CONCERT

Pascal Obispo en interview et en tournée pour fêter ses 30 ans de succès sur scène !

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« Un live doit être un moment à vivre et à ressentir… » Pascal Obispo

 

 

Plus qu’un simple « faiseur de tubes », Pascal Obispo (qui les a pourtant accumulés depuis la sortie de Plus que tout au monde) fait partie de ces rares artistes qui peuvent se targuer d’avoir composé la bande-son de nos existences. Depuis 30 ans désormais, l’artiste habille en effet notre quotidien de ses notes aussi expertes que multiples… Car s’il y a bien quelque chose qu’on ne peut pas lui reprocher, c’est de jouer les cartes de la sécurité, de l’économie ou de la redite ! Tantôt intimiste au piano tantôt rockeur survolté ; âme aussi poétique que rebelle ; compositeur de comédies musicales ; coach de The Voice ; à l’origine de quelques-uns des plus grands morceaux de Johnny, Zazie et Florent Pagny… Pascal Obispo n’est pas un chanteur mais un véritable créateur qui ne s’interdit rien et qui, au fil du temps qui passe et des envies qui le traversent, dévoile une à une toutes les facettes qui le constituent. Sur scène, pour célébrer ces 3 dernières décennies passées en notre compagnie, il jette (avec ses 12 musiciens) un petit coup d’œil dans le rétro pour nous rappeler quelques bons souvenirs. Pas nostalgique pour autant, il nous a offert son nouvel album Le beau qui pleut en septembre dernier et il continue à alimenter chaque semaine son application Obispo All Access qui propose tant son propre répertoire que ses innombrables intérêts musicaux…

 

 


 

Pascal Obispo en interview pour sa tournée 30 ans de succès

interview / concert / tournée / anniversaire / chanson française / pop / rock

 


 

 

 

« C’est du vrai et pur live à l’ancienne ! » Pascal Obispo

Morgane Las Dit Peisson : On aura la joie de te voir en décembre à Montpellier, Nice, Marseille et Toulon pour ta tournée 30 ans de succès… J’imagine que ça fait plaisir de retrouver le public ?

Pascal Obispo : Ça me fait toujours plaisir d’être en tournée et de chanter, quoi qu’il arrive ! (rires) On a déjà fait une quinzaine de dates au moment où l’on se parle et c’est vrai que c’est magique d’être tous les soirs sur scène ! Et vu la façon dont ça se passe, on a un petit goût de « revenez-y » ! Avec l’équipe, on a évidemment envie de continuer à parcourir les routes pour retrouver, de ville en ville, le même accueil et la même intensité…

Sur scène, tu es sans écran et accompagné de 12 musiciens, ce qui, par rapport aux propositions actuelles, est devenu original et audacieux…

On voit aujourd’hui beaucoup de concerts avec des bandes, beaucoup de shows avec des ordinateurs et je n’avais pas envie de ça pour fêter 30 ans de scène ! D’autant plus que j’ai rencontré des musiciens extraordinaires et que je trouvais ça presque insultant de ne pas mettre en valeur ces talents-là. Sur l’application Obispo All Access, je bosse avec tellement de super techniciens et de mecs hyper doués – notamment pour les albums de jazz -, que j’aurais trouvé ça ridicule de ne pas partir en tournée avec eux. Il n’y a donc aucun ordinateur et aucune bande-son, c’est du vrai et pur live « à l’ancienne » ! C’est ce qui fait tout le charme de ces concerts et je dois reconnaître qu’on en use et on en abuse sur scène ! (rires) Il y a des solos dans tous les sens, c’est très effervescent, énergisant et le choix des chansons, que les gens connaissent – mise à part l’intro -, contribue à créer cette ambiance complètement dingue !

Pas d’écran pour rester focus sur la musique et sur l’humain…

Honnêtement, j’ai mis beaucoup d’écrans dans mes spectacles. Quand c’est arrivé, j’ai succombé à la tentation parce que c’est vrai que c’est joli et que ça permet de créer des univers bien particuliers. Je ne crache pas dessus et peut-être d’ailleurs que je m’en resservirai mais il faut reconnaître que ça attire l’attention et que de fait, ça déconcentre. 

Ça peut être un complément voire un substitut quand on n’a pas suffisamment de chansons, ça permet d’habiller le show. Mais là, j’ai trouvé qu’entre les morceaux qui accompagnent le quotidien du public depuis 30 ans et les 12 incroyables musiciens qui sont à mes côtés, on n’avait pas besoin d’autre artifice que les lumières qui sont vraiment somptueuses…

Ça ramène à l’essentiel et à ce qui t’a animé dès le début : la passion de la musique…

Complètement ! Et puis aujourd’hui on mélange tout, même une émission de radio doit être filmée ! J’avais envie de revenir à la source et d’épurer un peu la chose. Un live doit être un moment à vivre et à ressentir, pas à regarder à travers un écran. À moins que les images projetées en justifient « narrativement » la présence. Sur cette tournée, ce n’était pas l’idée. Sur la prochaine (dans un an environ), qui sera une continuité au piano – donc plus intimiste que celle-ci -, je ne sais pas encore…

 

 

Le plus compliqué, après 30 ans de succès justement, c’est sûrement de faire des choix parmi les morceaux…

Effectivement, ça a été la tâche la plus dure… D’ailleurs, quand j’ai commencé la tournée, je me suis aperçu que j’avais sélectionné beaucoup trop de titres et que le concert était trop long ! (rires) 3 heures sur scène, que ce soit pour moi, pour les musiciens ou pour le public, c’est trop ! (rires) Donc on a un peu jaugé pendant le début de la tournée pour voir ce qui était le plus efficace, ce qui plaisait le plus au public et on a tranché !

Après, je reconnais que c’est un « problème » d’enfant gâté… J’ai certes beaucoup travaillé pour en arriver là mais j’ai aussi eu énormément de chance de passer à la radio, que ça touche les gens et surtout qu’ils soient restés fidèles…

Histoire de faciliter les choses, il y a tes titres mais aussi ceux que tu as composés pour d’autres… 

J’ai voulu faire un mélange entre mon répertoire et les chansons composées pour d’autres interprètes. Cette tournée c’est plus 30 ans de compositions que 30 ans d’un chanteur… J’avoue que je me fais plaisir en interprétant Allumer le feu, L’envie d’aimer, Tu trouveras, Zen ou encore Savoir aimer. Et puis, ça nous permet de raconter aussi des petites anecdotes sympas au public.

 

« C’est important de continuer à apprécier les talents, ne jamais être blasé et rester à l’écoute… » Pascal Obispo

 

Compositeur et réalisateur aussi de l’album d’Isabelle Adjani : Adjani, Bande originale…, on est encore intimidé quand on travaille avec quelqu’un pour la 1ère fois ?

Oui, je suis toujours intimidé quand je travaille avec de nouvelles personnes, qu’elles soient ultra connues ou non. C’est une forme de respect je crois. Je suis en permanence impressionné par la qualité d’une voix ou d’une écriture, c’est ce qui me permet d’être toujours aussi appliqué, sérieux et professionnel. C’est important de continuer, malgré le temps qui passe, à apprécier les talents, ne jamais être blasé et rester à l’écoute.

J’ai par exemple travaillé sur l’album Le beau qui pleut avec Giordana Angi et Alexia Gredy de la même manière qu’avec Isabelle Adjani car si elles sont – pour le moment en tous cas -, moins connues du grand public, elles n’en sont pas moins talentueuses. Chaque interprète, que ce soit Étienne Daho, Johnny, Peter Murphy ou Akhenaton – mérite le même respect et la même attention. J’aime les artistes alors je reste curieux et surtout très admiratif.

La plateforme Obispo All Access est le reflet de cet amour pour la musique d’une part et pour les musiciens d’autre part… Et c’est d’ailleurs aussi vivant que la scène…

C’est vrai que c’est très vivant, ce support est un bain de jouvence qui me permet de faire ce que j’ai envie de faire. Je n’ai pas envie d’être limité dans ma musique et je trouve que le système industriel formaté est trop castrateur pour moi. Il oblige à prendre du temps et par rapport à tout ce que j’ai envie de faire, je n’en ai justement pas à perdre.

J’ai beaucoup d’idées en tête et aucune maison de disques ne peut me donner ce que je suis en train de faire car ça ne peut pas être économiquement viable pour elles. Je veux faire de la musique quand je veux, avec qui je veux, où je veux. Là, on a produit l’équivalent de plus de 70 albums – dont une cinquantaine est à disposition sur l’application – et toutes les semaines, on dévoile deux titres. En ce moment, on complète le quatrième album de flamenco et on s’est lancé dans une anthologie de la chanson française qui résume (presque sans exception) toutes les chansons que j’aime dans ce registre.

Il y a un parterre de plus de 800 titres que j’ai reproduit avec mes camarades musiciens. On en a tellement retravaillés qu’au rythme de 2 morceaux publiés par semaine, on a 8 ans de stock d’avance ! (rires) Il va falloir que j’accélère un peu le mouvement car il y a d’autres choses qui arrivent aussi… C’est beaucoup de travail, sans compter les 5ème et 6ème albums de jazz – des sextets instrumentaux – qui sont également prêts. 

Cette application me permet de montrer des facettes différentes de mes goûts musicaux mais aussi de partager des choses plus confidentielles avec le public comme le documentaire sur l’enregistrement de l’album Le beau qui pleut, des rencontres et des interviews. 

 

 

Tu ne t’arrêtes jamais…

Effectivement je n’arrête pas et si ça se trouve, l’industrie du disque finira même comme ça ! Les disques physiques ne se vendent plus car ils ne correspondent plus aux besoins du moment donc c’est peut-être ce genre de plateforme artisanale qui sera l’avenir de la musique. Dans nos métiers, on est face à une évolution contre laquelle on ne peut rien donc il faut affronter la question mais tant que tout sera géré par le capital, ça ne bougera pas… L‘appât du gain, du « plus » et de la consommation…

Bien sûr, il faut vivre, payer les musiciens etc. et c’est pour ça que mon appli est payante (ndlr : 5,99€ par mois sans engagement) mais par rapport à ce que je fournis dessus, le public n’est pas volé ! (rires) Je suis d’ailleurs le seul artiste à produire autant de contenu… Parmi les 70 albums dont on parlait, 54 d’entre eux ont dû être réalisés en trois ans ! C’est énorme ! Au tout début (et c’est logique), il y a parfois pu avoir une forme de suspicion, mais quand on aime la musique en général et ce que je fais en particulier, y compris mes envies et mes délires, l’application prend tout son sens !

 

« Je ne considère pas que ce soit du travail, c’est du temps que je passe à faire ce que j’aime ! » Pascal Obispo

 

C’est un travail colossal…

Ça paraît énorme mais si tu regardes bien, c’est un peu moins de 20 albums par an soit grosso modo deux albums par mois… Ce n’est pas délirant non plus… Je serais incapable d’en composer autant bien sûr, mais réorchestrer et revisiter, c’est différent. La Fantologie (ndlr : son projet de reprises de chansons françaises), le jazz, la méditation, le reggae, l’électro ou encore le flamenco représentent une immense diversité mais ne requièrent pas le même travail de fond qu’une totale création. 

Pour avoir la prétention d’espérer avoir des abonnés, il faut faire des propositions nombreuses et audacieuses sinon ils ne restent pas ! Dans la même idée, j’ai toujours trouvé scandaleux la pratique des maisons de disque qui consiste à ajouter 2 ou 3 titres (voire reprises) sur la réédition d’album pour essayer d’inciter les gens à le racheter ! C’est une grosse supercherie ! Il faut arrêter de tirer sur la corde et de prendre les gens pour des cons… C’est aussi un peu pour ça que j’ai décidé de sortir de ce système.

Quand je ferai le « repack » de Le beau qui pleut, j’y ajouterai au moins 15 titres ! Je vais recréer quelque chose pour l’occasion et pas refourguer 3 morceaux joués de la main gauche ! (rires)

Honnêtement, je ne considère pas que ce soit du travail, c’est du temps que je passe à faire ce que j’aime. Dans le mot « travail », il y a une notion de contrainte que je ne ressens pas… En revanche, je reconnais que ça demande beaucoup d’énergie !

 

 

Il est d’ailleurs question du temps qui passe dans Le beau qui pleut avec Le temps qu’il me reste (énergique et qui rappelle qu’il faut vivre pleinement) ou encore avec La belle vie qui commence (étonnamment positive pour un titre qui parle de « l’après »)…

Je ne sais pas si j’ai conscience qu’il faut « profiter » de la vie car la notion de profit n’existe que si l’on pense qu’il y a quelque chose d’autre après… Et ça… (rires) C’est en fonction des croyances de chacun… Moi j’ai plutôt le sentiment qu’il n’y aura pas grand-chose après donc je ne suis pas dans l’optique de profiter mais effectivement, j’ai en moi le besoin de faire des choses que je n’ai pas encore faites et surtout, j’ai besoin d’occuper mon temps en me faisant plaisir. C’est peut-être parce que je réalise que le temps avance vite que je fais de plus en plus de choses aujourd’hui… Je ne condense plus rien ! C’est un peu comme la multiplication des pains ! (rires) Je crois que j’ai besoin d’agir pour ne renoncer à rien. 

Il y a cette anthologie, mes albums, la tournée mais j’ai plein d’autres idées en tête et c’est ça qui compte je crois… Donc je suis obligé de tout faire en même temps si je ne veux pas passer à côté de l’œuvre que j’ai envie de réaliser. Je m’aperçois comme tout le monde que le temps passe et tant que je ne pourrais pas être cloné, je n’aurais pas d’autre choix que de me mettre à l’ouvrage. Et à côté de la création pure, il y a les tournées car c’est essentiel d’aller voir les gens et de partager des moments et des sentiments avec eux. C’est important de remplir sa fonction d’artiste même si ça fait qu’à la fin, j’ai tendance à courir un peu après le temps effectivement…

Malgré tout, tu arrives à « étirer les heures » comme tu le chantes dans Les longueurs ?

(rires) Pas tellement ! Ce ne sont que des phrases ça mais j’aimerais bien y arriver un tout petit plus de temps en temps. C’est plus un clin d’œil à ce métier et à tous ces jeunes loups qui courent après le succès… C’est rigolo à observer… Moi, mes longueurs sont dans mon studio, ce sont des longueurs de listes de chansons à superviser et à composer ! Mais c’est bien aussi ! (rires)

 

« Renier ses propres émotions, c’est renier une partie de soi » Pascal Obispo

 

 

Un titre magnifique, Le beau qui pleut, qui rappelle que la beauté et les plaisirs n’ont pas à nous être imposés et qu’on a le droit de choisir son propre chemin…

C’est un peu comme la chanson Le mur… J’estime qu’on n’a pas à nous imposer des choses, des informations, des vérités ou des points de vue. La vérité d’un enfant qui a grandi en Bretagne comme moi et qui y a vécu adolescent, ne peut pas être la même que celle d’un enfant qui a grandi à Nice ou à Marseille. La beauté pour lui, ça va être du gris, des falaises et de la pluie mais pas nécessairement un ciel bleu et un soleil éclatant.

Ces ciels chargés ne sont pas désagréables parce qu’il y a toute une construction philosophique qui s’est faite avec des gens, un environnement, de la musique, des paysages, un état d’esprit et un climat. Ça laisse des traces et c’est un point d’ancrage important dans la vie d’un être. C’est quand on se laisse influencer par d’autres pseudos normes qu’on finit par être déphasé.

 

 

Le beau est bizarre pour tout le monde de toute façon ! Ce n’est pas Baudelaire ou Christophe qui auraient dit le contraire ! Ce titre – Le beau qui pleut – est d’ailleurs un petit clin d’œil à Christophe qui était un artiste qui faisait réellement des expériences. Je suis un peu comme lui, un expérimentateur et un chercheur, donc j’ai du mal avec l’idée de me laisser imposer l’émotion que je dois ressentir. Renier ses propres émotions, c’est renier une partie de soi, de son éducation, de son passé et de sa culture… C’est comme la musique qu’on aime, c’est généralement une réminiscence de ce qu’on a aimé. Je crois profondément que la « boîte à émotions » se fabrique bien avant nos 30 ans et que ce sont réellement nos enfances et nos adolescences qui nous façonnent… 

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / décembre 2023

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