INTERVIEW

Virginie Hocq en interview

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Formée au Conservatoire Royal de Bruxelles, Virginie Hocq en a gardé une rigueur de travail mais aussi un goût prononcé pour l’incarnation… Se glissant avec un talent désarmant dans la peau de personnages tout droit issus de son imagination foisonnante, la comédienne réussit à chaque création – à force d’atmosphères, d’émotions, d’attitudes, de dictions et de regards – à disparaître dans celui ou celle qu’elle habite le temps d’une histoire… Choisie pour camper une femme en apparence bien sous tout rapport, Virginie Hocq, dans C’était quand la dernière fois ?, interroge sur les habitudes et le quotidien qui peuvent ruiner un couple… Malheureuse de ne plus se sentir aimée, elle annonce presque gaiement à son mari qu’elle vient de l’empoisonner…

 

VIRGINIE HOCQ dans C’ÉTAIT QUAND LA DERNIÈRE FOIS ?

Festival de Ramatuelle / 03 août

En préparation de son nouveau spectacle

 


« C’est une partition à la fois drôle, cynique, émouvante et diabolique ! »


MORGANE LAS DIT PEISSON : Vous venez à Ramatuelle…

VIRGINIE HOCQ : J’y avais joué une fois il y a longtemps et j’avais tellement adoré le lieu et l’ambiance que j’ai tout fait pour revenir au point de tanner, avec Zinedine Soualem, Michel Boujenah par téléphone pour qu’il nous programme ! (rires) Comme quoi, le harcèlement a parfois du bon ! (rires)

Une renommée nationale mais un festival humain…

Ce qui le prouve d’ailleurs c’est que Jacqueline Franjou invite non pas les comédiens à déjeuner chez elle mais toute l’équipe technique ! Ils ont su conservé une âme et surtout la qualité des rapports humains malgré l’ampleur que le festival a pris et ça, c’est une pure merveille ! C’est avant tout pour ça qu’on fait ce métier, c’est pour être au contact des gens, qu’ils soient avec nous sur scène, dans les coulisses ou dans la salle.

On a l’habitude de vous voir seule sur scène…

C’est un grand bonheur pour moi de partager la scène avec des comédiens car c’est ce qui m’a attirée vers la scène à l’origine. Je n’avais pas tellement choisi de me lancer dans le one car, s’il faut évidemment de l’ego pour faire ce métier, je n’en ai pas assez pour aspirer à être seule en permanence ! J’aime la notion d’équipe, j’ai besoin d’être entourée et de partager les répétitions, le trac, les rires, les applaudissements et les souvenirs…

Pourquoi s’être lancée seule ?

On m’a rappelée un jour qu’il y avait beaucoup d’appelés et peu d’élus dans ce métier alors pour être certaine de ne pas me retrouver sur le carreau, je me suis mise à écrire mes propres spectacles ! Ça permet de jouer plus ou moins quand on veut même si on ne correspond pas aux rôles disponibles « sur le marché » ! Mais il faut une sacrée dose d’inconscience pour oser y aller ! (rires)

On trouve au début le plaisir dans l’écriture ?

C’est exactement ça ! Le seul en scène permet certes de jouer mais avant tout d’aborder librement des sujets qui nous trottent dans la tête. Celui que je suis en train d’écrire en ce moment par exemple, me permet d’oser me faire confiance en proposant mon rythme et mon empathie dans un sujet un peu différent de d’habitude… La forme également le sera car je le veux plus théâtral… Je crois de toute façon que peu importe la manière dont on s’exprime sur les planches, on vient tous de l’art de la parole qui nous vient du théâtre…

Quand on est habituée à créer son univers, on arrive à ne redevenir « que » comédienne ?

Avec C’était quand la dernière fois ?, très sincèrement, je me suis laissée porter sans problème ! La pièce m’a plue tout de suite grâce à son histoire biscornue et à la metteure en scène – Johanna Boyé – qui savait exactement où elle allait. Et puis, je suis très scolaire en général, je fais ce qu’on me demande… En tous cas dans le travail ! (rires)

Un personnage un peu « vieille France »…

Je dirais même « vieille Belgique » ! (rires) Avec son petit air BCGB, elle annonce tout tranquillement à son mari qu’elle vient de l’assassiner en l’empoisonnant ! J’adore ! Elle commence par la solution finale avant d’essayer d’expliquer à son mari pourquoi elle n’était pas heureuse mais c’est « grâce » à cet aveu d’assassinat qu’ils vont enfin se reparler, se regarder à nouveau et partager cette heure et demie qui lui reste à vivre, ensemble ! (rires) Ils vont douter, se questionner, il va se demander si elle a vraiment été capable de faire ça, elle va retomber amoureuse en se demandant si elle n’a pas fait une erreur… C’est une partition à la fois drôle, cynique, émouvante et diabolique qui donne un rythme fou !

Une pièce qui rappelle qu’il faut faire attention à ce que l’on « a »…

C’est très humain mais aussi très français de ne jamais être vraiment satisfait de ce que l’on a ! On a tendance à l’oublier jusqu’au moment où l’on s’apprête à le perdre ou pire, quand on l’a définitivement perdu… Et C’était quand la dernière fois ? met en effet un peu ça en relief… On n’a jamais eu autant de coachs en tout genre qu’aujourd’hui alors qu’on a tout de même, en Europe, de quoi pouvoir s’émerveiller un peu chaque jour… Mon truc à moi, c’est de m’obliger chaque jour à oser faire un compliment à quelqu’un que je ne connais pas sur son élégance, son sourire ou sa coiffure… Ça peut sembler ridicule mais c’est important à mes yeux d’entretenir une bienveillance et une admiration… C’est un effet papillon positif car la personne qui reçoit un compliment sera plus à même d’en faire un à son tour…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Fabienne Rappeneau & Pascal Ito

 


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Interview parue dans les éditions n°405 #1, #2, #3 et #4 spéciales été 2019

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