INTERVIEW

Bruno Solo en interview

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À l’affiche depuis la rentrée dernière de la pièce L’heureux élu en compagnie, entre autres, de son fidèle complice Yvan Le Bolloc’h, Bruno Solo a une fois encore prouvé que son jeu était multiple… De La vérité si je mens ! au cinéma à L’ouest solitaire au théâtre en passant par Caméra Café et Deux flics sur les docks en télé, aucun registre ne semble pouvoir résister à celui qui cette fois-ci s’est glissé dans la peau d’un ex jaloux à la vue du futur mari de celle qu’il n’a jamais réussi à oublier… Mais loin de nous plonger dans une comédie caricaturale, L’heureux élu nous rappelle combien il est important de ne pas s’arrêter aux apparentes perfections ou imperfections des gens qui croisent nos chemins…

 

dans « L’heureux élu » à Marseille le 19 octobre 2017, à Hyères le 20 octobre 2017 et à Cannes le 22 octobre 2017


« Jouer est une médecine incroyable ! »


 

Morgane Las Dit Peisson : La date des Nuits Auréliennes cet été a eu une saveur particulière… 

Bruno Solo : En effet, ça a été à la fois le premier festival que l’on a fait avec la pièce L’heureux élu mais aussi la première date de tournée puisque celle-ci ne démarrera « officiellement » que le 23 septembre. On l’a jouée pendant six mois sur Paris et les Nuits Auréliennes et son théâtre antique sont apparus comme une sorte d’intermède gracieux, ensoleillé et enthousiasmant ! Jouer en plein air est une autre manière d’envisager le théâtre, le son se projette différemment, le public n’est pas pleinement plongé dans le noir au début, il y a évidemment des sons extérieurs qui peuvent surgir pendant la représentation et puis, après quatre mois de « pause », on se sent moins sûr de soi… Mais c’est ce qui fait que le théâtre est une expérience si excitante !

Après quatre mois sans jouer, on a peur des trous de mémoire ?

Bizarrement, pas tellement… En fait, la mémoire est comme un muscle, plus vous l’entraînez et plus elle devient forte ! C’est vrai que c’est un outil un peu abstrait et assez effrayant au début car vous vous demandez comment vous allez avoir la prétention de retenir un texte aussi long ! (rires) Mais plus vous faites du théâtre, plus vous vous apercevez d’une capacité insoupçonnée à retenir les répliques ou en tous cas à les réveiller. La mémoire, c’est une sorte de gigantesque bibliothèque pour ceux qui rangent et de grand foutoir pour les autres, comme Yvan Le Bolloc’h ! (rires) Et puis, avant d’attaquer, on se remet en jambe en faisant une « italienne », une répétition du texte pour raviver une mémoire qui n’est pas que cérébrale. Au théâtre, cette dernière est avant tout physique et passe beaucoup par la gestuelle et le toucher.

Sur Paris, la pièce a joué les prolongations…

Oui et pouvoir jouer pendant six mois d’affilée, de nos jours, c’est un cadeau magnifique que nous fait le public car c’est de plus en plus rare… Le contexte n’est pas évident, il y a beaucoup de concurrence sur la Capitale et puis, d’un point de vue purement économique, s’offrir une sortie au théâtre est quelque chose d’assez onéreux pour une famille alors les gens sont obligés de faire des choix… Bien que L’heureux élu soit une excellente pièce, elle a bénéficié de la curiosité des médias grâce à, treize ans après Caméra Café, la « reformation » du duo Le Bolloc’h – Solo… On a eu la chance de faire beaucoup de promotion mais ce n’est malheureusement pas le cas de toutes les pièces…

Mais si la pièce avait été mauvaise, le duo n’aurait pas suffit pour perdurer… 

Tout à fait, au théâtre il y a une épreuve de vérité avec laquelle on ne peut pas tricher, c’est le bouche-à-oreille. Une partie du public est peut-être venue pour voir les deux guignols (rires), mais elle s’est aperçue que la pièce était bonne et que nos trois autres partenaires n’avaient rien à nous envier ! On est cinq sur scène, c’est une véritable pièce chorale, il n’y a pas de rôles principaux et si la qualité n’avait pas été au rendez-vous, ça se serait su très rapidement.

Pour la première fois, vous avez retrouvé votre ami et partenaire de jeu, sur scène…

C’est hyper plaisant car on est vraiment soudés ! Il pourrait jouer de dos derrière une porte que je devinerais ce qu’il est en train de faire ! Je le connais comme si je l’avais tricoté ! (rires) 

Et puis on se complète vraiment bien… C’est un gitan dans l’âme qui prend le temps de vivre tranquillement alors que moi j’ai une tendance à être dans une intensité  qui – je le reconnais – est un peu épuisante pour les autres ! (rires) Je ne suis d’ailleurs pas toujours très tendre avec lui car je connais trop ses capacités pour lui pardonner d’être un peu tiède ou un peu en dessous. 

On n’avait jamais fait de théâtre ensemble et ça faisait des années qu’on cherchait une pièce qui nous corresponde avec du fond, de l’humour grinçant et des partenaires de jeu pas uniquement choisis pour « servir » des pseudo têtes d’affiche.

Jouer la comédie c’est être sincère tout en créant du « faux »…

C’est une activité étrange car, tout en se camouflant derrière un rôle, on fait part d’une certaine impudeur… C’est ce qui est très curieux et si formidable dans ce métier. On peut montrer les parts les plus sombres ou les plus secrètes de notre personnalité en se cachant derrière des situations inventées. Dans L’heureux élu, mon personnage est intéressant à interpréter car il navigue entre la tragédie et la comédie et ça me permet de faire passer des choses sans avoir besoin de me déshabiller plus que je ne suis en train de le faire en ce moment en vous faisant ce genre d’aveu… Quand je joue, je me planque derrière mon personnage et personne ne peut dire si c’est moi ou lui qui tient les rênes ! C’est d’ailleurs pour ça que tant de timides commencent la comédie à l’adolescence, quand ils ne sont pas à l’aise avec eux-mêmes. Jouer est une médecine incroyable et c’est un outil merveilleux pour montrer autre chose de soi sans trop en avoir l’air… 

Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos droits réservés et Farid Dms Debah

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