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Faada Freddy en interview pour sa tournée et son album « Golden cages »

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« Me rapprocher de la terre a été essentiel… » Faada Freddy

 

 

En écoutant ses nouveaux titres Truth and lies ou Tables will turn, il est presque impossible, si on ne connaît pas le travail de Faada Freddy, de se douter qu’ils sont réalisés sans aucun instrument de musique. Dans la lignée de son 1er album Gospel journey, l’artiste d’origine sénégalaise a poursuivi avec le second – Golden cages paru le 1er mars – son exploration de l’interprétation organique, vocale et corporelle. Si évidemment la prouesse artistique est indéniable, le message qui se cache derrière cette intention créative est extrêmement louable… Attaché aux vraies valeurs, à la terre et aux humains que celle-ci abrite, Faada Freddy a désiré rappeler à ses congénères l’infinie puissance dont ceux-ci peuvent jouir, même sans artifice…

 

 


 

 

Faada Freddy en interview pour sa tournée et son album Golden cages

interview / concert / musique / album / tournée / vocal / a cappella 

 

 


 

 

 

Morgane Las Dit Peisson : Une nouvelle tournée mais aussi un nouvel album, Golden cages

Faada Freddy : Je suis très heureux que cet album puisse enfin sortir après des années d’absence discographique car c’est pour moi une belle occasion de montrer l’évolution de ma musique. Golden cages, comparé à Gospel journey, est beaucoup plus perfectionné et surtout, j’y ai fait un énorme travail de réalisation donc j’ai sincèrement hâte de le présenter au public ! 

Le partager, c’est le meilleur moyen de montrer que tant qu’on est vivant, tout est possible…

 

Tu parles de « pause » mais la précédente tournée a été très longue et tu ne t’es pas pour autant arrêté pendant tout ce temps…

C’est vrai que j’ai fait beaucoup de choses mais elles se voyaient moins ! (rires) Il y a eu un gros boulot d’écriture pendant le confinement et surtout, il y a eu un long temps d’observation de ce qui se passait dans le monde… Ça m’a beaucoup inspiré et influencé dans la création. D’ailleurs, l’album s’appelle Golden cages car pendant cette étrange période, j’avais la sensation qu’on était tous enfermés dans des cages dorées. 

Ce temps m’a aussi permis de repartir en tournée avec Daara J Family, le groupe de hip hop dans lequel j’ai toujours évolué mais surtout, j’ai pu faire une pause « spirituelle ». Je suis rentré au Sénégal, j’ai voyagé un peu, je suis retourné voir des cultivateurs et éleveurs, j’ai pu à nouveau marcher pieds nus avec eux dans les champs et dans les plantations, leur poser des questions sur leurs conditions de travail… Me rapprocher de la terre et m’y ressourcer, ça a été essentiel.

 

 

Prendre du temps que nos sociétés ne prennent plus et partir à la rencontre des autres, c’est aussi ça Golden cages 

Exactement, on a créé un monde censé nous faciliter l’existence et nous rendre heureux mais à force d’avoir cédé à une idéalisation du confort, on a emprisonné notre humanité, notre temps et maintenant, on emprisonne nos capacités intellectuelles avec l’intelligence artificielle. On ne bougeait plus, on ne sortait plus, on ne s’écoutait plus et on pousse le bouchon tellement loin que bientôt, on ne réfléchira plus ! Le plus effrayant, c’est que cette paresse intellectuelle se développe au niveau mondial ! Mais pendant ce temps-là, d’autres sociétés ont compris que c’était le moment de travailler leur propre intelligence. Plus on est « évolué », plus on s’abrutit alors que moins on est développé, plus on est conscient qu’il y a désormais une place à prendre. Dans cette course à l’intelligence, ce n’est pas dit que les perdants soient ceux qui étaient les plus démunis à l’origine… Des populations auxquelles on ne prête pas attention risquent fort de devenir des leaders face à ceux qui ne peuvent plus se déplacer sans demander leur chemin à Google. C’est intéressant d’observer que tout ce qu’on a imaginé dans l’espoir de gagner en liberté va finir par nous asservir complètement…

Je ne prône évidemment pas un retour en arrière mais plutôt une utilisation raisonnée de nos outils afin de continuer à entretenir notre instinct, notre santé mentale et notre santé physique.

 

Se déconnecter pour mieux se reconnecter…

C’est ce qu’il faudrait réussir à faire car on a totalement perdu en qualité d’échange à force d’avoir le nez sur nos téléphones. Les notions de famille, d’amitié, de proximité, de dignité et de loyauté sont en train de disparaître parce qu’on s’éduque avec des « machines » plutôt qu’auprès de sa famille. Internet ne connaît pas les codes de la famille, de l’honneur, de la pudeur, du respect du corps, tout est balancé sur la toile et c’est une tout autre forme d’éducation qui s’insinue.

Nos dirigeants le savent… Ils savent qu’un enfant peut avoir accès à la pornographie, à la violence, à la vulgarité car toutes les vannes sont ouvertes. À ce moment-là, l’autorité parentale qui devrait protéger l’enfant mais aussi influencer sa parole, sa sensibilité et son intelligence, est indirectement arrachée aux familles. Là, ça devient encore un autre combat à mener…

 

 

Malgré un emploi du temps chargé, tu es toujours aussi impliqué dans les droits des femmes et de l’enfance…

Je le suis toujours autant car avant d’être un artiste, je suis un être humain et j’estime que c’est important de toujours lutter pour les droits de l’Homme. C’est essentiel de parler des maux de la société ; des femmes et des enfants en particulier car la femme est la première école de l’humanité et les enfants sont notre avenir. Y faire attention c’est prendre soin de notre espèce dans sa globalité. On met beaucoup l’accent aujourd’hui sur les femmes fortes et puissantes mais il ne faut pas oublier qu’elles jouent leurs vies quand elles accouchent… On ne peut pas rester indifférent à un tel sacrifice donc je suis extrêmement reconnaissant vis-à-vis des femmes et c’est pour ça que j’ai autant besoin de m’investir pour elles… On se gargarise beaucoup mais il suffit de rentrer dans une société ou un gouvernement pour observer qu’elles ne sont toujours pas traitées sur un plan d’égalité avec les hommes. Les choses n’ont finalement pas vraiment changé car bien qu’on nous parle de liberté et de fraternité, il y a encore derrière tout ça un gros patriarcat !

 

Tu pars à la rencontre de différentes populations et vis entre le Sénégal et la France…

En réalité, je suis un citoyen du monde. Je pourrais vivre n’importe où car je vais là où la musique m’emmène et où mon cœur est au repos. Je fais des allers-retours entre la France, le Sénégal, les États-Unis et la Suisse mais partout où je vais, je me sens chez moi.

 

Un citoyen du monde avec un attachement particulier à notre pays…

Oui la France est un pays qui m’a accueilli à bras ouverts en me remettant deux médailles pour mon travail, une médaille d’honneur à Crozon et une médaille de chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres. C’est quelque chose que je n’ai jamais eu dans mon pays d’origine donc ça marque ! (rires) Au Sénégal, en revanche, j’ai reçu le cœur des gens et c’est ce qui compte le plus ! La France est le deuxième pays – après l’Angleterre – à me décerner un prix et au-delà de la récompense en elle-même, je reçois vraiment ça comme un signe d’adoption.

Je suis reconnaissant pour tous ces cadeaux que la France me fait… C’est vraiment une deuxième famille et je ne peux que lui dire merci pour ce bel accueil !

 

 

Et la France t’accueillera pour une nouvelle tournée qui passera par Istres, Puget et Le Broc en mars…

J’ai toujours hâte parce que sur scène, je suis à ma place. C’est là où je joue pleinement mon rôle en pouvant échanger avec le public et surtout, en lui donnant tout ce que je suis et tout ce que je possède : mes deux albums, ma voix, mes sentiments et mon humanité. Avoir l’occasion de pouvoir le faire sur scène, c’est une véritable bénédiction ! Je suis conscient de cette chance donc ça me pousse à aller chercher la bonne vibration et des ondes positives afin de pouvoir les redistribuer au plus grand nombre quand je suis sur scène. Il est important qu’on se donne de la force les uns les autres dans ce monde tellement troublé par des déchirures partout en Afrique, au Congo, à Gaza et même en France… Au Sénégal, la crise politique fait des morts dans la rue… On sent bien que dans nos cœurs on est divisés donc il est important de donner une petite note d’espoir dès qu’on le peut. C’est ça le rôle de l’artiste, même si c’est à petite échelle dans une salle de concert car chaque être humain a un petit rôle à jouer et ce rôle est essentiel. 

 

Pour redonner un peu de baume au cœur aux gens, tes nouveaux titres – Truth and lies, Golden cages et Tables will turn – sont parfaits ! Toujours soul mais aussi un peu pop rock, frais, rythmés, réconfortants et enjoués… Ils donnent le sourire sans être « bêtement » joyeux…

C’est magnifique d’entendre ça et du coup, c’est moi qui ai le sourire maintenant ! (rires) Ce que tu dis me touche parce que ça répond exactement à ce que je voulais faire et c’est la raison pour laquelle j’ai voulu réaliser cet album-là. On m’a proposé de travailler avec un réalisateur de grand talent mais au dernier moment, j’ai décidé de le faire moi-même parce que j’étais finalement le seul à savoir exactement ce que j’avais en tête. C’est avec un immense honneur que je présenterai cet humble petit bébé – Golden cages – au public.

 

 

Tu as tout fait, de l’écriture à la composition en passant par les arrangements et l’interprétation, bien sûr organique et vocale… Une absence de superflu qui rappelle ton côté charnel et terrien…

Comme pour la question de l’intelligence, je voulais prouver que l’humain peut se défaire de la machine et donc des instruments. L’Homme se croit dépendant des machines qu’il a lui-même créées alors que s’il les a créées, ça signifie qu’il possède en lui tout ce qu’elles sont capables de faire. J’avais envie de montrer que nous sommes un peu le microcosme du macrocosme et que tout ce qu’on voit à l’extérieur, se trouve en réalité dans notre intérieur. L’Humain est une créature merveilleuse qui comporte en lui toutes les richesses dont il a besoin…

 

Dans les vidéos postées sur YouTube, on voit cinq artistes qui t’accompagnent… 

Ils seront également avec moi en tournée car je voulais garder la même équipe. On se connaît bien, j’aime travailler avec eux donc ça permet, au fur et à mesure, de faire évoluer le concert jusqu’à ce que j’atteigne ce que j’ai en tête ! (rires)

 

 

Quand on regarde mes spectacles en début et en fin de tournée, ça n’a souvent absolument plus rien à voir ! (rires) Que ce soit au niveau des chorégraphies, du vocal ou des arrangements, j’ai besoin de tout retravailler en permanence afin de faire évoluer le live ! Pour moi, il n’y a pas de limite à l’art et travailler avec des gens avec qui on se comprend d’un simple regard permet d’aller toujours plus loin. C’est agréable d’avoir une équipe qui me suis dans mes improvisations et dans ma petite folie ! (rires)

 

Un autre aspect important du spectacle : ton look toujours soigné, classe et un peu dandy…

Merci ! (rires) Chacun ses goûts évidemment et je ne juge pas les artistes qui se présentent sur scène en jogging mais, selon mes critères, j’estime que le public mérite qu’on fasse un effort. Pour moi, c’est une question de respect vis-à-vis de lui. Il mérite du « beau » car il a fait le déplacement, il a payé sa place et peut-être fait garder ses enfants pour venir voir ton spectacle donc, tu te dois de lui présenter le meilleur de toi…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photos Omar Victor Diop / mars 2024

 

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