INTERVIEW

Thomas Dutronc en interview

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Entre deux tournées et la préparation d’un prochain album personnel qui devrait voir le jour à la rentrée 2021, Thomas Dutronc a eu l’idée de s’intéresser aux incroyables destins de chansons d’origine française qui ont séduit des publics bien au delà de nos frontières terrestres… Voyageant donc au coeur de Plus je t’embrasse, My Way, La vie en rose ou C’est si bon, le musicien et chanteur à la voix suave s’est amusé à les revisiter dans l’album Frenchy avec l’élégance et le savoir-faire qui le caractérisent…


« J’ai fait « Frenchy » avec mon coeur de musicien… »


MORGANE LAS DIT PEISSON : L’emploi du temps commence à être surchargé avant la sortie de Frenchy ?

THOMAS DUTRONC : Oui, ça commence à bosser dur ! (rires) Le marathon promo est lancé ! Sincèrement, c’est une chance extraordinaire quand les médias s’intéressent à ton travail mais le revers de la médaille, c’est que tu accumules une certaine fatigue. Ça te prend énormément de temps mais surtout d’énergie ! Tu as beau être habitué aux plateaux télé, tu t’aperçois qu’y passer ne serait-ce que deux heures te pompe une force incroyable, tu en ressors épuisé ! (rires) Ça me fait penser aux sioux qui avaient peur qu’on les prenne en photo car ils pensaient que ça leur volait une partie de leur âme ! Tu es en tension permanente parce que tu es filmé sous tous les angles donc je comprends que certaines personnes finissent par péter les plombs et devenir un peu folles… C’est finalement une réaction assez normale face à l’anormalité de la médiatisation ! (rires)

Ton nouvel album, Frenchy, sortira le 20 mars…

En général, je suis un peu pessimiste, comme ça, je suis sûr d’avoir de bonnes surprises ! (rires) Comme tout le monde, je rêve évidemment que l’album cartonne mais étant donné le marché actuel du disque, je ne me fais pas d’illusion… La musique ne se « consomme » plus du tout de la même manière donc c’est quasiment impossible de se projeter. Dans tous les cas, ce qui compte vraiment c’est que je sois fier et satisfait du travail qu’on a fait sur Frenchy et qu’il soit exactement comme je l’avais imaginé !

Pessimiste et donc stressé ?

En y réfléchissant, je me dis que mon comportement serait finalement presque optimiste car je ne m’attends à rien, j’ai plus la sensation de vivre ça comme un bonus… Je le trouve beau, je l’ai fait avec mon coeur de musicien alors même si les gens ne l’aimaient pas, je ne pourrais rien regretter !

Une esthétique musicale mais aussi visuelle…

On a fait un bel album et de magnifiques images pour les clips C’est si bon, La vie en rose et Plus je t’embrasse que je viens de finir de tourner. Ce dernier est très joli, très printanier et joyeux… C’est compliqué de faire des choix parmi 14 morceaux qu’on a peaufinés et aimés ! D’ailleurs, si j’en avais les moyens, j’offrirais la même mise en lumière à chaque titre de l’album comme Playground Love de Air que je partage avec Youn Sun Nah… Et puis, il y a le travail de mon ami photographe, Yann Orhan, qui a su créer des atmosphères vivantes et poétiques pour la pochette.

Des musiciens hors pair t’accompagnent…

Je ne veux d’ailleurs pas me passer d’eux pour la tournée ! (rires) Cet album repose sur eux mais au delà de ça, on a tissé des liens très forts et on a envie de partir en tournée ensemble… Il y a le prodigieux guitariste Rocky Gresset mais tous les autres ont le même niveau d’excellence que lui, ça donne un résultat assez fou ! (rires) La contrebasse du toulonnais Thomas Bramerie est dingue, le piano d’Eric Legnini est incroyable sans oublier la virtuosité de Denis Benarrosh à la batterie… Revisiter un tube  comme My way est quitte ou double mais avec eux, je n’ai pas eu peur ! Je n’ai évidemment pas la prétention de faire mieux que Louis Armstrong, Frank Sinatra ou Elvis Presley, mais je suis content car j’ai quand même réussi à trouver mon son et ma sensibilité… C’est vrai pour My way mais aussi pour les autres titres qui sont remplis de douceur et d’émotion. J’ai eu la sensation de travailler dans un écrin avec cette équipe, au point qu’il a fallu très peu de prises, la première a parfois été magnifique d’emblée !

Des morceaux français qui ont franchi les frontières…

J’ai voulu reprendre uniquement des chansons françaises qui avaient fait le tour du monde… Parfois, je les chante en français, parfois en anglais et parfois en mélangeant, comme sur C’est si bon, les deux langues. On pourrait presque déjà faire un deuxième volume tant il existe de chansons comme ça au destin extraordinaire. J’avais d’ailleurs enregistré Que reste-t-il de nos amours ? mais vu que c’est ma chanson préférée de tous les temps et que je n’étais pas pleinement satisfait de ma version, j’ai préféré la garder de côté…

Il y a aussi de belles voix qui se sont invitées sur Frenchy

On retrouve Diana Krall, Stacey Kent, Iggy Pop, Youn Sun Nah, Haley Reinhart qui n’est pas encore très connue en France mais qui comptabilisent plus de 70 millions de vues sur sa reprise de I’m a creep de Radiohead ou encore Jeff Goldblum

La musique de film aussi et plus si affinités

En effet, on ne peut rien te cacher ! (rires) J’ai fait la musique de Belle-fille, avec Alexandra Lamy, qui se passe en Corse et il s’avère que j’ai un tout petit rôle dedans… Je meurs tout de suite ! (rires) Ça m’a bien plu que ce soit aussi express car je ne tiens pas vraiment à faire du cinéma mais là ça se tournait à côté de chez moi donc c’était une expérience à ne pas rater. Ce qui est drôle, c’est que sachant que je devais faire le mort, j’ai pensé ne rien avoir à faire alors je suis sorti la veille et j’ai dormi à peine deux heures… Par contre, au moment de tourner, j’ai réalisé que même « faire le mort » demandait du talent et de la concentration ! (rires) Je me suis regardé, j’ai définitivement l’air plus crevé que décédé ! (rires) En plus il faisait une chaleur atroce, je ne pouvais pas bouger mais pas dormir non plus… Un vrai cauchemar ! (rires) Heureusement qu’il restera autre chose de moi dans ce long-métrage de Méliane Marcaggi à travers la bande-son ! (rires) Je l’ai travaillée avec mon ami Fred Jaillard, également compositeur sur mes deux premiers albums…

Tu sembles être sur scène mieux que n’importe où ailleurs…

Je m’y sens chez moi c’est vrai et pourtant, un concert, c’est curieux car on ne sait jamais à quoi ça tient et c’est ça qui le rend si magique et précieux ! Qu’est-ce qui va faire que ce sera un super moment où tout le monde sera hyper décontracté ? À quel moment on va faire ce qu’on préfère par-dessus tout : se dépasser ? On adore aller au delà de nos limites sur scène et se surprendre entre nous mais malgré toute l’énergie et la volonté déployées, atteindre le sommet n’arrive pas forcément tout le temps… Ce n’est vraiment pas une science exacte ! (rires) On peut être en pleine forme et ne pas être exceptionnel le soir comme on peut être archi crevé parce qu’on a bu toute la nuit d’avant et être dans un tel lâcher-prise que sur scène, ce sera extraordinaire ! (rires) Il n’y aucune règle, aucune recette magique et c’est ça qui rend la chose si belle…

Aucune règle, surtout dans le jazz…

Un concert est toujours une aventure pleine de surprises et d’accidents mais c’est vrai qu’avec le jazz, c’est encore plus compliqué de prévoir quoi que ce soit ! (rires) C’est une musique qui pousse à l’improvisation et qui nous oblige, entre musiciens, à énormément nous écouter pour qu’on réussisse à se suivre et à anticiper… On a beaucoup plus d’amplitude dans la réussite des concerts puisqu’on n’a pas de machines qui envoient constamment le même son…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pendant le Festival Jazz à Berne 2019 puis en février 2020 • Photos Yann Orhan


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Interview parue dans les éditions n°412 #1, #2, #3 et #4 du mois de mars 2020

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