CINÉMA

Muriel Robin & Pierre Mazingarbe en interview pour le film « La pire mère au monde »

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« Ne pas avoir été « choisie » pendant longtemps m’a mise par terre… » Muriel Robin

 


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À l’affiche du tout 1er long-métrage de Pierre Mazingarbe, Muriel Robin y prête ses traits à Judith, greffière dans un tribunal de province. Alors qu’elle n’a plus de contact avec sa fille – une brillante substitut du procureur campée par Louise Bourgoin – depuis 15 ans, elle va être contrainte de faire équipe avec elle… Littéralement atypique, fantaisiste, hybride, surprenant et décalé, « La pire mère au monde » s’affranchit des codes en jouant les équilibristes entre film d’action, policier, comédie horrifique ou encore drame familial, tout en réussissant le pari d’offrir un résultat homogène. Dans cette folle épopée pleine de rebondissements, la comédienne se glisse dans la peau d’une femme froide et insensible jusqu’à ce qu’on obtienne quelques clefs pour la comprendre. Si la leçon à retenir est de ne jamais se fier aux apparences, elle vaut aussi pour la Muriel Robin qui – bien qu’elle ait rempli les plus grandes salles avec ses spectacles et qu’elle cartonne avec la série « Master Crimes » -, renferme en elle une femme émouvante qui doute, encore et toujours, de l’intérêt qu’on lui porte…

 

 

 


 

 

Muriel Robin & Pierre Mazingarbe en interview pour le film « La pire mère au monde »

interview / cinéma / comédie / action

  • le 24 décembre 2025 au cinéma
  • de Pierre Mazingarbe
  • avec Louise Bourgoin, Muriel Robin, Florence Loiret Caille

 

 


 

 

 

Morgane Las Dit Peisson : La rencontre…

 

Pierre Mazingarbe : Moi j’étais absolument terrorisé ! (rires) Lorsqu’on n’est pas habitué à côtoyer des célébrités, ça impressionne toujours au début. Je me rappelle d’une réplique honteuse que j’ai sortie… On aurait dit un petit teckel prétentieux ! (rires) Au moment où Muriel m’a demandé si je connaissais son travail, j’ai eu le culot de lui répondre : « et vous, vous avez vu mes courts-métrages ? »J’ai honte quand j’y repense ! (rires)

Muriel Robin : Alors que c’était déjà gagné d’avance ! (rires) Son idée m’avait plu et lui aussi… J’ai tout de suite remarqué que c’était un homme spécial et qu’il avait un véritable univers. Et puis, j’ai aimé ce que ça disait de ce rapport mère-fille, qui est peut-être un des sujets qui m’intéressera toujours le plus…

Dès qu’on entend le mot « maman », on a tous une vibration, une émotion particulière… Donc à l’idée de jouer la mère, j’étais littéralement emballée ! C’est amusant que je lui aie fait peur alors que j’étais traqueuse aussi… Je le suis constamment et je crois que c’est plutôt bon signe… Je n’ai jamais la sensation que c’est normal qu’on veuille travailler avec moi ! (rires)

En tous cas, j’ai été très séduite par le scénario, peut-être parce que Pierre vient du dessin, ça apportait une dimension différente. Il y avait déjà des croquis et j’ai très vite compris qu’il y aurait une écriture « à la caméra ». Je sentais que La pire mère au monde ne serait pas un film comme les autres…

 

 

Un film hybride, décalé et atypique qui, comme dans la vie, nous fait passer par tous les états…

 

Muriel : En fait, je le rangerais en « comédie d’auteur » et c’est aussi ça qui m’a plu. J’aime les grosses comédies, mais le temps ayant passé, j’ai besoin qu’il y ait du fond, et là, il y en a. Le fait que ce soit décalé et que ça ressemble à un petit ovni à la sortie a achevé de me convaincre !

Pierre : C’est exactement ce qu’on a cherché à faire, vous êtes la spectatrice parfaite ! (rires) Effectivement, il y a une hybridité de genres et de tons dans le film qui est, soyons honnêtes, très casse-gueule, risqué, et aussi compliqué à fabriquer qu’à financer… J’y tenais beaucoup et ça n’a été possible que grâce aux interprètes qui m’ont fait confiance, tandis que je leur proposais un 1er film et, en plus, plutôt barré ! (rires)

Maintenant, la difficulté, c’est de ne pas le laisser se faire enfermer dans une case qui fausserait l’attente du spectateur. La seule chose qui compte, c’est que la personne qui vienne le voir soit touchée…

Muriel : Ce mélange des genres était un pari très ambitieux, alors je suis d’autant plus heureuse que Pierre l’ait aussi bien réussi.

 

 

Il fallait des comédiennes capables de porter ces choix artistiques…

 

Pierre : Exactement ! Peu importe qu’on aille vers de l’horreur, du potache ou du drame, quand on a la chance de travailler avec une actrice comme Muriel, il se passe un truc, car elle a un sens du rythme inégalé. Elle maîtrise à merveille l’art de la vis comica qui lui permet de sortir les plus énormes vannes avec aplomb et sans sourciller. C’est ça qui crée un décalage incroyablement drôle !

 

Muriel, on pense à vous comme comique pour vos sketches devenus cultes, mais les rôles qu’on vous confie vous emmènent souvent ailleurs…

 

Muriel : Je n’ai jamais eu cette volonté de « montrer » que je pouvais faire autre chose que faire rire, ça aurait été vulgaire. Lorsqu’on est comédienne, on doit pouvoir se frotter à tout, surtout quand on sait faire rire, car c’est ce qu’il y a de plus difficile. Après, on est émouvante ou on ne l’est pas, on est touchante ou pas, mais c’est aux autres de le dire.

En l’occurrence, je n’attendais rien de spécial, alors quand on est venu me chercher pour Marie Besnard, l’empoisonneuse… il y a 20 ans, j’y suis allée sans aucune hésitation ! J’avais travaillé beaucoup de tragédies avec Michel Bouquet au conservatoire, donc, pour moi, c’était normal qu’on m’imagine dans des drames. Et finalement, c’est vrai qu’en tournage, on m’a beaucoup plus vue dans des choses pas drôles…

À part On ne choisit pas sa famille de Christian Clavier, j’ai tourné dans très peu de comédies. Ça peut pousser à s’interroger ! (rires) Ce qui est formidable, c’est que ça ne fait pas de moi une comédienne usée dans ce registre ! (rires)

 

 

Se sentir désirée et choisie par un réalisateur…

 

Muriel : C’est indescriptible… C’est d’ailleurs le fait de ne pas avoir été « choisie » pendant longtemps qui m’a mise par terre, qui m’a tuée… Bien qu’en réalité, j’étais blessée grièvement mais pas morte totalement. Je m’en suis relevée, mais ça m’a tout de même pris 30 ans, une grande partie de ma vie… Alors que, quand on est désirée, on a confiance en soi, la moitié du travail est faite et après, on n’a plus qu’à se laisser porter.

Être choisie, c’est être la « préférée », à un moment donné, à un instant T et ça donne des ailes. Je n’écris mon prénom qu’avec un seul L, mais quand je me sens « voulue », il en prend deux et je m’envole… Ça ne s’est pas beaucoup produit jusqu’à présent mais ce qui compte, c’est ce qui est devant.

 

 

Le rôle de Judith – la mère – permet de dévoiler vos nombreuses facettes…

 

Muriel : Oui, il est riche, extrêmement dense. Mon personnage est très dur lorsque le film commence, mais ce qui est passionnant dans ces rôles-là, c’est de découvrir ce qu’ils renferment. Il y a évidemment une explication derrière et ce sont ces profils-là qui me touchent toujours le plus. Incarner Judith m’a beaucoup plu parce que ça me permettait, d’une certaine manière, de me rapprocher de ma maman qui était très dure… Je savais ce que ça cachait alors quand je vois quelqu’un de froid ou de fermé, j’ai perpétuellement besoin de savoir ce qui s’est passé dans sa vie… C’est passionnant car il y a toujours une réponse, une raison, une clef pour découvrir ce qu’ils ont rangé bien profondément. Ce sont des personnages que je désire prendre dans mes bras, que j’aime défendre et à qui j’ai envie d’infuser un peu de mon humanité.

Je veux qu’on ne les jette pas tout de suite sans essayer de les comprendre, et c’est quand on trouve la solution pour les rendre attachants que ça devient chouette à interpréter.

 

 

C’est cette recherche et ce désir de compréhension qui fait qu’on a envie de partir en quête du rôle suivant ?

 

Muriel : En ce qui me concerne, je ne crois pas… Je ne suis pas allée de rôle en rôle puisque j’ai beaucoup joué seule un personnage assez récurrent, donc je ne sais même plus vraiment ce que je recherchais au début… Comprendre et défendre l’âme humaine, je ne pense pas… Pas par le jeu… J’ai beaucoup travaillé dessus dans ma vie, avec des gens qui m’ont éclairée à travers des lectures, entre autres, mais je n’ai pas l’impression que ce métier m’y a aidé.

Si j’ai voulu le faire, c’est bien sûr pour faire plaisir aux gens, mais c’est aussi pour qu’on me choisisse. Ce n’est pas arrivé suffisamment à mon goût, alors il m’a manqué comme un bout de moi. Mais j’ai apporté un peu de joie au public, je l’ai fait rire et ça, j’ai conscience, maintenant, que ce n’est pas rien…

 

 

Le public vous a toujours choisie, au point de remplir les plus grandes salles…

 

Muriel : Par bonheur, le public a toujours été là et j’ai une histoire magnifique avec lui ! Mais la reconnaissance du métier, c’est quelque chose quand même… Heureusement que j’ai eu Michel Bouquet qui m’a un peu adoubée, mais ce n’est pas grave tout ça, c’est passé. Ce qui compte, c’est de jouer des rôles, de jouer à être « d’autres », ça ramène à l’enfance… Je n’ai pas eu d’enfant, donc j’ai l’impression d’en être restée une moi-même… J’ai 8 ans – je crois que je ne dépasserai jamais cet âge – et j’aime jouer, tout simplement…

 

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson au Negresco de Nice pendant le festival Cinéroman pour Le Mensuel / Photo Thierry Beauvilain Ouvrard

 

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