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INTERVIEW

Fary en interview

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S’il est reconnaissable pour son look à mi-chemin entre le dandy et le hipster et si l’on se souvient de lui pour les records de vente de son premier spectacle – Fary is the new black – ou pour l’intérêt qu’il a suscité chez Netflix, Fary, sur scène ou en pleine conversation, réussit à faire oublier tout ce que l’on pensait connaître ou imaginer de lui. Simple, abordable, cultivé et curieux, c’est sa personnalité, son ouverture d’esprit et sa tolérance qui frappent instantanément dès qu’il se met à livrer sa propre vision du monde et de la vie. À travers Hexagone, son second one-man, Fary a choisi de s’interroger sur une France certes meurtrie et déchirée mais une France qu’il aime…

 

 

 


« Réussir à faire réfléchir par le rire… »


MORGANE LAS DIT PEISSON Tu sors de trois mois de dates parisiennes…

FARY : En trois mois, on a le temps d’être pris dans un rythme et de créer une sorte de routine alors il y a un spleen quand ça s’arrête… Je craignais d’ailleurs au début qu’en jouant longtemps au même endroit, cette passion ne devienne plus qu’un travail ou une simple habitude mais c’est tellement particulier d’avoir rencart, chaque soir, avec 1000 personnes qu’on ne peut pas s’en lasser ! Au contraire, quand ça s’arrête, on les cherche ! (rires) C’est pour ça que maintenant je parle autant à tout le monde, je suis en manque ! (rires) En tous cas, c’est un « mal » pour un bien puisque désormais, je vais goûter aux joies d’une tournée !

Partir en tournée, c’est rencontrer des gens et s’adapter sans cesse… 

Les rapports humains sont vraiment une priorité dans ma vie, j’aime sincèrement parler aux gens, découvrir leurs histoires alors quand je pars en tournée, je ne peux qu’être heureux ! La seule chose un peu frustrante, c’est qu’on n’a jamais le temps de découvrir réellement les villes par lesquelles on passe. On traverse la France mais on ne fait que la croiser… Sur une prochaine tournée, j’aimerais jouer dans des salles plus « intimes » plusieurs jours d’affilée et avoir l’occasion de « m’installer » un peu dans chaque ville…  

Au vu des salles que tu remplis, tu pourrais te le permettre… 

J’ai dû mal à réaliser que je vais faire le tour des Zénith et me produire par exemple à l’AccorHotels Arena devant 14700 personnes… J’ai comme l’impression d’être dans un songe ou un fantasme constant… Le nombre de spectateurs est tellement colossal que je l’ai bien retenu mais je n’arrive pas à imaginer la masse que ça représente… Déjà, jouer devant 1000 personnes, ça n’a en soi aucun sens, personne dans la vie « normale » se retrouve à devoir parler à autant de gens en même temps… Ça relève autant de la magie que de la pure inconscience ! (rires)

Dans les médias, tu es l’humoriste de tous les superlatifs…

Ça fait évidemment plaisir quand on pense du bien de ton travail mais c’est vrai que lorsque tu connais un succès avec un premier spectacle, ça te met inconsciemment la pression pour la suite et en même temps, tu entends beaucoup plus les critiques que les superlatifs ! (rires) Heureusement, avec Kader Aoun, mon metteur en scène, on s’est détaché de ça en prenant tout simplement le temps de nous lancer dans de longues conversations sur tous types de sujets et, petit à petit, j’ai fini par accoucher naturellement de ce spectacle bien que ma pire angoisse était quand même de décevoir le public… 

Une relation s’est créée avec le public…

Oui et ça donne un spectacle un peu différent du premier car, puisqu’on a déjà commencé à tisser un lien, je me permets par exemple de me livrer un peu plus. Hexagone est plus sincère et plus organique que le premier…

Hexagone est un questionnement sur notre pays mais aussi une déclaration d’amour…

Je m’interroge sur ce que signifie le fait d’appartenir à ce pays et, quand je vois le mouvement des gilets jaunes, je me dis que je ne suis pas le seul… On est dans une période où l’on se cherche… Le « français », en général, n’est pas assez fier d’être français, il s’autocritique, il manque de confiance en lui et il souffre, comme beaucoup d’autres peuples à travers le monde, d’une profonde fracture sociale… Ça incite à se poser des questions sur notre volonté et notre capacité à vivre ensemble au sein d’un même pays et d’une même culture. Il est curieux, par exemple, qu’en mettant un drapeau à ta fenêtre en dehors d’une soirée de coupe du monde, tu sois directement catalogué. C’est significatif d’un problème profond dans notre société car un drapeau est un symbole qui ne devrait pas scinder mais unir un peuple…

Et le challenge, c’est de faire rire avec ça…

En temps que stand-upper, la performance que l’on recherche avec ce type de spectacle, c’est de réussir à faire réfléchir par le rire. Le propre du stand-up c’est de trouver l’axe qui peut rendre drôle une thématique qui ne l’est pas. Souvent les gens pensent que c’est un genre d’impro « à cause » de sa forme scénique alors que c’est très écrit, précis et réfléchi. En réalité, les grandes différences entre stand-up et sketch, c’est l’absence du quatrième mur et le fait de ne pas interpréter de personnages. C’est un exercice qui oblige à proposer sur scène quelque chose de très proche de ce que l’on est et de ce que l’on pense réellement… 

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson aux Arcenaulx à Marseille • Photo droits réservés


Interview parue dans les éditions n°400 #1, #2 et #3 du mois de février 2019

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