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INTERVIEW

Guillaume Sentou en interview

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Depuis un an et demi, Guillaume Sentou – que l’on avait découvert dans le duo comique Garnier et Sentou – incarne sur scène, non pas Cyrano de Bergerac mais son auteur Edmond Rostand au moment même de la naissance de cette pièce désormais devenue un classique. Imaginée par Alexis Michalik, cette comédie théâtrale récompensée par 5 Molières l’an passé – dont celui de la Révélation masculine pour le comédien dont le travail corporel n’est pas sans rappeler celui de Louis de Funès ou de Charlie Chaplin – a séduit le « métier » tout autant qu’un public présent en masse sur chaque date de tournée…


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Guillaume Sentou dans « Edmond » à Monaco les 18 & 19 avril, à Fréjus le 20 avril, à Cannes le 22 avril, à Salon de Provence le 05 mai

à Ramatuelle le 01 août 2018

 


« Je crois que je n’aurais pas pu rêver meilleur rôle ! »


Morgane Las Dit Peisson : La pièce Edmond semble connaître une tournée intense…

Guillaume Sentou : Elle est même colossale ! Je crois d’ailleurs qu’on est au maximum de ce qu’un humain peut faire ! (rires) Edmond est un marathon de tous les instants au point qu’on est chez nous au maximum 24 heures par semaine en ce moment… Alors pour tenir le choc, on a chacun nos petits secrets mais c’est essentiel d’avoir une hygiène de vie – corporelle et mentale -, optimale. Je me suis mis dans une dynamique presque monacale, à table je m’interdis le moindre alcool, je privilégie le sommeil plutôt que les sorties… L’exemple du marathon colle assez bien à cette aventure car on avance ville après ville, pas après pas, sans regarder où se situe la ligne d’arrivée pour éviter de tomber ! (rires) Comme un sportif, on doit apprendre à jauger son énergie pour ne jamais dépasser nos propres limites.

La comparaison avec les sportifs rappelle qu’un acteur n’est pas qu’un cerveau et une voix…

À mes yeux, le travail du corps est aussi – si ce n’est plus – important que celui de l’apprentissage du texte… C’est d’ailleurs par cette étape que je débute toute création de personnage. En France, c’est vrai que la richesse de notre culture et de nos textes nous pousse inconsciemment à mettre davantage l’accent sur les mots alors qu’on le voit dans la vie de tous les jours, l’un ne va pas sans l’autre, il y a ce qu’on dit et ce qu’on ne dit pas mais qui se voit. Qu’on court dans tous les sens comme avec Edmond ou que le jeu soit plus ténu, il y a une véritable partie charnelle à mettre en scène, d’où le terme d’incarnation…

Il faut devenir pleinement cet « autre » tout en étant véritablement sincère…

(rires) C’est un équilibre instable je le reconnais ! Je crois que quand on joue, on prête notre vérité individuelle – à laquelle on croit dur comme fer – à un personnage mis en situation grâce à l’imagination d’une tierce personne. Plus un comédien prend de l’expérience et de l’essence, plus il se connaît et sait en amont s’il sera en mesure d’apporter sa part de vérité à un personnage. Beaucoup préfèrent d’ailleurs refuser des rôles magnifiques pour éviter d’être « faux ». Quand on est enfant, on joue « pour de faux » et quand ça devient notre métier, on fait exactement l’inverse, on joue à y croire, on ne ment plus.

Edmond accueille 12 comédiens…

C’est devenu extrêmement rare de vivre une expérience de troupe comme celle-ci pour – en grande partie -, des raisons économiques, alors on savoure chaque jour notre chance. Et puis, ce qui est particulièrement agréable avec cette pièce, c’est que chaque rôle est bien servi. J’ai le privilège d’être le rôle « titre » et de ne quasiment pas quitter le plateau, mais chaque comédien a son moment bien à lui car l’auteur, Alexis Michalik, a réellement mis sur pied une pièce chorale et c’est peut-être pour ça qu’il y a une telle conscience professionnelle et un tel engagement au sein de cette troupe. 

Cette pièce est un genre de biopic théâtral…

Edmond raconte la genèse de Cyrano de Bergerac et je trouve très plaisant que ça assouvisse un peu le fantasme que l’on a de la création… Avec cette pièce, on est plongés dans les coulisses de la naissance d’un des plus grands textes de notre patrimoine sans pour autant que ça ressemble à un documentaire. C’est une comédie qui s’amuse de la légende et qui transforme les hasards de la vie en évènements extraordinaires.

Vous êtes Edmond Rostand…

Je crois que je n’aurais pas pu rêver meilleur rôle ! J’ai lu plusieurs biographies mais aussi ce qu’il avait écrit avant et après Cyrano car souvent, les hommes se cachent un peu derrière leurs oeuvres. J’ai voulu essayer de découvrir qui était cet homme dont tout le monde connaît le nom, pour trouver ses failles et réussir ainsi à humaniser le génie littéraire. Et puis à ça, il a fallu ajouter la vision « comique », rythmée et physqiue qu’Alexis en avait. D’ailleurs, pour le coup, je suis beaucoup plus sportif qu’Edmond Rostand n’a pu l’être… (rires) Il était plutôt du genre neurasthénique, chétif voire même un peu taciturne alors il a fallu trouver un mi-parcours où toutes les vérités pouvaient se rencontrer…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Mary Brown


Interview parue dans les éditions n°391 #1, #2 et #3 du mois d’avril 2018

 

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