COUPS DE COEUR

Le Ballet Preljocaj : « Noces », « Annonciation » et « Torpeur », 3 pièces pour redécouvrir une troupe incontournable

By  | 

Le Ballet Preljocaj, Annonciation, Torpeur et Noces

spectacle / danse / danse classique / danse contemporaine

 

 

Les folles soirées du Ballet Preljocaj à Mougins, Draguignan et Nice

Angelin Preljocaj, l’un des plus grands chorégraphes français, convie le public pour une série de soirées « triptyques » lors d’une tournée nationale qui passera par Mougins, Draguignan et Nice en mars et mai prochains. Les reprises des pièces Annonciation (1995), Noces (1989) et la récente création Torpeur (2023) offrent une occasion immanquable de (re)découvrir l’ampleur du répertoire du Ballet Preljocaj aux forts ancrages classiques distillés dans des interprétations résolument contemporaines.

On entame avec Annonciation, dont la création remonte à 1995. Ce thème, poncif de l’iconographie chrétienne, représente l’annonce divine de l’enfantement à Marie, mère du Christ. Intimement lié au corps de la femme, cet épisode a largement été traité par les peintres, notamment dans l’Italie des XV, XVI et XVIIèmes siècles, alors qu’il n’a, paradoxalement, jamais été adapté sur scène. Angelin Preljocaj s’est donc saisi de cette narration pour créer un duo de danseuses, instillant déjà dans son approche un certain iconoclasme puisque, dans les textes, cette maternité divine est annoncée par l’Archange Gabriel. D’un point de vue chorégraphique, l’artiste a composé une pièce qui mêle savamment danse classique – soutenue musicalement par le Magnificat de Vivaldi – à une esthétique très contemporaine, particulièrement expressive, à distance donc des ambiances passives et apaisées qu’on connaît de l’Annonciation vue par les grands maîtres de la peinture.

 

 

La représentation se poursuit avec Torpeur, une création de 2023, qui explore l’état d’un corps frappé par la sidération, l’abattement et l’abandon. Selon ses propres mots, les recherches du chorégraphe et de ses danseurs les ont menés à « trouver un rythme à la lenteur et peut-être inventer une nouvelle grammaire paresseuse de l’hébétude ». Ainsi, le public découvre un plateau occupé par 12 danseurs qui évoluent comme un seul corps démultiplié, mu par une émotion de fond qui trouve son tempo au fil des 35 minutes de ballet.

Enfin, la soirée s’achèvera sur un rythme plus soutenu avec Noces. La reprise de cette pièce de 1989 nous emporte dans un tourbillon ultra millimétré mené tambours battants sur l’opéra d’Igor Stravinski, Les Noces. Dans un ballet frénétique engageant 10 danseurs, la thématique du mariage est envisagée comme « un rapt consenti ». Avec le Ballet Preljocaj, la mariée est incarnée par une poupée de chiffon malmenée lors d’une journée de noces, déroulée à mille à l’heure. Une pièce des plus intrigantes !

Dans le cocon du centre chorégraphique du Pavillon Noir d’Aix-en-Provence, le Ballet Preljocaj donne naissance à une esthétique hybride, entre performance, volupté, tradition et modernité, portée par une technique irréprochable. Les représentations du Ballet Preljocaj sur les scènes de la région sont toujours un évènement prisé par les amateurs et les néophytes, tant ce qu’on y découvre ravit les yeux et l’esprit.

© Claire Thiebaut pour Le Mensuel / Photo DR / mars 2024 

 

 

You must be logged in to post a comment Login