CONCERT

Patrick Fiori en interview pour l’album et la tournée « Le chant est libre »

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« J’ai toujours la sensation de débuter… » Patrick Fiori

 

 

En trois décennies, Patrick Fiori a su nouer une véritable relation avec un public évidemment sensible à sa musique, à sa voix douce et puissante à la fois mais aussi (voire surtout) à sa sincérité sans faille. Pour preuve, celui-ci a commencé à se ruer sur les billetteries de sa nouvelle tournée bien avant que le chanteur décide de lui livrer son dernier album sorti fin février. « À l’aveugle » donc, ses fidèles soutiens ont répondu présent pour l’accueillir à Marseille et à Nice où, parmi son riche répertoire, Patrick Fiori dévoilera de nouveaux morceaux dont Le chant est libre qui a donné le titre à ce nouvel opus. Honorant le temps qui passe et qui – bien qu’on le malmène – nous offre autant de jolis souvenirs que d’enrichissantes expériences, l’artiste fait, comme à son habitude, appel à notre bon sens, notre cœur et notre bienveillance…

 

 


 

 

Patrick Fiori en interview pour l’album et la tournée Le chant est libre

interview / album / concert / chanson française

 

 


 

 

Morgane Las Dit Peisson : Un nouvel album, Le chant est libre, pour tes 30 ans de carrière…

Patrick Fiori : 30 ans de carrière ! C’est pour me dire gentiment que je suis vieux ! (rires) Belle technique de valorisation du produit ! (rires) C’est impressionnant, par ce chiffre de réaliser les années qui passent car moi, j’ai l’impression d’avoir commencé hier ! (rires)

Je crois que quand on fait de la musique, on est tellement engagé dans cet exercice difficile, compliqué et magnifique à la fois que franchement, les années défilent sans qu’on ait le temps de s’en apercevoir. Sur le nouvel album Le chant est libre, il y a une chanson qui s’intitule Tout commence aujourd’hui et honnêtement, je trouve qu’elle s’applique parfaitement à ma façon de voir la vie et le métier. J’ai toujours la sensation de débuter…

 

 

On s’habitue à la sortie d’un album ou on stresse toujours un peu à l’idée de dévoiler ses créations ?

Je crois qu’on ne pourra jamais s’habituer à une sortie d’album même si je me sens serein sur le travail qui a été fait et sur le choix des chansons. Je les aime, elles racontent des histoires qui me tenaient à cœur donc je n’ai pas d’angoisse ou de regret à les proposer. En revanche, elles existent parce qu’au-delà d’avoir des choses à dire, j’ai envie de continuer à tisser ce lien qui existe entre le public et moi depuis des années. Donc, inconsciemment, je n’ai pas envie de le décevoir…

C’est toujours un peu particulier quand un album sort car on se pose un milliard de questions qu’on ne se posait pas spécialement en studio. Quand on est dans la phase de « fabrication » des chansons, on se sent heureux de faire ça, on a conscience de la chance qu’on a et on peut même parfois avoir l’impression d’être le meilleur au monde tellement le fait de créer est exaltant ! (rires) Et tout à coup, quand on réalise que c’est terminé, figé et prêt à être cueilli par les gens, on ne peut pas se moquer de savoir ce qu’ils vont en penser… 

Je me sens bien dans mes pompes parce que j’ai donné le meilleur de moi et que j’ai été sincère mais il y a toujours, malgré l’expérience, un petit pincement au cœur quand un album prend son envol…

 

Un album s’apparente un peu à une naissance…

C’est même une grande naissance parce que ça prend plus de neuf mois ! (rires) Un album ce sont des cheminements, des questionnements, des hésitations, des certitudes ; c’est une observation de la vie des gens et un peu de la mienne… Il faut que les chansons soient dignes de tout ça. Après, que « ça marche » ou pas, c’est encore autre chose… Bien sûr, je souhaite que ça parle au public et que ça le touche mais l’essentiel, c’est avant tout de tout donner.

La tournée qui passera par Marseille, Nice, Montpellier et Toulon a été mise en vente bien avant la sortie de l’album. Ça signifie qu’il y une véritable relation de confiance qui s’est installée entre le public et toi…

Ce qui nous lie est au-delà de la confiance… C’est indescriptible ! Comme tu dis, ils réservent leurs places sans vraiment savoir ce qui les attend, juste parce qu’ils veulent tout autant que moi qu’on passe une soirée ensemble… C’est un témoignage d’amour incroyable ! Ça a été flagrant sur le concert de Corsu Mezu Mezu à Paris La Défense Arena, le public est venu nombreux sans même savoir qui serait sur scène avec moi ! Ça veut dire qu’il a foi en moi et en mon travail… Mais c’est vrai qu’en règle générale, je n’ai pas un besoin absolu d’associer une tournée à un nouvel album, les gens répondent présent au rendez-vous parce qu’ils aiment ce que je leur propose depuis toutes ces années.

C’est pour ça que repartir sur les routes, c’est toujours un grand kiff. Tu n’imagines pas le bonheur que c’est de partager tes chansons les yeux dans les yeux avec ceux à qui elles sont destinées. Avec le public, il y a un véritable retour et une relation de confiance devenue inoxydable…

 

 

C’est beau à une époque où l’on consomme la musique comme n’importe quel objet…

C’est vrai que j’ai de la chance de connaître ce type de connexion avec un public qui a envie, comme moi, de prendre du temps. On s’apprivoise, on se séduit mutuellement, on s’accompagne et on pourrait se dire que c’est une question d’âge mais je suis très surpris depuis la dernière tournée, de voir que la jeune génération remplit aussi les salles. C’est peut-être dû à l’effet The Voice Kids mais après autant d’années de carrière, c’est hyper touchant et flatteur de voir que la formule « de 7 à 77 ans » s’applique de plus en plus à mes concerts !

 

Débuter la tournée à Marseille pour l’achever en Corse, ce n’est certainement pas un hasard…

(rires) Ce n’est évidemment pas un hasard ! Tout a commencé à Marseille pour moi, donc c’est un petit hommage de débuter la tournée dans la ville qui m’a donné ma chance. C’est un peu grâce à elle que j’ai pu me réaliser… Et je termine en Corse, à la maison, là où je pourrai m’écrouler après la tournée ! (rires) Parce que quand j’aurai enquillé une soixantaine de Zénith, j’aurais sûrement besoin de me reposer. 

On ne sort jamais indemne d’une tournée, c’est très particulier car ce sont des moments absolument magnifiques et intenses mais qui nous obligent à être souvent loin de la maison et de la famille. Je ne me plains pas parce que c’est mon choix et ma passion mais ça reste de longues absences donc, par expérience, je sais que je vais avoir besoin de me ressourcer. Et puis, j’ai bien aimé ce clin d’œil : démarrer où j’ai commencé à exister et terminer là où j’existe vraiment.

 

 

Ce n’est pas la 1ère fois que tu abordes le temps qui passe mais dans Le chant est libre – sans être plombant – c’est un thème omniprésent… Tout commence aujourd’hui, Une autre danse, Hier, aujourd’hui, demain, Les blessures de son âge, Qu’est-ce qu’on était… Lui rendre grâce aide à mieux l’appréhender et le savourer ?

Oui parce que ce temps qui passe ne nous fait pas la gueule, c’est nous qui le maltraitons à force de lui en vouloir ! (rires) Il peut être chouette le temps qui passe… La preuve, il me permet de faire des albums, d’écrire la vie et surtout de vivre… Quand on se morfond sur les années passées, on oublie qu’on a de la chance d’être encore là… Être en vie et avoir la santé, ça peut paraître bateau, mais il n’y a finalement que ça qui compte vraiment…

 

On sent que dans tes titres il n’y a en effet ni nostalgie ni regrets et c’est aussi un peu le message des paroles du Chant est libre : tout faire pour tenter de ne jamais rien regretter…

Ce n’est pas toujours facile mais il faut en effet essayer de se donner la chance de ne pas avoir de regrets un jour… Il faut, même quand le quotidien et les contraintes prennent du temps ou quand la vie nous bouscule, tenter de tenir bond et ne pas abandonner ses rêves et ses passions. Une randonnée, un cours de chant ou une heure de peinture, peu importe ! Ce qui compte c’est d’entretenir son équilibre et de conserver des soupapes de décompression quand les responsabilités et les obligations nous malmènent… Ce n’est pas simple et ça demande des efforts d’organisation mais le temps qui passe ne se rattrape pas et c’est si on ne l’apprivoise pas un peu mieux qu’on accumule les rancœurs et les rancunes.

Je me fais l’avocat du diable et je sais que je ne changerai pas la face du monde mais ça me semble important de rappeler aux gens qu’ils ont le droit (voire l’obligation) de prendre soin d’eux. Je suis comme tout le monde, j’ai dû m’imposer de m’autoriser des moments à moi, et ça m’a fait le plus grand bien !

 

Dans le clip du Chant est libre, on a d’ailleurs un bel échantillon de destins qui rappellent qu’il ne faut pas se fier aux apparences puisque chacun d’entre nous, malgré sa part d’ombre, s’efforce de ne dévoiler que ses certitudes…

J’ai aimé la vision du réalisateur car on ressent bien, en voyant le clip, cette idée de résistance comme si on était tous des soldats du cœur… 

 

 

Un album qui est un hymne aux sentiments qu’ils soient amoureux, amicaux, fraternels, familiaux… La vie ne fait de cadeau à personne mais elle ne t’a pas détourné de ces valeurs-là…

Tu as dit une des plus belles phrases que j’aurais pu essayer d’imaginer pour résumer Le chant est libre ! C’est exactement ça, un hymne aux sentiments… Je vais peut-être m’en resservir dans les prochaines interviews… (rires) Sérieusement, c’est ce que je me suis évertué à faire : mettre des mots sur des sentiments qui sont, pour moi, la base de tout. Quand la vie nous emporte et qu’on se sent pousser des ailes, on peut parfois avoir tendance à les mettre un peu de côté, mais il faut rester prudent avec ce qu’on veut faire de notre existence.

 

Les blessures de son âge souligne qu’il n’y a pas de grandes ou petites peines… On est tous égaux face au malheur et il faut respecter chaque souffrance…

Je suis vraiment partie de l’enfance car c’est le terreau de nos joies et de nos peines alors que souvent, on minimise les souffrances des plus jeunes. Il faut respecter ce que vivent les tout-petits comme les plus âgés, il faut s’asseoir, écouter et tenter de soigner ces blessures du mieux qu’on peut… Un 1er chagrin d’amour est un drame pour celui qui le vit donc il n’y a rien de pire pour lui que d’entendre que ce n’est pas grave et qu’il y en aura d’autres… C’est irrespectueux et violent.

 

 

On retrouve sur cet album un duo avec Amel Bent mais aussi un quintette avec Claudio Capéo, Soprano, Slimane, Ycare et, en guest, Michel Drucker…

Partager, c’est dans mon éducation. Que ce soit dans la bouffe, dans les découvertes ou la musique, je ne sais pas ne pas faire goûter, écouter, tester… (rires) Je ne sais pas aller seul vers ce que la vie me propose donc je ne suis jamais plus heureux que quand je chante avec d’autres artistes. Pour Qu’est-ce qu’on était beau, j’ai appelé ces quelques amis et je leur ai proposé de faire un bout de chemin ensemble pour expliquer un peu nos parcours, d’où l’on vient et vers où on aimerait aller. J’avais vraiment le souhait de partager ce morceau avec cette génération-là mais aussi d’avoir le « patron ». J’ai appelé Michel Drucker (que je vouvoie toujours) pour lui demander ce qu’il en pensait et il a accepté de mettre le tampon « validé » sur ce titre en y faisant une petite apparition en slamant ! (rires) C’est quelqu’un de suffisamment occupé pour ne pas avoir de temps à perdre donc ça m’a énormément touché qu’il trouve l’idée mignonne et qu’il accepte d’y participer…

 

Tu avais déjà travaillé avec Ycare sur Ta belle histoire. Remettre le couvert signifie qu’il y a plus qu’une admiration pour son travail non ?

Exactement ! (rires) Il chante bien, il compose bien, il écrit bien mais Ycare c’est beaucoup plus que ça ! On ne voit pas le temps passer en sa compagnie tant il a d’idées en permanence… C’est vraiment un mec à connaître !

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photos Carole Mathieu Castelli / mars 2024

 

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