COUPS DE COEUR

Jake Dennis champion du monde de Formule E en interview pour l’E-Prix de Monaco

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« Monaco fait rêver tous les pilotes ! » Jake Dennis

 

 

Jake Dennis, champion du monde en titre de Formule E avec l’équipe Avalanche Andretti, nous a accordé de son précieux temps entre les 16 courses dispersées aux quatre coins du monde et qui composent le championnat. Avec des bolides de plus en plus perfectionnés et rapides, rivalisant sans complexe avec la F1, la Formule E est une catégorie à part qui se court principalement en milieu urbain sur des circuits exigeants. La voiture du pilote devrait d’ailleurs bientôt laisser de la gomme sur celui de la Principauté puisque le 7ème Monaco E-Prix s’y disputera le 27 avril prochain. Il nous a expliqué avec la gentillesse qui le caractérise comment il appréhende les manches et le travail d’équipe d’une écurie qui lui est si chère ainsi que les particularités de la toute jeune catégorie reine du monoplace en 100% électrique, dont la première saison a vu le jour il y a tout juste 10 ans.

 

 


 

Jake Dennis, champion du monde de Formule E

interview / course automobile / sport

 


Delphine Goby O’Brien : Tu as commencé par les monoplaces avant de passer à la Formule E…

Jake Dennis : J’ai commencé avec les monoplaces à 15 ans mais je savais déjà que je voulais en faire ma profession ! Mon père courait aussi mais c’était un hobby, le week-end. Quand j’ai eu 8 ans, il a commencé à me montrer comment piloter. Nous courions ensemble jusqu’à ce que j’obtienne un sponsor qui m’a accompagné pendant 10 ans, avant que je devienne professionnel. Je ne venais pas d’une famille aisée, donc ça a été une véritable chance ! J’ai mis un pied dans la Formule E parce que je me suis retrouvé « au bon endroit, au bon moment ». Bien sûr, tu dois être doué dans ce que tu fais, mais tu dois aussi savoir saisir les opportunités. C’est ce qui s’est produit pour moi… J’ai fait du simulateur, des essais sur circuit et on m’a fait confiance pour une saison. Tu as beau être talentueux, si tu n’es pas vu par les bonnes personnes, tu ne sors jamais du lot…

 

 

Comment gères-tu l’avant course ?

C’est un travail acharné, qui demande beaucoup de préparation. Nous effectuons toujours des essais sur simulateur, en règle générale le lundi ou le mardi, avant de nous rendre, le mercredi, sur l’événement. Pour la course qui aura lieu à Monaco le 27 avril, ce sera pareil. On essaie toujours de garder la même routine et le même rythme, surtout quand ça marche plutôt bien ! Et puis, il faut être le plus en forme possible car certaines courses sont plus éprouvantes que d’autres.

À Rome, cette année par exemple, il faisait environ 37° ! C’est pourquoi la préparation est si importante. Il faut évidemment avoir une bonne condition physique bien que pour gagner, il ne soit pas nécessairement obligatoire d’être le gars le plus sportif. Tant que tu as une bonne endurance, ça fonctionne… Mais la victoire va bien évidemment dépendre également de tes compétences et de ta voiture !

Il y a un autre facteur à prendre en compte, le stress. Je ne redoute pas de m’installer au volant mais je ne peux pas m’empêcher de me mettre, depuis toujours, une énorme pression sur les épaules. Qu’il s’agisse de la 1ère course de l’année ou de la dernière qui se déroule à Londres, c’est toujours à peu près le même ressenti. Au fil de ma carrière, j’ai appris à mieux gérer mais bizarrement, je trouve que c’est une bonne pression, qui me permet d’être plus performant. D’ailleurs, lorsque la course dé-bute, je ne suis plus du tout nerveux mais ultra concentré sur ce que j’ai à faire !

 

 

Les circuits de Formule E…

Les circuits sont majoritairement urbains et temporaires mais nous nous dirigeons de plus en plus vers des circuits plus traditionnels comme ceux que l’on peut voir en Formule 1. Cette saison, trois ne sont pas situés en ville et c’est plutôt chouette d’avoir cette variété. Le cœur et l’âme de la Formule E restent évidemment les circuits urbains – et je n’aimerais pas perdre ce genre de sensation – mais, nos voitures étant maintenant de plus en plus rapides, courir sur de grands circuits comme Portland, Misano et Berlin, a fini par s’imposer.

En ville, c’est technique et complexe comme par exemple à Tokyo – dont le parcours est extrêmement serré, sinueux et ne laisse aucune place à l’erreur – ou encore à Monaco qui, de surcroît, est l’un des circuits les plus rapides. Celui-ci nous permet d’avoir des opportunités de dépassements et de courses entre les murs, ce que nous adorons tous ! Et si la course n’est peut-être pas plus difficile que les autres, je pense que l’évènement en lui-même est très spécial… Nous avons fait un podium la saison dernière et j’espère vraiment qu’on fera encore mieux cette fois-ci, car Monaco fait rêver tous les pilotes !

 

 

Les particularités des courses de Formule E ?

Une grande particularité de notre catégorie, c’est le mode attaque. Durant la course, par deux fois, nous sortons de la piste et passons à travers trois boucles qui nous donnent une augmentation de puissance pendant quatre minutes. C’est très excitant car ça nous offre une occasion unique de dépassement mais aussi d’adaptation de la stratégie.

La vitesse de pointe que nous avons maintenant en formule E est incroyablement élevée. Si nous avions l’adhérence et la puissance, l’accélération serait supérieure à celle de la Formule 1  ! Mais pour le moment, puisqu’afin de réduire notre impact sur l’environnement en réduisant le poids du fret et la quantité de nos déchets, nous n’avons à notre disposition qu’un seul type de pneus mixtes (qui peuvent à la fois rouler sur piste humide, mouillée et sèche), nous n’atteignons pas encore les performances que l’on souhaiterait.

 

 

 

Est-ce plus dur de piloter quand on n’entend pas le moteur ?

J’ai conduit avec le bruit des moteurs de mes 8 ans (au karting) à mes 24 ans. Alors c’est vrai qu’en passant à la Formule E, ça m’a semblé étonnant au début car je n’entendais plus que le vent ! J’en avais alors parlé à un autre pilote qui m’avait expliqué que ça prenait un peu de temps pour s’y habituer !

En revanche, quand on entre en collision avec un mur ou une autre voiture, le son est impressionnant  ! Dans d’autres catégories, on entendra toujours le moteur qui masquera les dégâts ! Mais en Formule E, si vous heurtez quelque chose, ça fait un bruit fou, voire inquiétant ! Désormais, je m’y suis totalement habitué et c’est le fait d’entendre un moteur traditionnel et une boîte de vitesses qui ne me semble plus naturel du tout !

 

 

La Formule E est-elle une vitrine pour l’énergie verte ?

Le plus grand atout de la Formule E est qu’elle sera, sur le long terme, durable et à bilan carbone zéro. C’est ce que nous essayons de promouvoir. Elle a beaucoup évolué depuis la 1ère saison où les voitures étaient certes « vertes » mais très lentes. Maintenant elles sont incroyablement rapides et les pilotes, vraiment extraordinaires. C’est d’ailleurs la deuxième meilleure catégorie après la Formule 1 !

Participer à ce développement me passionne. La Formule E est une catégorie qui n’en est qu’à sa dixième saison et qui a seulement gagné en popularité ces six ou sept dernières années. Il est évident qu’en Formule 1 nous nous dirigeons vers cette voie électrique bien que celle-ci passera certainement d’abord par l’hybride. Il faudra encore plusieurs années avant que le 100% électrique ne se fasse sa place dans cette catégorie, mais j’aimerais vraiment pouvoir le voir pendant ma carrière de pilote. C’est un projet réellement passionnant auquel j’aime participer.

 

 

L’équipe joue un rôle important dans la préparation de ta voiture…

Oh que oui ! Contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est définitivement un sport d’équipe. Jamais je ne dirais que j’ai gagné tout seul. Nous gagnons (et perdons) ensemble et avons pour habitude de reconnaître mutuellement nos erreurs. Nous travaillons main dans la main depuis quatre ans et nous avons appris à nous apprivoiser. L’ambiance est excellente chez Andretti race team !

Cette année à Misano (le 13 avril), l’équipe va par exemple essayer de faire une charge rapide. C’est à dire que vous entrez dans les stands à mi-course et chargez pendant 30 secondes, ce qui devrait fournir à la voiture suffisamment d’énergie pour terminer des courses, à l’avenir, plus longues.

Cela change totalement la dynamique parce que jusqu’alors, une course de Formule E se faisait de bout en bout, sans recharge. Cette innovation apportera un nouveau souffle à la course. La Formule E progresse constamment avec l’avancée technologique et l’amélioration des connaissances sur les batteries. C’est un sujet véritablement passionnant mais vaste. Voilà pourquoi je compte sur mon équipe pour comprendre et maîtriser cette partie technique tandis que de mon côté, je me concentre « simplement » sur mon rôle de pilote !

 

 

Être champion du monde…

C’était un moment incroyable à vivre ! Le fait d’avoir ma famille à mes côtés à Londres pour la dernière course de la saison et de remporter la victoire en étant le 1er Britannique à l’obtenir, a été merveilleux. Et le plus génial après autant de travail acharné, c’est d’avoir pu célébrer tout ça avec l’équipe ! Depuis que j’ai rejoint la Formule E, mon objectif était de devenir champion. Ce n’est pas arrivé du jour au lendemain bien évidemment, mais vu le résultat, je ne regrette rien !

©Propos recueillis par Delphine Goby O’Brien pour Le Mensuel / Consultant : Robin Laroche / Photos Adam Pigott, Francois Asal, Jamie Sheldrick, Wiebke Langebeck / mars 2024

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