
CONCERT
Thomas Dutronc en interview pour son album et sa tournée « Il n’est jamais trop tard »
« J’ai vu trop de gens fabuleux pour me permettre d’avoir la grosse tête ! » Thomas Dutronc
Après la tournée exceptionnelle Dutronc & Dutronc qui a ravi tant les fans du père que ceux du fils, Thomas est de retour sur scène avec ses morceaux lumineux, sa passion pour le live, ses fidèles amis musiciens – dont Rocky Gresset et Éric Legnini -, sa voix douce et chaleureuse, son élégance, sa simplicité et ses textes… Car, si on a tendance à louer son fameux jazz manouche et à tomber sous le charme des apports pop et chaloupés de son dernier opus, Il n’est jamais trop tard va une fois de plus au-delà de la beauté des mélodies. Avec autant de tendresse et de pudeur que d’humour et d’esprit, Thomas Dutronc explore la profondeur de ses sentiments et rappelle l’importance de profiter de chaque instant.
Thomas Dutronc en interview pour sa tournée & son album Il n’est jamais trop tard
interview / concert / tournée / festival / album
- 14 juillet 2025 / 21:00 / Les Nocturnes de la Villa / Saint-Jean-Cap-Ferrat / Villa Ephrussi de Rothschild / infos & billetterie ici !
- 21 juillet 2025 / Les Nuits de la Guitare / Patrimonio / Théâtre de Verdure (Corse) / infos & billetterie ici !
- 30 janvier 2026 / 20:30 / Fréjus / Théâtre Le Forum / infos & billetterie ici !
Morgane Las Dit Peisson : Heureux d’être de retour sur scène ?
Thomas Dutronc : On est sur les routes, ça y est, c’est reparti ! J’adore la tournée mais c’est un rythme qui est tout de même assez violent… Quand tu passes des nuits dans le bus, à l’arrivée, tu t’aperçois que tu n’as plus 30 ans ! (rires) Les 700 ou 900 bornes se font un peu plus sentir qu’avant ! (rires)
Mais ça mis de côté, c’est un bonheur total, les concerts se déroulent super bien, surtout depuis qu’on les a « allégés » ! Sur la 1ère partie de la tournée, on jouait pendant 2 heures et il faut reconnaître que c’était trop long, tant pour nous que pour le public ! (rires) Sans blague, on a gagné en énergie et en fluidité, donc c’est un vrai plaisir. On sait qu’on va regonfler ce noyau dur petit à petit, c’est plus fort que nous, mais j’ai la sensation qu’on propose en ce moment un beau spectacle…
Difficile de faire des choix dans ton répertoire…
C’est compliqué de choisir, intellectuellement, ce qu’on va garder et surtout, ce qu’on va sacrifier. Il faut se faire plaisir, embarquer le public, avoir un équilibre entre des nouveautés et des incontournables… Même en répèt’, tu ne te rends pas vraiment compte de ce que ça donnera. Il faut vivre les concerts en conditions réelles pour faire les bons choix. Certains morceaux sont beaux sur disque, on adore les écouter mais d’autres sont plus forts. J’appelle ça des missiles, des grosses cartouches, tant ils envoient ! Ceux-là, on ne sait pas toujours pourquoi, mais ils emportent instantanément tout le monde… Et ça n’arrive pas qu’avec d’anciens titres, Larguer les amours fonctionne d’enfer par exemple.
Un retour sur scène avec tes propres créations…
C’est vrai que le projet Frenchy nous a pris quand même pas mal de temps, rien qu’en organisation ! (rires) Il y avait des stars internationales comme Iggy Pop, Diana Kroll, Jeff Goldblum, Stacey Kent, Billy Gibbons de ZZ Top… Que des gens incroyables, c’était fou ! Mais ça a été long avant qu’ils disent oui, qu’on aille les voir aux États-Unis qu’on trouve du temps dans leurs plannings pour aller en studio… Puis il y a eu le Covid et ensuite, j’ai enchaîné sur la tournée avec mon père. Là aussi, il a fallu plus d’un an de travail, de répétitions, de « cherchages » et de rendez-vous ! Pour le coup, on était carrés dès les premières dates, même si on a évidemment amélioré de petites choses à chaque concert. Avec mon père, il y a forcément plus d’enjeux, donc plus de monde autour et plus de préparation… On n’allait pas lui faire perdre son temps à essayer des trucs différents tous les soirs ! (rires)
Après tout ça, j’ai eu envie de repartir « à ma manière ». Avec mon père, c’était plus crooner et très rock, tandis que là, on est sur quelque chose de plus « pop »… Si tant est que ça veuille dire quelque chose ! (rires) Tous ces mots sont généralement un peu creux…
De retour avec une équipe fidèle…
Je suis entouré de vrais instruments et de vrais musiciens ! On est 8 sur scène et il n’y a à mes côtés que des talents incroyables, c’est de la folie ! Il y a toujours Rocky et Éric Legnini dans un cadre plus pop, mais aussi une « nouvelle » recrue qui avait déjà joué avec moi il y a longtemps : Aurore Voilqué qui amène réellement, au violon, une belle énergie et un véritable partage avec le public.
Tu sembles toujours dans une dynamique de « groupe »…
Avant d’être chanteur, j’ai travaillé comme musicien – j’ai eu le bonheur d’accompagner à la rythmique Biréli Lagrène par exemple – donc je connais bien ce côté-là du métier et je ne me prends pas du tout pour une espèce de « vedette ». J’ai trop d’humilité pour ça… D’abord, je suis un grand fan de Brassens, et puis j’ai vu de près trop de gens fabuleux comme Gainsbourg, Johnny Hallyday ou mes parents pour me permettre d’avoir la grosse tête et jouer au chanteur de variété, avec un groupe à ses pieds. Tous les professionnels qui œuvrent dans l’ombre ou aux côtés d’un interprète ne sont pas des quantités négligeables…
De nouveaux morceaux et surtout de nouvelles teintes venues enrichir le jazz manouche…
C’est toujours compliqué de montrer de nouvelles choses… Je l’ai vu même chez Taratata qui, bien que ce soit la meilleure émission musicale, m’a demandé de chanter un titre récent et une reprise, alors que j’avais envie de ne faire que des nouveautés.
Le monde est dur aujourd’hui avec ceux qui veulent faire des propositions… J’essaye de varier d’une chanson à l’autre, de créer des choses différentes à chaque fois et ça me procure vraiment une émotion forte de chanter mes textes. Les premiers temps, ça donne des frissons…
Bon, maintenant, on est tellement crevés sur la route, qu’on ne se rend plus compte de rien ! (rires) Plus sérieusement, à force de les chanter, on commence à être dans le lâcher-prise et ça apporte une saveur supplémentaire.
Il n’est jamais trop tard…
Ce n’est ni nouveau, ni très compliqué, je fais juste des petites chansons avec des idées qui me viennent comme ça… D’ailleurs, au début, c’était Il est beaucoup trop tard parce qu’on était en train de l’écrire à 3h du matin ! (rires) C’est un morceau tout simple mais c’est finalement très difficile de faire simple sans tomber dans la niaiserie…
C’est une mélodie qui est assez forte, donc on ne peut pas y placer beaucoup de paroles et avoir un gros débit, alors il faut des mots pivots sur lesquels la musique change. C’était ça la complexité de ce morceau et c’est ce qui fait que je l’aime bien. Pourtant, figure-toi qu’on l’avait retiré du répertoire parce que l’arrangement qu’on avait fait – trop « summer night » – n’allait pas. C’est en acoustique qu’il a pris toute son ampleur.
Les petits bonheurs rappelle qu’on ne les voit que lorsqu’on les perd…
D’ailleurs, on l’a écrite pendant le Covid, lorsqu’on se rendait compte des petits bonheurs simples qui nous étaient enlevés. Ça a été l’idée de départ… Et puis, on a tous dans nos vies des gens malades, des proches qui souffrent ou d’autres qui ne sont plus là. On a beaucoup pensé à ça aussi…
On fait tous notre route comme on peut, et parfois on a la « chance » de devoir apprendre à ne faire face au pire que tardivement, mais malheureusement, il y a de plus en plus de gens confrontés à la mort et à la maladie très tôt…
On peut se rendre compte de la fragilité de la vie à tous les âges, à 12 ans, à 20 ans… Moi, j’en ai peut-être pris conscience un peu tard…
Ça parle de sujets profonds mais avec légèreté…
J’essaye toujours de donner un peu de joie… J’ai tellement de chance d’être avec des musiciens fantastiques et de faire un métier que j’aime, que, bien que ça ne me protège évidemment pas de tout, ça m’oblige à être positif.
Alors je tente de livrer des sentiments plus profonds tout en ne barbant pas les autres… Et en même temps, au moment où j’écris, je ne pense pas à tout ça… Quand ça sort, je ne sais pas ce que je veux faire, je ne suis pas encore une intelligence artificielle qui dose l’authenticité ! (rires) Ça vient comme ça, sans trop y réfléchir.
Toujours de l’autodérision et de l’esprit…
J’ai souvent raconté des épisodes de ma vie ou des histoires de rupture, mais de manière respectueuse, avec humour, sans rancune ni colère. Et dans ce disque, quand je me suis aperçu de la teneur des propos, j’ai tenu à ajouter des petites choses un peu marrantes par-ci par-là et quelques moments plus tendres… En fait, il y a beaucoup de tendresse dans cet album.
C’est tendre et chaleureux…
Exactement, Il n’est jamais trop tard est chaleureux et généreux grâce aux accords des guitares… Il y a un peu de machines parce qu’on a bossé avec des arrangeurs plus jeunes et ça donne un petit côté électro sur quelques titres, mais dans l’ensemble, ça reste quelque chose de très chaleureux. Je suis trop lié à la musique acoustique pour me priver de ça ! J’ai envie que ça joue, c’est organique, c’est physique…
J’adore certaines productions beaucoup plus mécaniques mais moi, je suis pleinement heureux quand je fais du jazz manouche et que je suis entouré de musiciens ! Je ne supporte pas de faire une musique surgelée ! (rires) Mais c’est difficile… On a beau y mettre tout notre cœur, notre savoir-faire et notre âme, lorsqu’on passe à l’enregistrement, ça n’a jamais la même saveur que ce qu’on peut inventer à la maison ou sur scène…
Tu parlais de l’esprit de groupe, mais le « problème », c’est qu’on n’en est pas vraiment un. Généralement, on travaille avec un réalisateur d’albums qui va appeler des musiciens, moi je vais appeler les miens en espérant qu’ils soient disponibles à ce moment-là et on va réunir tout ce petit monde. C’est très bien mais ce n’est pas comme si on jouait ensemble tout le temps… En revanche, c’est comme ça que j’aimerais de plus en plus faire mes prochains disques. Le seul souci, c’est que bosser à l’année ainsi coûte plus cher et qu’on vend de moins en moins d’albums ! (rires) Mais ce n’est pas très grave, l’essentiel c’est de faire du beau.
En parlant de faire du beau, ta voix est de plus en plus belle et assurée…
Quand je réécoute certains titres des débuts, je prends conscience de ma voix ! (rires) C’est con parce qu’il y avait des super chansons et une belle énergie, mais la voix ne suivait pas… (rires) À l’époque, je n’avais jamais vraiment chanté de ma vie et en effet, ma voix n’était pas très assurée, plus ténue… C’est là que je m’aperçois que j’ai appris à chanter avec le temps… Tu vois, « Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard… »
© Propos recueillis au Palais des Festivals de Cannes par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photo Yann Orhan
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