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INTERVIEW

Mathias Malzieu Dionysos en interview

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D’une gourmandise de vivre frôlant l’extrême, Mathias Malzieu ne peut s’empêcher de célébrer une existence qu’il sait fragile, en la vivant de la manière la plus intense qui soit. En proie à une imagination débordante qu’il n’a aucune envie d’essayer de dompter, celui que le public a découvert dans la peau du chanteur de Dionysos il y a 25 ans est apparu, au fil des années, non pas comme une « simple » voix mais un véritable créateur ! Évoluant entre concerts, albums, écriture, long-métrages, clips et documentaires, Mathias Malzieu rappelle combien il est important d’accomplir ses rêves et ses envies sans restriction. Alors qu’en février sortait son tout dernier roman Une sirène à Paris ainsi qu’un morceau éponyme, qu’était diffusé sur Arte Norvège, l’appel du merveilleux – retraçant sa traversée du pays en skateboard -, qu’il travaille en ce moment à un nouveau film, qu’il court les salons du livre tout en préparant la prochaine tournée du groupe, le « raconteur » d’histoires qui réussit à embarquer n’importe quel adulte dans des univers imaginaires tout en les rendant crédibles n’a pas pu résister à l’appel de la scène avant même que le nouvel album de Dionysos ne sorte…


« Je suis dans l’ultra-vie tout le temps ! »


MORGANE LAS DIT PEISSON : Le concert aux Nuits Carrées s’inscrit en dehors d’une tournée classique…

Mathias Malzieu : Le nouvel album est prêt mais n’étant pas encore sorti, on ne présentera pas le spectacle tel qu’il partira en tournée. Ça va être l’occasion de commencer à jouer quelques nouveaux morceaux mais aussi, évidemment, des anciens. Je vois ça comme pré-tour ! (rires) J’ai hâte car on n’avait plus fait de festivals depuis des années. C’est un vrai plaisir de se confronter à un public éclectique qui ne vient pas nécessairement pour nous…

C’est excitant d’avoir à séduire un public ?

Oui, ça rappelle un peu l’enjeu des débuts et c’est pour ça que jouer en tournée classique et en festival occasionne deux enjeux différents. D’un côté, on ressent une terrible exigence quand on est devant notre public parce qu’on sait qu’il attend quelque chose de particulier, qu’il n’est jamais acquis et qu’on ne veut surtout pas le décevoir… De l’autre, on se retrouve face à une partie du public qui parfois nous découvre et qu’il nous faut effectivement conquérir comme au premier jour du groupe ! En festival, il y a donc ceux qui ne viennent que pour nous, d’autres qui ont vaguement entendu un single et d’autres encore qui s’en foutent royalement, c’est le jeu ! (rires) Je trouve ça plutôt vivifiant !

Comme au début mais après 25 ans de carrière…

Les années passent très vite mais en termes de désir et d’esprit, il n’y a pas d’énorme différence avec ce que je ressentais 25 ans auparavant… Certainement grâce au fait qu’on ne s’interdise rien, on a tous des projets indépendants qu’ils soient musicaux, littéraires ou cinématographiques donc quand on revient vers Dionysos, ce n’est jamais par obligation mais uniquement par envie. Et puis, toute cette petite galaxie créative qui tourne autour du groupe est très ludique et enrichissante ! Dionysos se nourrit constamment de toutes nos expériences individuelles…

Ne s’obliger à aucun rythme de sorties d’albums permet d’avoir de vrais projets…

Jouer machinalement serait horrible ! Pour moi, il n’y a rien de pire que ça, je déteste ça, que ce soit sur scène ou dans la vie ! C’est le truc qui me fait sortir de mes gonds le plus facilement, surtout depuis mon histoire de greffe de moelle osseuse. Je ne supporte plus les gens qui font les choses en mode automatique, sans véritable implication… Ça fait bateau de dire ça mais la vie est trop courte pour ne pas être vécue pleinement !

Après la maladie on ressent une urgence de vivre et de créer encore plus forte ?

Ça a vraiment été mon cas ! J’ai toujours été hyperactif mais c’est vrai que la greffe a accentué ce phénomènePendant que j’étais à l’hôpital, comme prisonnier de mon corps, il a fallu que je compense et je me suis encore plus servi de mon imagination qu’avant parce que je n’avais plus que ça…

Un sportif qui prépare un marathon souffre pendant ses entraînements mais il produit des endorphines qui lui enseigne le goût de l’effort. Ça devient tellement savoureux qu’ensuite, on a besoin de reproduire cet effort là. Quand je suis sorti de l’hôpital, ça a été pareil, j’ai eu encore plus besoin de cet investissement créatif qu’avant pour garder mon nouvel équilibre.

La maladie, ça change la vision qu’on a des choses… Il y a un sentiment de renaissance un peu particulier et d’urgence en effet. Je ne veux et ne peux pas perdre une seconde, je suis dans « l’ultra vie » tout le temps ! C’est un peu épuisant pour mes proches mais je ne peux pas m’empêcher d’enchaîner les promos, les festivals du livre, la création des clips ou encore les repérages pour mon prochain long-métrage tout en préparant l’esthétique du prochain album ! (rires) C’est hyper dense mais c’est joyeux ! Et chaque jour qui passe, j’ai conscience du privilège fou que j’ai d’avoir cette passion qui m’anime !

On oublie souvent la chance qu’on a d’être tout simplement en vie…

C’est certain, les petits tracas quotidiens nous font oublier qu’être en vie et en bonne santé n’est pas un acquis. « Grâce » à l’expérience de la maladie, c’est devenu une évidence pour moi mais ça a évidemment du bon et du moins bon ! (rires) Je vis intensément, parfois même un peu trop, au point de me faire bouffer par moi-même… Avoir l’imagination en perpétuelle effervescence apporte autant de joie que de travail et donc de fatigue… Mais ça me rend très heureux…

Un imaginaire surdéveloppé qui rejoint toujours la réalité…

Pour moi l’imaginaire n’est pas un pays ou une île isolée, c’est au contraire quelque chose de très impliqué dans le réel. Ce sont les tractations et les liens entre l’imaginaire et le réel qui m’intéressent. N’être que dans l’imaginaire serait une fuite totale et ça ne m’intéresse pas ni en tant que créateur ni en tant que lecteur ou spectateur. Pour que des chansons, des livres ou des films me plaisent, ils doivent m’apporter des rêves supplémentaires, pas pour oublier la réalité, mais pour l’enrichir et la sublimer. Un produit qui photocopie exactement le « vrai » ne m’a jamais impressionné…

Une sirène à Paris est le titre du dernier roman, du premier morceau de l’album et sera le sujet d’un film…

Tout vient petit à petit, c’est un fil que je déroule… En réalité, je ne pars jamais d’un plan bien établi, je tombe amoureux d’une idée qui devient une histoire, une histoire que j’écris et qui a, ou non d’ailleurs, différentes vies… Pour Une sirène à Paris, j’avais au départ imaginé que mon personnage – Gaspard – chantait des reprises de Johnny Cash avant de me dire qu’il pouvait tout aussi bien jouer ses propres créations. Je me suis donc mis à écrire une ou deux chansons puis tout un album avec des morceaux qui seraient plus anciens que l’histoire racontée dans le livre et qui donc me serviraient à fabriquer l’identité de ce personnage.

C’est toujours comme si je remontais une chasse au trésor que je me serais fabriquée moi-même au fur et à mesure ! (rires) Les chansons m’ont donné des atmosphères qui ont pénétré le livre et qui ont généré des images que j’ai envie de visualiser dans un film… Tout se nourrit en permanence, il n’y a pas qu’une seule entrée.

J’ai toujours fonctionné comme ça même quand, il y a 15 ans, je n’écrivais pas encore de livres car je crois qu’avant toute chose, ce qui me porte, c’est d’inventer des histoires avec leur côté art brut, leur réalisme et leur mystère. Je ne mets pas au point de plans marketing pour créer un concept ou un univers, tout se dessine naturellement. J’ai besoin que ce que je propose au public soit honnête pour bien le défendre ensuite…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson au Festival du Livre de Nice • Photos droits réservés & Flora Doin


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Interview parue dans les éditions n°404 #1, #2, #3 et #4 du mois de juin 2019

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