
COUPS DE COEUR
Astrid Veillon en interview pour la tournée de « Et si on en parlait ? »
« Être à l’écoute de l’autre, c’est forcément grandir… » Astrid Veillon
20 ans après le carton de sa 1ère pièce La salle de bain, Astrid Veillon est revenue sur les planches avec ce qu’elle imaginait à l’origine devenir une suite. Si, depuis, elle n’a évidemment pas chaumé entre rôles au théâtre, tournages – on pense entre autres à la série Tandem – et écriture d’ouvrages (dont son dernier roman Pourquoi nous ?), l’auteure a désiré prendre le temps nécessaire pour façonner une comédie qui soit aussi énergique qu’émouvante et aussi réaliste que drôle. Après avoir, à l’époque, décortiqué le mal être des trentenaires, elle nous emmène – à travers Et si on en parlait ? – dans l’intimité et les préoccupations des quinquas à travers une bande d’amies d’âges, de caractères et de parcours différents. Pour représenter la femme sous toutes ses facettes, Astrid Veillon a choisi de partager la scène avec des comédiennes qu’elle admire autant pour leur sensibilité que pour leur talent : Léa François, Christine Lemler, Valérie Baurens et Célia Mocydlarz…
Astrid Veillon en interview pour la tournée de sa pièce Et si on en parlait ?
interview / théâtre / tournée / festival / comédie / partenaire
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Morgane Las Dit Peisson : Comment se sent-on moins d’une heure avant de jouer ?
Astrid Veillon : On est plutôt bien parce que ça commence à être rodé maintenant. Il n’y a que dans les 5 dernières minutes avant d’aller sur scène que l’adrénaline et l’excitation d’aller jouer montent en flèche ! (rires) Mais on vit une si belle aventure, que le stress ne se fait plus tellement sentir…
Tu t’es accordé du temps pour que cette seconde pièce soit la plus parfaite possible…
Tout a été si fluide et évident entre le moment où j’ai décidé de faire lire la pièce et celui où le projet s’est monté, que ça m’a prouvé que j’étais sur le bon chemin… Elle n’est sûrement pas parfaite et tant mieux ! C’est plus intéressant d’avoir de petites imperfections.
Ce qui est certain, c’est que je suis heureuse d’avoir réussi à créer des personnages aussi riches, vivants et puissants mais également que j’ai été chanceuse de rencontrer des comédiennes qui correspondent exactement à ce que j’avais imaginé !
Et si on en parlait ? s’inscrit dans la continuité de La salle de bain sans en être une suite…
Et pourtant, pour être tout à fait honnête, dans mon esprit, j’écrivais à l’origine la suite de La salle de bain. Puis, plusieurs choses ont fini par ne plus coller… Je savais que je ne retrouverais pas les mêmes comédiennes, donc c’était un peu dissonant et puis, quand on a commencé à vendre le spectacle, les tourneurs disaient avoir peur que, sans avoir vu la 1ère, on ne puisse pas comprendre celle-ci.
J’ai réalisé qu’on était en train de tomber dans un nid de guêpes et c’est en discutant avec l’équipe que le titre Et si on en parlait ? est sorti et que j’ai changé les prénoms de certains personnages. Mais à la base, c’était quand même la suite, dans les propos, de ma 1ère pièce. J’avais à l’époque écrit un texte sur le mal être des trentenaires, ça me semblait évident, 20 ans plus tard, d’aborder la cinquantaine…
Une pièce féminine qui ne s’adresse pas qu’aux femmes…
Je me fie beaucoup aux réactions des gens quand on va à leur rencontre après le spectacle, et ce qui ressort de cette pièce, c’est qu’elle s’adresse à tout le monde. Les femmes apprécient qu’on parle de sujets qui sont encore tabous aujourd’hui.
À travers les dialogues, il y a une espèce de libération de la parole sur des problématiques existentielles et ça leur fait du bien de savoir qu’elles ne sont pas toutes seules à affronter certaines choses. Les hommes nous remercient aussi beaucoup parce qu’ils assistent tout à coup à des échanges auxquels ils ne sont normalement pas conviés.
Mais effectivement, on n’évoque pas que des problèmes intimes, on aborde la peur de vieillir, l’usure du couple, les amitiés, ces femmes qui se sentent emprisonnées dans une histoire qui ne leur ressemble pas parce qu’elles ne trouvent pas la force de partir. On parle de celles qui n’ont absolument pas besoin de sexe, mais juste d’être aimées.
En réalité, on parle de tout et je crois que c’est ce qui fait que la pièce a autant de succès. Les gens ressortent profondément émus car, même si on rit énormément, il y a des isntants où l’on sent que les femmes sont troublées par ce qu’elles entendent… Elles se reconnaissent toutes à un moment ou à un autre.
Cette pièce, c’est vraiment un panorama des femmes dans leur généralité, dans leur intimité, dans leur globalité et dans leurs problématiques, avec humour et sensibilité.
Le choix des actrices…
Chaque cas est particulier… Par exemple, le rôle de Caroline a réellement été écrit pour Léa François que je connaissais bien pour avoir eu la chance de jouer avec elle dans la pièce Coiffure et confidences, où elle incarnait ma fille. J’ai eu un vrai coup de cœur pour cette femme, pour l’humaine qu’elle est ! En revanche, en tant que comédienne, je trouve qu’on ne l’exploite pas assez à sa juste valeur.
J’ai pensé à elle parce qu’elle a un altruisme, une générosité, une envie que tout le monde aille bien et une bienveillance qui ressemble à l’idée que j’avais du personnage.
Pour le rôle de Marie, qui est à mon avis le plus complexe, voire même le rôle principal, Valérie Baurens s’est imposée… Elle était venue faire un guest sur Tandem et je l’avais à peine croisée, donc je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi elle m’est apparue en écrivant ! Mais Marie, c’était elle et je ne me suis pas trompée car elle est absolument exceptionnelle dans la pièce !
Pour le rôle de Stella, c’est le producteur qui m’a soufflé le nom de Christine Lemler et dès que je l’ai entendu, ça a été totalement évident ! On se connait depuis une trentaine d’années et on s’est vues tellement de fois que ça a été naturel. Christine fait une Stella magnifique, elle est très à l’écoute, a toujours envie de faire au mieux, elle est généreuse, elle est belle, elle est fantastique !
Pour Célia Mocydlarz, on a fait un casting et elle n’était pas le premier choix. On était parti sur une autre nana, mais moi j’avais bien craqué sur elle.
Il y avait une espèce d’énergie, un truc animal dans son regard et je me disais que ça pouvait bien marcher pour jouer ma fille… Ça a été très vite compliqué avec le « premier choix » alors je remercie les dieux d’avoir pu prendre le « deuxième » car Célia est merveilleuse ! (rires) C’est sa première pièce, elle est d’un vrai naturel, elle est très à l’écoute, elle a envie de progresser et d’avancer.
Une belle entente qui sert la pièce…
Quand on est 5 femmes sur scène, même à l’ère de la sororité, ça peut vraiment être très très compliqué, surtout que je n’ai pas toujours un caractère facile non plus ! (rires) Je suis très exigeante, en particulier en tant qu’auteure, donc je sais que je prends beaucoup de place… Il me fallait avant tout des femmes humaines, avec le sens de la générosité et du partage, afin qu’on évite au maximum les problèmes d’ego. Sincèrement, c’est rare dans ce métier mais je les ai trouvées mes perles rares…
Avant d’être une troupe de comédiennes, on est une vraie bande de copines. Et je crois qu’au delà du texte et du jeu, c’est cette espèce de symbiose dans la relation qu’on a créée en dehors de la scène, qui fait la richesse de la pièce.
L’auteure n’est pas tentée de retoucher au texte en permanence ?
J’ai fait ce gros travail-là au moment des lectures et des répétitions. Dès que je voyais que les filles butaient sur un mot ou sur une phrase, je leur demandais leurs avis et leurs propositions. J’étais très ouverte sur ça parce que je sais à quel point c’est important, quand on est acteur, de peaufiner son personnage, sa façon de s’exprimer et de bouger. J’ai procédé de la même manière avec la metteuse en scène, Anne Bourgeois. Je n’ai pas de problème d’ego face à ça, je n’estime pas que mon texte est suffisamment parfait pour qu’on n’y touche pas une virgule ! (rires) Toutes les idées sont bonnes à prendre et être à l’écoute de l’autre, c’est forcément grandir et faire évoluer les choses.
En revanche, il y a un point sur lequel je suis extrêmement chiante et sur lequel je ne lâcherai jamais, c’est la frontière entre la comédie et le boulevard.
Je n’ai rien du tout contre le boulevard, mais j’ai l’impression que, si on bascule là-dedans, on va perdre des messages qui sont profonds et importants. En comédie, on a envie de faire rire et, quand on sait que ça marche, on est tenté d’en faire un peu plus… C’est humain mais c’est le seul aspect sur lequel je suis hyper militaire ! (rires) Je ne veux pas amener la pièce vers quelque chose que je n’ai pas écrit à la base. Mais mis à part ça, elles ont une telle maîtrise de ce qu’elles font et elles sont tellement professionnelles, que je ne peux avoir qu’une totale confiance en elles…
Une femme à la mise en scène…
J’ai choisi Anne Bourgeois parce que j’avais déjà collaboré avec elle sur Les montagnes russes avec Alain Delon et que j’avais beaucoup aimé sa façon de travailler. Elle est d’une immense finesse, d’une grande intelligence, elle a des idées bien claires et, en même temps, elle nous laisse naviguer dedans… Elle est ouverte bien qu’elle ait la diplomatie de nous ramener en douceur à ce qu’elle veut, tout en nous faisant croire que ça vient de nous ! (rires) Elle a une subtilité absolument extraordinaire, un regard féminin bien sûr, mais pas que. Elle a une masculinité très forte et c’est intéressant. Honnêtement, elle a été largement à la hauteur de ce que j’espérais. Je lui avais dit que j’avais vraiment envie qu’on casse le 4ème mur et qu’on soit presque plus dans le cinéma que dans le théâtre. Ce n’est pas vraiment ce qu’elle a l’habitude de faire, mais c’est ce qui m’avait séduit sur Les montagnes russes où elle dirigeait un des monstres sacrés du 7ème art…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson à la Salle Félix Martin de Saint-Raphaël pour Le Mensuel / Photo Stéphane Kerrad
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