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INTERVIEW

Les Crevettes Pailletées en interview

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Invitée pour monter les marches du Festival de Cannes, l’équipe du film « Les Crevettes Pailletées » – sorti en mai dernier – a pu pleinement savourer un succès que ni le nombre d’entrées ni les critiques dithyrambiques ne sauraient démentir ! Imaginé par les réalisateurs Maxime Govare et Cédric Le Gallo, ce long-métrage s’inspire en partie d’une histoire vécue par ce dernier… Membre de la véritable équipe de water-polo LGBT dont le titre du film a été tiré, celui-ci a décidé de plonger les spectateurs dans l’intimité de huit joueurs qui vont par obligation accepter d’être coachés par un champion de natation épinglé pour propos homophobes… Tapant sur la bien-pensance, le politiquement correct et les idées reçues, « Les Crevettes Pailletées » a eu l’intelligence et la finesse de ne pas être une oeuvre manichéenne tout en rappelant que si l’on doit encore se battre aujourd’hui pour être tous égaux, on ne doit jamais oublier que notre plus grande richesse est d’être tous différents les uns des autres.

 

 

LES CREVETTES PAILLETÉES

avec Nicolas GOB, DAVID BAÏOT, Michaël Abiteboul

en salles depuis le 08 mai

 


« Ça demande un véritable courage de vivre en s’assumant pleinement… »


MORGANE LAS DIT PEISSON : Une première fois au Festival de Cannes…

DAVID BAÏOT : Je suis ravi, c’est hyper gratifiant de pouvoir faire une montée des marches avec toute l’équipe du film, c’est une très belle première fois ! Ce n’est pas une finalité en soi et on peut survivre sans passer par ce tapis rouge mais pour nous, comédiens, c’est un peu comme un rêve… On est aux côtés des plus grands acteurs et réalisateurs alors ça donne l’impression d’avoir gravi quelques échelons… (rires)

Le film Les Crevettes Pailletées vous amène à passer du temps ensemble…

DAVID : Bien que ça fasse quasiment un an que le film a été tourné, on s’est aperçu, grâce à la période de promo, que les liens qu’on avait tissés pendant le tournage étaient restés intacts…

NICOLAS GOB : Je dirais même que le fait de se retrouver dans un cadre moins axé sur le travail les a renforcés. Et puis le succès du film rend ces moments encore plus beaux ! On a le smile tout le temps ! (rires) 

MICHAËL ABITEBOUL : On ne peut qu’être heureux et détendus surtout qu’on a tendance à l’oublier maintenant que c’est passé, mais le tournage a tout de même été complexe. On en rigole maintenant mais ça a été une véritable aventure… On était neuf tout le temps dans le cadre avec deux réalisateurs qui n’étaient pas – c’est logique – toujours pleinement d’accord, donc même si ça ne se voit pas à l’image, ça n’a pas été « que » marrant ! L’air de rien, ça a été un sérieux travail… (rires)

Dès la lecture du scenario, vous aviez imaginé ce résultat ?

DAVID : On ne sait jamais, au cinéma, ce que ça va vraiment rendre quand on tourne mais vu le scenario, on ne pouvait qu’avoir confiance…

NICOLAS : L’inquiétude, c’est en effet que le résultat ne soit pas fidèle à ce qui nous avait séduit à la lecture, mais avec Les crevettes pailletées, très franchement, il n’y a eu aucune déception !

MICHAËL : Certains passages ont même dépassé nos espérances… On a eu des intuitions à la lecture et puis, en jouant, on s’est parfois retrouvés à être bouffés par des peurs et des appéhensions. Mais, quand on a découvert le film, la sincérité, les choix, les contraintes et les petits défauts avec lesquels il a été façonné en ont fait un petit bijou.

NICOLAS : C’est ça qui est magnifique avec ce film… Ce n’est pas le film le mieux fait du monde avec des moyens financiers extraordinaires mais il est tellement vrai et sincère qu’il en est touchant, même dans ses petites maladresses…

 

Une histoire basée sur celle de Cédric Le Gallo, l’un des réalisateurs…

NICOLAS : On aurait pu craindre de le décevoir en interprétant les personnages d’une histoire qui lui est personnelle mais ça ne s’est pas produit car il a été très axé sur le travail pendant le tournage. C’est maintenant que tout est fini qu’on découvre en lui quelque chose de beaucoup plus touchant et intime.

Une préparation particulière…

MICHAËL : Il a fallu tatonner un peu au niveau du jeu pour ne jamais être dans le trop ou le pas assez mais le plus singulier, ça a en effet été toute la préparation que nos rôles ont exigée ! On ne vivra certainement une telle expérience qu’une seule fois dans nos carrières… 

DAVID : On a eu six mois d’entraînement au water-polo avec les vraies « crevettes », on a travaillé la natation, on a dû apprendre à danser alors ça nous a sortis de notre zone de confort ! (rires) Ça nous a vraiment éclaté car on n’a pas fait que « jouer » dans le film, on l’a préparé et on s’est investi pour pouvoir entrer rapidement dans la peau de nos personnages.

NICOLAS : Bien sûr la préparation physique a été essentielle mais en dehors de ça, j’avoue que je n’aime pas tellement trop intellectualiser le pourquoi du comment on donne vie à un personnage… On ne rend pas toujours hommage, on ne s’approprie pas toujours un rôle, parfois, on s’amuse à jouer, tout simplement… Il ne faut pas évincer l’instinct car il est, selon moi, essentiel dans ce métier ! Je fonctionne beaucoup comme ça, j’observe et je lâche prise…

Un film qui, s’il défend évidemment la communauté LGBT, n’est pas manichéen…

NICOLAS : Exactement, mon personnage – le coach -, se fait épingler pour propos homophobes à cause d’une phrase malheureuse mais les réalisateurs ont eu l’intelligence de ne pas en faire une caricature. Il a été maladroit mais n’est pas un homophobe décérébré ! (rires) Et ce n’est pas non plus parce qu’il fait une belle carrière, qu’il est hétéro et père de famille que sa vie est idéale !

MICHAËL : C’est en ça que ce film est très intelligent car il ne part pas dans des excès et surtout, il n’épargne personne. Il n’y a pas les bons d’un côté et les méchants de l’autre et il rappelle que les incompréhensions peuvent venir de toute part. Un homo n’est pas automatiquement plus tolérant qu’un hétéro, on le voit avec le personnage de Joël qui juge, dans un premier temps, Mathias sans le connaître quand il débarque dans le vestiaire pour entraîner l’équipe ou encore quand il rejette Fred qui est transsexuel. Ce film est très juste car il a su ne pas tomber dans les éternels poncifs…

Des personnages qui, à travers un road trip et un but commun, évoluent…

NICOLAS : Les crevettes pailletées c’est vraiment l’histoire de cheminements personnels, ils vont tous apprendre d’eux-mêmes, des autres et de cette expérience qui, à un moment donné, les fait tous aller dans le même sens… C’est un véritable parcours initiatique qui fait partir des hommes pétris de certitudes qui vont s’effondrer les unes après les autres au fur et à mesure du voyage. Ça paraît basique comme ça mais c’est bien de se rappeler de temps en temps qu’apprendre de l’autre, c’est s’endormir un peu moins con…

DAVID : Le voyage est un catalyseur, c’est souvent quand on est un peu « coincés » les uns avec les autres qu’on s’aperçoit des vrais traits de caractère de chacun… Tout se retrouve exacerbé dans ce contexte alors évidemment, nos personnages n’en ressortent pas indemnes…

Un film sur l’acceptation des autres mais aussi de soi… 

NICOLAS : Exactement ! Et souvent l’un ne va pas sans l’autre… Si on ne s’accepte pas soi-même tel que l’on est, je ne crois pas qu’on soit en mesure de le faire avec les gens qui nous entourent. 

MICHAËL : Il y a « s’accepter » mais aussi, avant ça, se comprendre soi-même, découvrir qui l’on est… Le personnage de Fred, transsexuel assumé, est le symbole de l’acceptation ultime et face à lui, il y a Vincent qui, plein d’innocence et de questions, réalise qu’il est homosexuel et prend la mesure de ce nouvel horizon qui se dessine devant lui…

NICOLAS : C’est un film qui rassemble autour de la différence. On se trompe si on croit que l’on est tous pareils car on est tous différents et c’est ce qui fait la richesse de notre espèce. Dans notre société, ça demande un véritable courage de vivre en s’assumant pleinement sans se préoccuper du regard de l’autre et ceux qui y arrivent, pour parler vulgairement, ont plus de couilles que les autres ! (rires) Romain Brau, qui incarne Fred, est juste exceptionnel quand il débarque en robe quelque part… Je ne m’accepte pas autant qu’il s’accepte lui-même, je suis hyper admiratif de ça…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson au Festival de Cannes 2019 • Photos Thibault Grabherr & Carolina Jaramillo


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Interview parue dans les éditions n°404 #1, #2, #3 et #4 du mois de juin 2019

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