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INTERVIEW

Zazie en interview pour sa tournée Essenciel et son passage par le Festival de Ramatuelle

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Il y a bientôt vingt-cinq ans, le grand public découvrait une jeune chanteuse, auteure et compositrice qui s’amusait, sur son album « Zen« , à jongler avec des mots à qui elle voue toujours le même amour inconditionnel. Les années ont passé mais la fraîcheur, l’esprit et l’enthousiasme de Zazie sont restés intacts… En tournée avec son dernier album « Essenciel« , l’artiste aussi talentueuse qu’engagée, chaleureuse et discrète rappelle qu’il est grand temps de s’attarder un peu sur ce qui est véritablement primordial dans nos vies tant pour notre accomplissement personnel que pour la préservation de nos ressources…

 


« Il faut apprendre à prendre du recul… »


MORGANE LAS DIT PEISSON : Passer par le Festival de Ramatuelle en été, c’est d’un cruel…

ZAZIE : Je dois reconnaître qu’il y a pire ! (rires) Quand on lève un peu la tête depuis le théâtre on aperçoit la mer, on entend les cigales et il paraît qu’on appelle ça du travail ! (rires)

Un travail qui impose pas mal de concessions…

Je dirais que nos activités exigent surtout de l’enthousiasme et de la passion ! C’est vrai qu’on fait énormément de route mais on a la chance d’avoir un tourbus très agréable qui devient notre seconde maison pendant quelques mois et où j’occupe d’ailleurs la chambre parentale ! (rires) En pour couronner le tout, on a un chauffeur sensationnel qui nous prépare de fabuleux gâteaux quand il voit qu’on commence à avoir un petit moral… Donc c’est certain que nos proches nous manquent, que c’est parfois un peu fatigant et que ça oblige à une certaine hygiène de vie mais avec mon équipe on est conscient, quand on a la joie de partager toutes ces soirées avec le public, d’être des privilégiés !

L’Essenciel connaît un beau succès…

Tous les albums sont préparés avec la même passion par contre il faut accepter que certains d’entre eux rencontrent plus ou moins le public… Celui-ci a la liberté totale de ne pas aimer tel ou tel album comme moi j’ai celle de faire ce dont j’ai envie, celle d’explorer et de tenter des nouveautés. Essenciel est un peu solaire alors il plait peut-être plus que d’autres projets qui étaient plus sombres mais, bien que je préfère évidemment que le public apprécie mes chansons, j’ai toujours penché – contrairement à mon banquier ! (rires) pour le chemin plutôt que pour le résultat… Ça ne m’anéantit pas qu’un album se vende moins bien qu’un autre et d’ailleurs, je trouverais ça louche que tout le monde aime tout tout le temps ! (rires)

Ne pas chercher à se faire aimer à tout prix comme dans Ma story

J’ai la chance d’avoir fait mes débuts sans Internet et d’avoir grandi sans portable, ça aide à relativiser un peu ce qui se passe sur les réseaux « soucieux » comme dirait Marc Lavoine… Cet univers virtuel n’est pas le monde, ce n’est que son immédiateté et c’est donc très fugace… On en est conscient quand on a vécu sans mais c’est plus compliqué pour les artistes qui commencent aujourd’hui. Il faut apprendre à prendre du recul et à ne pas se laisser happer par les propos de ceux qui ont toujours un avis sur tout et qui se positionnent en spécialistes ! Le mieux, selon moi, c’est de relativiser en attendant 24 heures que toutes les polémiques aient été oubliées par tout le monde ! 

C’est cette possibilité de lynchage qui m’attriste le plus, par contre, il faut reconnaître que c’est un média qui permet une grande liberté. On communique comme on veut, quand on veut et c’est un outil de travail incroyable ! Je crois que je suis trop vieille pour tomber dedans mais j’aime bien de temps en temps aller sur Instagram et y partager avec le public des petits moments qu’ils n’ont pas l’occasion de voir en tant normal comme mon équipe en train de s’ennuyer par exemple ! (rires) Ce n’est pas passionnant mais ça dit autre chose de cette grande « bestiole » qu’est la tournée…

Internet a aussi chamboulé l’industrie musicale …

Dans le domaine de la musique, ça a apporté de bonnes choses en horizontalisant un peu le tout… Ça a permis à des artistes talentueux de se faire découvrir du grand public, ça a démultiplié les offres donc ça a éveillé les curiosités mais le revers de la médaille, c’est que parfois, on peut s’y perdre un peu et que les ventes de disques ont bien sûr beaucoup chuté ! Il y a du positif et du négatif dans toute chose mais ça a le mérite de nous pousser à nous interroger… Si les labels s’effondrent et ne peuvent plus rémunérer convenablement les artistes, est-ce que ceux-ci vont devoir devenir boulanger-chanteur ou serrurier-pianiste pour subvenir à leurs besoins ? Pourquoi pas, mais ils risquent fort d’avoir beaucoup moins de temps à consacrer à la création… C’est important de rester vigilant et de protéger les droits d’auteur, ne serait-ce que pour la génération à venir…

Et au milieu de tout ça, il y a les radios…

C’est vrai que de temps en temps, les radios essayent de formater les choses pour obtenir de l’audience et c’est normal, elles font leur boulot ! Le nôtre, par contre, c’est d’essayer de ne pas confondre la source et le robinet ! (rires) Il ne faut pas concevoir un morceau dans l’optique de le faire passer en radio, il faut l’aimer et s’entourer de gens qui l’aimeront suffisamment pour le défendre auprès des radios… Speed en a été l’exemple parfait !

Speed, c’est renaître de ses cendres…

On confond souvent le coeur romanesque avec l’organe « mécanique »… Quand celui-ci se stoppe c’est plutôt définitif (rires), alors que le premier a juste la sensation de se retrouver « arrêté » plusieurs fois dans sa vie, et c’est ça qui est passionnant à observer ! Une multitude de raisons – du décès d’un être cher à la perte d’un amour en passant par les problèmes financiers ou la prise de poids -, peuvent donner l’impression qu’on ne réussira pas à tenir et ce sont ces moments-là, chez nous comme chez les autres, qui sont inspirants. Quand on crée, on aspire les énergies un peu comme de grosses éponges alors parfois on peut sembler en dépression mais en réalité, on gobe le monde et on le retraduit à notre manière. 

Speed est un massage de coeur qui rappelle qu’on peut tous mourir vingt fois et renaître après avoir réalisé que ce qu’on avait imaginé être la fin n’était autre que le terme d’une étape dans notre propre petit monde…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson au Festival de Ramatuelle • Photos Laurent Seroussi


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Interview parue dans les éditions n°407 #1, #2, #3 et #4 d’octobre 2019

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