INTERVIEW

Jérôme Commandeur en interview

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C’est après avoir occupé son temps à tourner dans des films, à réaliser son premier long-métrage, à travailler ses chroniques pour Europe 1, à participer au retour du Burger Quiz ou encore à présenter les Césars, que Jérôme Commandeur – environ cinq ans après la fin de son premier seul en scène intitulé Jérome Commandeur se fait discret -, a décidé de revenir sur les planches Tout en douceur… Nourri d’expériences multiples et variées donc mais toujours aussi passionné par le one-man, les personnages et les gens présents dans la salle, l’humoriste – plus piquant que jamais -, devrait s’adonner à une petite étude sociétale aussi savoureuse qu’étrangement bienveillante… 

 

 


« Un spectacle est un petit moment de traviole qui nous autorise à lâcher prise sans conséquence… »


MORGANE LAS DIT PEISSON Un second spectacle se travaille différemment d’un premier…

JÉRÔME COMMANDEUR : C’est vrai que j’ai l’impression que ce sont presque deux activités différentes ! Un premier one-man est en général quelque chose qui n’est pas complètement abouti dès sa création… On attend le chaland dans de petits cafés-théâtres, on essaye de séduire une production et de se faire quelques relations alors on a le temps de reprendre régulièrement son ouvrage… Pour le second, entre la radio et les tournages, j’ai par contre été « obligé » d’être plus rapide ! (rires) 

L’expérience aide aussi à être plus efficace…

Exactement ! Travailler chez Europe 1 a été une formation de luxe car, pendant huit ans, j’ai dû écrire des milliers de sketchs alors, quand je me suis installé devant ma page blanche pour Tout en douceur, l’expérience de la radio s’est immédiatement faite ressentir ! Même si je me suis éloigné de la scène pendant cinq ans, j’ai exercé mon esprit, comme un sportif, sans relâche et ça me sert en permanence.

Étudier l’actu a nourri ce nouveau spectacle ?

Énormément car l’actualité m’a permis de « ressentir » l’air du temps et de sonder l’humeur du moment… Elle est très dure, clivante et violente alors ça se ressent indéniablement dans ce nouveau spectacle…

Donc le titre Tout en douceur est mensonger…

Ce n’est pas faux, tout n’est pas vraiment tendre ! (rires) J’ai également choisi ce titre car c’est un spectacle qui, comme l’air du temps justement, est un peu nostalgique… D’ailleurs sur l’affiche, je me suis amusé à reproduire la pub pour la lessive Woolite qu’avait faite Isabelle Adjani dans les années 80 ! (rires) Et puis, j’ai trouvé intéressant de partir sur ce champ lexical du cocooning, de la bienveillance et de la rondeur qui tranche à la fois avec ce qui se fait en général et avec les propos souvent un peu durs et cash du spectacle…

Sur scène, on peut tout se permettre…

C’est vraiment le seul endroit où l’on peut tout se permettre. Il n’y a pas de média, pas de réseaux sociaux, pas de montage, il n’y a aucun filtre entre le public et l’humoriste et j’ai la sensation que, dans une époque de suspicion généralisée et de politiquement correct outrancier, c’est plus que jamais nécessaire ! Coluche, Le Luron ou Desproges ne défendaient aucune revendication politique, ils proposaient juste un énorme charivari ! Quand Coluche s’en prenait aux arabes, aux flics, aux belges ou aux femmes moches, c’était un humour de gamin et on sentait immédiatement que c’était du second degré. C’est ça que j’aime et à mes yeux, c’est ça un spectacle, c’est ce petit moment de traviole qui nous autorise à lâcher prise sans conséquence… 

On peut aller jusqu’à évoquer la mort en faisant hurler de rire…

Ce qui compte c’est de trouver le bon axe pour rendre drôle le sujet le plus banal ou le plus triste qui soit… C’est amusant que vous parliez de la mort car c’est un « univers » dont les codes – crémation, enterrement ou pompes funèbres – m’ont toujours fasciné, peut-être à cause du mystère qu’ils renferment… On parle souvent du rire comme exutoire mais je crois, surtout sur des sujets comme celui-ci, qu’il peut devenir une réelle protection voire même, parfois, une béquille ou une aide pour se relever.

Bien que la scène revienne, le cinéma restera présent…

J’y ai vraiment pris goût alors tant que j’aurai la chance de pouvoir faire des films qui m’amusent, je continuerai ! Cette année sortira le premier film de Michel Denisot, Toute ressemblance, dans lequel je joue avec Franck Dubosc et qui dévoilera les coulisses du monde impitoyable de la télévision un peu comme 99 francs le faisait avec l’univers de la pub. C’est vraiment l’histoire de la splendeur et de la décadence d’un présentateur star de JT. Ce sont des métiers qui ont leurs codes, leurs dérives et le meilleur conseil à suivre, c’est de ne jamais les goûter de trop près pour ne pas se laisser abîmer… Il ne faut pas oublier de rester soi-même et je n’ai pas honte de dire que quand je sors de scène, j’aime m’installer, comme tout le monde, devant la télé avec mon plaid ! (rires) L’erreur à ne pas commettre, c’est de s’imaginer que parce qu’on fait de la radio, du cinéma ou de la scène, on est différent des autres… On est ni plus ni moins qu’un artisan qui crée un modèle de chaussures dans son arrière-boutique !

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Sébastien Vincent


Interview parue dans les éditions n°400 #1, #2 et #3 du mois de février 2019

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