INTERVIEW

Gaspard Proust en interview

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Si les lessives ont tendance à laver plus banc que blanc, Gaspard Proust lui, va plus loin que loin… Les férus d’humour noir le savent bien, le jeune homme, sur scène, ose tout ou presque avec un flegme des plus décontenançants. À deux doigts de faire passer Stéphane Guillon, Jérémy Ferrari et Albert Dupontel pour des enfants de choeur avec son premier seul en scène, l’humoriste a choisi d’enfoncer le clou en revenant avec un Nouveau spectacle sur son terrain de jeu favori : la scène ! Véritable défouloir et peut-être dernier espace de réelle liberté, c’est sur cette scène que sous ses allures d’homme désabusé, l’artiste donne un bonheur parfois monstrueux aux gens qui font le déplacement en masse depuis qu’il a débuté sa tournée de rodage en janvier dernier. Arpentant sereinement les planches pendant une heure et demie avec pour seules armes sa voix placide et son cerveau affûté, il réussit depuis ses débuts à tenir en haleine des salles complètes sans aucun recours à de quelconques subterfuges sonores ou visuels pour nous dresser un portrait plus sociologique que politique, mais toujours implacable, sur la société d’aujourd’hui… Si Frédéric Beigbeder et lui se rejoignent sur un point, c’est certain sur ce dernier comme le prouve L’idéal dans lequel Gaspard Proust campe le rôle principal.

 

À Marseille le 07 avril 2017

À l’Opéra de Nice le 20 avril 2017

À Sanary sur Mer le 21 avril 2017

 


« Je préfère être détesté pour ce que je suisqu’être aimé pour ce que je ne suis pas »


 

Morgane Las Dit Peisson : Après cinq ans passés à tapiner avec le précédent spectacle, vous débarquez avec un Nouveau spectacle

Gaspard Proust : C’est vrai que pour le moment, le titre n’est certes pas original mais il a l’avantage d’être clair ! (rires) Par contre, il est bien évidemment voué à bouger mais je préfère attendre que le spectacle ne soit plus en gestation pour faire un choix définitif. Gaspard Proust tapine n’a pas desservi le one man mais il avait été adopté un peu à la hâte. Opter pour un titre, ce n’est en réalité pas si simple car c’est à la fois très réducteur et très visible puisque c’est la première information que le public reçoit. Pour le coup, c’est sûr que Nouveau spectacle fonctionne en l’état mais au fil des mois, il ne sera plus si nouveau…

Vous rodez ce nouveau spectacle depuis mi-janvier, qu’en pensez-vous, vous qui semblez si pointilleux et exigeant avec vous-même ?

Pour le moment, j’ai la sensation que ça se tient, que les gens sont contents, moi je m’amuse relativement mais il y a encore certains curseurs qui ne sont pas où je souhaiterais qu’ils soient… C’est vrai que j’aime peaufiner l’écriture au maximum mais même si j’estime avoir encore pas mal de choses à revoir, le public, lui, n’a pas la sensation de découvrir un spectacle inabouti. Il y a encore des textes dans les tiroirs que je ne sais pas encore bien comment intégrer et puis, grâce à la tournée, je vais me rendre compte de ce qui risque de m’ennuyer sur scène sur le long terme et qui aura donc vocation à disparaître…

L’humour est un travail de précision, d’horlogerie et ça me rappelle que sur scène, il n’y a que vous, seul, sans effets, avec un léger mouvement de jambes régulier façon métronome…

Alors depuis, je vous rassure, j’ai gagné en souplesse ! (rires) Je suis devenu un peu moins statique même si je reste dans un périmètre d’une soixantaine de centimètres carrés… La comparaison est amusante, c’est la première fois qu’on me dit ça et ce n’était pas réfléchi. Chaque soir, ma façon d’être et de me déplacer est différente mais ce qui reste inchangé depuis mes débuts, c’est le dépouillement de la mise en scène. On ne devrait normalement pas me voir traverser la scène en tyrolienne… (rires) Je sais que tous ceux qui attendent ça vont être déçus mais je me devais de jouer franc jeu en vous l’avouant… (rires)

Une absence d’effets et de surplus parce que vous ne seriez pas à l’aise avec ça ou juste pour mettre le texte en valeur ?

Je pense sincèrement qu’il y a un peu des deux. Souvent, les mises en scène ne servent qu’à payer le metteur en scène mais ne sont pas tellement utiles au spectacle et puis j’aime bien un certain type de simplicité… Je suis assez allergique à tout ce qui peut ressembler à une sorte de remplissage. Plus quelqu’un s’agite de gauche à droite sur scène au milieu d’une multitude d’accessoires, plus j’ai l’impression – en règle générale – que ça tourne à vide. Et puis, de toute façon, je ne suis pas quelqu’un de très sensible au visuel alors que je le suis à la voix mais ça, c’est vraiment personnel… La photographie est par exemple un art dont je me fous éperdument et même le cinéma, d’un certain point de vue me laisse parfois un peu hermétique…

Vous fascinez ou dérangez, ce n’est pas parfois difficile à vivre ?

Je sais que l’on dit souvent que les artistes sont en recherche d’attention, d’amour et d’affection mais franchement, je n’écris pas des choses dans ce but là… Si c’était le cas, je serais beaucoup plus attiré par le métier de comédien que par celui d’auteur. Je crois que je n’arriverais pas à monter sur scène pour dire autre chose que ce que j’ai envie de dire. Alors c’est sûr que je préfère qu’il y ait du public mais je ne cherche pas à tout prix à me faire aimer et je préfère être détesté pour ce que je suis, qu’être aimé pour ce que je ne suis pas…

Vous êtes à l’affiche de L’idéal, le dernier film de Frédéric Beigbeder…

C’est vrai que c’est déjà la deuxième fois qu’on travaille ensemble… On se comprend, on s’aime bien mais on est vraiment des contraires ! (rires) Je ne suis pas mondain du tout alors que Frédéric, lui, est partout, pourtant, malgré nos façons de vivre très opposées, on aime travailler ensemble. C’est plaisant d’échanger avec des gens intelligents qui n’ont pas un ego surdimensionné et qui savent accepter les critiques.

Vous êtes donc Octave dans cette suite de 99 francs

Oui je suis ce personnage excessif et sans limite, fêtard, mondain, qui sort avec des mannequins et prend de la coke et même si ça peut en étonner certains, il ne me ressemble pas du tout ! (rires) Ce rôle a vraiment exigé de moi un gros travail de comédien…

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© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo JF Robert

Interview parue dans Le Mensuel de juin 2016 n°371 éditions #1 et #2

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