d’élèves, de passionnés et de curieux, cet évènement met un point d’honneur à illustrer toutes les facettes de la danse. Une programmation originale imaginée par Brigitte Lefèvre qui regroupera donc une quinzaine de spectacles, tous différents les uns des autres mais qui auront pour point commun d’être d’une irréprochable qualité malgré une politique tarifaire des plus abordables. 


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Festival de Danse de Cannes du 08 au 17 décembre 2017

 


« La danse n’est pas élitiste… »


Morgane Las Dit Peisson : Vous êtes la directrice artistique du Festival de Danse de Cannes…

Brigitte Lefèvre : Diriger un festival est une lourde tâche car on n’a pas envie de se tromper mais en même temps, ça me semble facile tant c’est organique pour moi. J’étais danseuse, j’ai fondé une compagnie de danse, j’ai dirigé l’Opéra de Paris pendant 20 ans, j’ai été la chorégraphe du premier opéra rock français (rires), j’ai fondé un théâtre… La danse en particulier et les arts vivants en général représentent une très grande partie de ma vie alors même si le rôle de directrice artistique est prenant, ce que j’ai à faire me vient assez naturellement. 

Quand on voit la programmation, on se dit que Cannes n’a rien à envier à Paris…

Et c’est vrai ! (rires) Quand on m’a proposé de diriger ce festival, j’y ai vu une continuité avec ce que je faisais à l’Opéra alors j’entreprends les choses avec la même passion et la même exigence. Ce qui m’a particulièrement plu à Cannes, c’est le dialogue avec l’équipe qui ne m’impose rien et qui me laisse exposer toute la diversité de la danse avec, pour seul fil conducteur, la générosité d’artistes dont j’admire le travail…

La clef pour faire de grandes choses, c’est l’admiration plutôt que la jalousie…

C’est vrai car la jalousie, c’est souvent la crainte de l’autre… Ça signifie qu’on n’est pas sûr de soi ni de ce qu’on fait… J’aime les artistes, qu’ils soient plasticiens, musiciens ou comédiens, peut-être parce que je suis artiste moi-même et que c’est ça qui m’a guidée tout au long de ma vie. Quand je vois des jeunes qui se lancent dans une carrière artistique, je suis comblée de joie car ça prouve que ce sont des utopistes, des rêveurs, des gens sensibles… Ce sont des métiers très durs et s’ils voulaient être riches, ils choisiraient une autre voie. Je trouve ça magnifique de poursuivre ses rêves en travaillant sans relâche pour faire partie des meilleurs, c’est très stimulant.

La danse est rigoureuse et intransigeante, vous ne lui en avez jamais voulu ?

Je n’ai jamais ressenti de dégoût vis-à-vis de la danse, seulement parfois quelques rébellions contre certaines attitudes chez les danseurs ou le public… La danse, pour beaucoup, c’est la danse classique comme si tous les autres styles n’étaient que des sous-genres ! J’ai démarré par la danse rythmique – donc assez libre -, puis j’ai fait mes armes en danse classique et j’en ai été heureuse car, au delà des difficultés et des sacrifices, ça m’a effectivement apporté énormément de rigueur et de discipline.  

Comme l’opéra, la danse souffre d’un délit de « belle gueule »…

C’est contre cette idée reçue justement que je me bats au quotidien. La danse n’est pas élitiste et croire qu’on ne sera pas capable de comprendre une chorégraphie, c’est se dévaloriser soi-même. Au début, on n’est pas obligé d’essayer de « comprendre », on peut se contenter d’observer et se laisser envahir par notre propre ressenti. On a le droit de s’ennuyer par moments, l’essentiel selon moi, c’est d’être toujours dans une démarche de curiosité, c’est ainsi qu’on s’enrichit, peu importe le domaine concerné.

Le spectacle à voir pour un novice ?

Évidemment, Carmina Burana est tellement fédérateur que je le conseillerais les yeux fermés pour une première fois… Il y a aussi Yama, une chorégraphie de Damien Jalet qui a comme inventé un rituel païen contemporain ou encore le ballet concert des étoiles Alessandra Ferri et Herman Cornejo et du pianiste Bruce Levingston qui vont sélectionner des extraits de ballets qu’ils aiment… Mais c’est sur de choisir ! (rires)

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Transcription par Léa Koenig, Photos F. Rousseau, R. Ricci, RP. Guerzoni, G. Batardon

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