Cinéroman
CINÉMA
Pascal Elbé & Zabou Breitman en interview pour le film « La bonne étoile »
« Examiner chaque point de vue pour trouver celui qu’on n’attend pas…« Pascal Elbé
Après son dernier film « On est fait pour s’entendre », Pascal Elbé revient avec un 4ème long-métrage qui marque, une fois de plus, son goût pour les pas de côté ! Si le précédent nous narrait l’histoire d’un sourd qui s’ignorait, avec « La bonne étoile » il fait à nouveau preuve de poésie en mettant en scène un conte d’aventures… Pendant la Seconde Guerre mondiale, un homme un peu bas de plafond (campé par Benoît Poelvoorde) est persuadé – après avoir déserté au bout d’une journée – d’avoir trouvé l’idée du siècle pour passer en zone libre ! Avec femme, enfant et faux papiers, il décide de faire semblant d’être juif car (c’est bien connu), ces « gens-là » s’en sortent à chaque fois… Bêtement cruel, ce personnage nous entraîne dans un road-movie drôle, tendre et émouvant en nous offrant l’occasion de revoir l’Histoire sous un angle inédit.
Pascal Elbé & Zabou Breitman en interview pour le film La bonne étoile
interview / cinéma / comédie dramatique
- le 12 novembre 2025 au cinéma
- de Pascal Elbé
- avec Benoît Poelvoorde, Audrey Lamy, Zabou Breitman
Morgane Las Dit Peisson : Comment allez-vous tous les deux ?
Pascal Elbé : Quand on est à Cinéroman, c’est toujours un enchantement ! (rires) Le fait est que ce festival est un peu notre petite confiserie à nous, notre magasin des curiosités. On passe d’excellents moments parce que le public est formidable, qu’on y est bien accueillis et surtout parce que ce festival – comme tous les autres qui existent partout en France -, est un ambassadeur du cinéma et, pour nous qui créons des films, c’est précieux…
Présenter son film en avant-première au public…
Pascal : C’est le meilleur moment, car la seule façon de savoir si on a bien travaillé sur un film, c’est de le présenter au public. S’il réagit et vibre, on est récompensé et on sait qu’on ne s’est pas trompé…

Pascal, « La bonne étoile » est votre 4ème réalisation…
Pascal : Et je suis toujours angoissé de tout ! (rires) Tout en étant mû par une foi et une conviction tenaces…C’est étrange car le doute est indispensable. J’aime les gens qui parlent avec trois petits points à la fin d’une phrase, qui s’interrogent en permanence… Passer derrière la caméra est un exercice parfois compliqué, qu’on arrive généralement à mener à bien grâce aux regards de nos camarades comédiens. C’est dans leurs yeux et la confiance qu’ils nous accordent qu’on s’estime légitime à le faire…
Zabou Breitman : Et c’est une course d’élan, alors il faut en avoir suffisamment pour bien partir. Ensuite, il y a une conviction magique qui fait que, sur un plateau, les forces sont décuplées et permettent d’aller au bout. C’est comme si toute ton attention, toute ta vie et toute ton énergie étaient tournées vers le projet. C’est incroyable parce que tu n’es jamais fatigué ! Sauf quand ça se termine… Ça, c’est une autre affaire ! (rires)
Sauf cas rare, un tournage est merveilleux parce qu’au sein de l’équipe, on se transmet une ardeur folle. Et puis, sur La bonne étoile en particulier, l’ambiance était agréable et joyeuse, tant Pascal n’est pas difficile à adorer ! Et quand je parle d’équipe, le terme n’est pas galvaudé car il ne s’agit pas de gens qui poussent un travelling ou qui tiennent une perche. On était entourés de professionnels dotés d’une grande capacité à apprécier ce qu’ils étaient en train de faire. Ils ont mis leurs convictions tant techniques qu’artistiques dans le film et ça se ressent… À ce moment-là, en plateau, il y a une foi qui circule, tout se met en place et chaque membre sait pourquoi il est là : pour l’histoire qui va être racontée. Pendant le tournage, on avait peut-être plus conscience que Pascal qu’on allait faire un superbe film ! (rires)

Une fable d’aventures mettant en scène un personnage peu glorieux…
Pascal : Je cite souvent le cinéma d’avant et d’après-guerre américain pour le rythme et l’humanité qui s’en dégagent, mais aussi le cinéma italien d’après-guerre – hors néoréalisme immédiat -, très ancré dans la réalité mais raconté, à chaque fois, comme un conte. Cet angle réussissait à nous faire rire et à nous émouvoir tout en ne perdant jamais de vue ce que ces gens avaient traversé.
En général, ce sont des personnages qui peuvent apparaître un peu veules et égoïstes au début mais qui, chemin faisant, vont se débarrasser – comme Chevalin dans le film – de tous ces stéréotypes pour finalement s’affranchir de leur ignorance et devenir des « Mensch ».
Zabou : Le personnage que joue Benoît Poelvoorde est tellement détestable et idiot au départ, qu’à la réception du scénario, je me suis prise au jeu de la lecture pour savoir comment Pascal allait le rendre attachant. C’est ça aussi le secret d’un bon film, c’est quand un comédien a envie de savoir ce qu’il va se passer sans se focaliser sur son propre rôle.
En réalité, ce personnage nous oblige à nous demander ce qu’on aurait fait, nous, à sa place…
Pascal : C’est exactement ça… Aujourd’hui, on procède beaucoup par raccourcis. Il faut être pour ou contre, la zone grise n’existe plus alors qu’elle a toujours été là… On ne peut pas raconter l’Histoire en étant aussi tranché car l’humanité est partout, dans chaque camp… C’est quelque chose qu’on retrouve dans Nous nous sommes tant aimés où l’un des amis cache aux autres sa réussite pour ne pas les rabaisser. Il a l’intelligence et la bonté de leur faire croire qu’il est comme eux pour ne pas leur faire de peine, bien que pour en arriver là, il ait écrasé quelques personnes sur sa route… J’aime quand ce n’est jamais tout blanc ou tout noir.
L’idée qu’un Français catholique se fasse passer pour un juif en temps de guerre est drôle, maligne et inédite…
Zabou : Ce qui est fou, c’est que je ne l’ai en effet jamais vue ailleurs cette proposition, alors qu’elle est tellement simple ! Et ce sont souvent les idées les plus évidentes qui sont les plus dingues au cinéma ! (rires) C’est à la fois trop simple et trop osé pour y penser, c’est pour ça que c’est aussi drôle ! Se faire passer pour un juif afin de se rendre en zone libre parce que les Juifs s’en sortent toujours… C’est à mourir de rire d’avoir eu la présence d’esprit de servir d’une telle idée reçue pour en faire un film ! (rires) La bonne étoile a su jouer avec tout ce qu’on pense en en prenant le verso.
Pascal : Quand on écrit, on essaye d’examiner chaque point de vue pour trouver celui qu’on n’attend pas. Ça aurait été trop facile et redondant de se placer du côté d’un nazi ou d’une victime, ça a été traité des milliers de fois… Lorsque je regarde un biopic par exemple, surtout si je connais d’avance l’histoire qui va se dérouler, j’ai besoin d’être surpris par l’angle choisi.

Parmi les personnages, il y a la baronne, forte et engagée…
Zabou : Elle ne donne pas de leçon, elle estime avoir un devoir à accomplir alors elle y travaille sans se poser de questions. C’est un personnage absolument génial que j’ai adoré interpréter ! Je n’en avais jamais eu des comme ça ! J’ai souvent campé des folles ou des méchantes mais Pascal m’a offert, jusqu’à présent, deux très beaux rôles…
Pascal : Beaucoup de femmes et de nobles ont participé à l’effort de guerre en faisant preuve de courage. Certains se sont engagés dans la Résistance mais on les a invisibilisés. Peu à peu, on les a effacés de la grande Histoire et ne sont restés, au front, que les bons et les méchants.
Vous avez tourné au moins 5 fois ensemble…
Pascal : C’est très agréable de travailler avec des gens qu’on aime mais on ne le fait pas que par amitié. C’est rassurant de bosser dans la confiance et de sentir que l’autre sait que, même quand on doute, on sera capable de trouver la solution. C’est ce qui permet d’aller plus loin, ce n’est pas juste « plus confortable ».

Pascal semble diriger avec bienveillance et tendresse…
Zabou : Ça c’est vrai ! En revanche, ça ne signifie pas qu’il le fait mollement et en cédant à tout, loin de là ! Il sait exactement ce qu’il veut et il sait l’expliquer avec calme et douceur mais surtout, il dirige ses comédiens d’une manière que je trouve absolument merveilleuse. Quand il leur fait faire quelque chose, il n’a aucun doute sur le fait qu’ils vont y arriver. C’est ça qui fait la différence et c’est ça, selon moi, un grand directeur d’acteurs…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson au Negresco de Nice pendant le festival Cinéroman pour Le Mensuel / Photo Cinéroman
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