CINÉMA

Victoria Sio en interview pour son projet « FMLP » et le film « Aline »

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Avoir une voix est un don à apprivoiser…  Après avoir fair ses armes dans les plus grandes salles de l’Hexagone comme interprète dans Le Roi Soleil et Les Trois Mousquetaires, enregistré la B.O. de la série Heroes ou encore prêté sa voix à Valérie Lemercier pour son film hommage à Céline Dion – Aline – ; Victoria Sio a décidé de se mettre à nu dans un projet personnel et solo, au propre comme au figuré. Fruit de tous les sacrifices, les difficultés et les joies que l’autoproduction peut engendrer mais aussi de toutes ces années d’expériences et de découvertes, FMLP – tel un autoportrait -, reflète toutes les facettes d’une artiste qui n’a pas à choisir entre la douceur d’un piano et l’énergie de l’electro !


 

🎵 Victoria Sio « FMLP », nouvel EP à la rentrée 2021

🎬 Voix chantée du film « Aline » de Valerie Lemercier au cinéma le 10 novembre 2021

 


« Ce projet, je l’ai rêvé, je l’ai travaillé sans relâche… »


 

Morgane Las Dit Peisson : Tu viens tout juste de sortir FMLP

Victoria Sio : J’avais hâte que ce titre sorte ! C’est une période tellement compliquée qu’elle nous oblige à tout remettre constamment en question ! Ça en devient usant… Pour nous, artistes, rien n’est particulièrement facile déjà en temps normal mais avec le chamboulement du Covid, on est dans le flou permanent et, à force de décaler sa sortie, ça m’a rendue vraiment impatiente !

 

Tu fais toujours les choses avec plaisir, sans t’infliger de barrières et ça se ressent dans ce titre hybride…

Tu as bien cerné le truc parce que c’est vrai que je ne regrette pas ce que j’ai fait dans le passé. Ça m’a énormément appris et ça m’a permis d’avoir une communauté fidèle qui me suit sur les réseaux sociaux mais malheureusement, on nous met encore trop souvent dans des cases… Là où on m’a vue naître sur scène – dans Le Roi Soleil ou dans Les Trois Mousquetaires -, je campais des rôles, j’incarnais des personnages donc j’ai chanté des chansons qui n’étaient pas les miennes, qui ne faisaient pas nécessairement partie de mon registre. Ça a aussi été le cas avec la BO de Heroes et ça le sera avec celle du film Aline de Valérie Lemercier. Aujourd’hui, je me présente en moi, Victoria, et je viens avec mon projet, mes compos et mon style. Ça ne veut pas dire que je renie quoi que ce soit mais juste que pour la première fois, je m’exprime à travers mes mots…

Piano, electro, de la voix et un phrasé presque parlé…

FMLP c’est une scène d’ouverture, une carte de visite… Je voulais qu’il y ait un peu toutes mes facettes, que ça explique qui je suis et que ça ne déçoive pas non plus les gens qui me suivent depuis des années. Il y a la voix que les « anciens » connaissent et un style musical qui, j’espère, séduira les nouveaux ! Avec ce titre, on a vraiment joué la carte de ce grand écart entre les envolées vocales et une interprétation plus moderne, plus punchy, avec de l’electro et du phrasé plus urbain.

 

Tu es le « résultat » de ton parcours et sans toutes tes expériences, FMLP n’existerait très certainement pas…

C’est complètement ça ! Si je m’étais lancée toute jeune dans un projet perso, j’aurais suivi une autre voie et je n’aurais pas tout ce bagage derrière moi… Les comédies musicales ont été une expérience complètement dingue de travail, de rencontres, de rigueur, de sensations et d’émotions ! Sur Le Roi Soleil, j’étais un chromosome d’à peine 18 ans, je découvrais tout juste la vie et la musique alors j’aurais été incapable à l’époque de savoir ce que j’avais l’intention de « proposer » en tant qu’artiste solo ! (rires) Ça m’a appris à travailler avec sérieux, à être capable de chanter tous les soirs, à jouer des personnages, à travailler en équipe et ça m’a permis de faire mes premiers pas sur scène devant des milliers de personnes de tous âges à chaque représentation ! Ça a été une formation extraordinaire…

Preuve qu’il faut du temps pour se trouver, une quinzaine d’années auront été nécessaires…

C’est vrai qu’on a tous tendance à se précipiter parce qu’on veut que ça fonctionne rapidement, on a peur de passer à côté de certaines occasions mais un artiste se façonne petit à petit, au fil du temps… Et puis, mon problème à moi, c’est que j’aime presque tout chanter ! (rires) Je vais autant m’éclater avec du Piaf que du Orelsan et ça, finalement, c’est un souci car aujourd’hui un artiste ne doit pas seulement savoir bien chanter, il doit proposer un personnage, une entité et un univers visuel qui racontent une histoire : la sienne.

Je me suis rendu compte que même si j’aimais certains projets, il fallait que j’arrête d’aller vers des choses qui n’étaient pas réellement moi… Ce n’est pas parce que je suis une fille et parce que j’ai incarné Anne d’Autriche que je suis obligée de mettre des robes et des talons mais les gens ont cette image de moi ! (rires) Personnellement, je me sens beaucoup mieux avec un sweat et des baskets mais c’est compliqué de l’afficher tout à coup quand tu as habitué le public à autre chose… Tu as peur qu’il se détourne de toi mais tu ne veux plus non plus faire semblant… Ce projet n’est pas uniquement musical, il est avant tout le fruit d’un travail et d’un cheminement personnel… Certains ont la chance de se trouver très tôt et pour d’autres, comme moi, ça prend plus de temps, il n’y a aucune règle mais par contre, il y a le bon moment… Celui qu’on ne peut pas prévoir mais qui donne l’impression que tout à coup, toutes les planètes se sont alignées…

Je suis consciente que FMLP peut surprendre mais je suis convaincue que c’est là-dedans que je me sens le mieux puisque je ne m’y travestis pas…

C’est compliqué de faire abstraction de tout ça quand on écrit et qu’on compose…

J’ai construit ce projet en me forçant chaque jour à essayer de ne plus me comparer aux autres. C’est humain mais inconsciemment, ça nous restreint et ça nous enferme dans des cases… Ce n’est qu’en s’obligeant à faire l’impasse sur ce que tu t’imagines qu’on peut attendre de toi, que les choses se débloquent et que tu arrives parfois à écrire un titre en une journée ! C’est la loi de l’attraction, quand tu es positif, tu attires du positif.

 

Un projet en autoproduction…

Ce projet, je l’ai rêvé, je l’ai voulu, je l’ai travaillé sans relâche et surtout, j’y ai cru ! Je me suis battue pour qu’il existe, j’ai monté ma boîte de production et je l’ai fait toute seule, sans label. C’est une liberté qui est géniale parce que tu peux tout choisir ! Je voulais absolument travailler avec Mosimann parce que je ne voyais personne d’autre que lui pour ce projet et j’ai pu le faire, j’ai pu choisir mon équipe digitale, mon équipe de promo, le visuel de la pochette, le scénario du clip… C’est la première fois que je suis aux manettes de tout – et même si c’est beaucoup de taf et de sacrifices -, c’est hyper satisfaisant ! Être artiste aujourd’hui, ce n’est définitivement plus savoir uniquement chanter, il faut gérer les réseaux sociaux, savoir se prendre en photo ou encore maîtriser un peu les montages mais j’aime le fait d’apprendre, de toucher un peu tout et de contrôler mon business. C’est un véritable investissement autant financier que physique et personnel…

 

Le milieu musical est celui qui a le plus évolué, les codes ont changé. Un EP peut être un projet à part entière, il ne précède plus nécessairement la sortie d’un album d’une dizaine de titres que l’on va écouter sur une chaîne hifi…

La musique se « consomme » différemment aujourd’hui ! Notre génération a vu passer le vinyle, la K7 qu’on rembobinait au doigt, le CD et le MP3 jusqu’à arriver aux plateformes… On n’écoute plus nécessairement un CD dans son intégralité sur un lecteur mais on se fait des playlists qui peuvent comporter des milliers de titres ! L’attention n’est plus la même, la « concurrence » est plus importante donc il est essentiel que les codes changent et qu’on ne s’oblige plus à rester dans le format de l’album à 12 titres.

Les artistes ont dû s’habituer aussi à l’arrivée des réseaux sociaux et, comme tu le dis dans ton titre FMLP, aux « rageux sur Twitter »…

Je pense que quand on décide de faire ce métier, il faut accepter ça aussi, ça fait partie du gameQuand on choisit de s’exposer, ou en tout cas, d’exposer son travail, il faut admettre de recevoir les bons commentaires comme les mauvais. Après, en toute franchise, ce n’est pas toujours facile ! Avec mon caractère, la moindre critique ou méchanceté peut me faire ruminer pendant un mois et me faire oublier tous les autres compliments pourtant magnifiques ! (rires) Ce que je propose est tellement sincère et personnel que mes réactions peuvent parfois être décuplées si je suis blessée… Et FMLP est vraiment né à cause de ça… Un soir, je suis rentrée chez moi après une journée de merde où j’avais eu la sensation de me prendre plein d’uppercuts en pleine tête de tous les côtés. Tu sais, toutes ces petites agressions du quotidien, ces petites contrariétés qui, accumulées, te donnent envie d’hurler ou de pleurer ! (rires) J’ai alors appelé mon auteur – Dobriski – et on venait grosso modo de passer la même journée pourrie ! (rires) Ça nous a donné l’idée d’écrire une chanson sur ce thème-là qui est complètement universel ! On a tous envie de dire à un moment ou à un autre : « foutez-moi la paix » non pas pour râler mais pour avoir une trêve qui nous permette de rester positif ! La méchanceté et la bêtise ont toujours existé mais avec les réseaux sociaux, on assiste parfois un déchaînement et c’est en effet un nouveau comportement assez violent qu’il faut apprendre à prendre en compte si on ne veut pas s’effondrer… Cette chanson, elle est destinée à tous les gens qui, comme moi, prônent le positif, la paix et la tolérance !

 

Un projet à écouter maintenant et peut-être à découvrir sur scène un jour…

J’adore le processus de création et d’enregistrement en studio mais je vis pour la scène ! C’est là où je me sens bien, vraie, vivante et où je peux déconner avec le public, l’entendre, le voir, le sentir… Ça a un effet boomerang que tu ne retrouves nulle part ailleurs. Pendant le confinement j’ai essayé de faire des petits live mais ça n’a strictement rien à voir avec un concert, c’est hyper frustrant ! J’ai hâte de pouvoir revivre ça mais avec la période que l’on est en train de vivre, je sais que monter une tournée va être compliqué. Tu ne peux rien programmer, tu cales des dates et deux mois plus tard, elles se retrouvent annulées à cause d’un nouveau confinement ! Et encore, j’estime que j’ai de la chance car mon projet vient tout juste de sortir. D’autres artistes comme Hoshi attendent depuis plus d’un an de pouvoir défendre leur album sur scène…

Et en dehors de ton projet, on pourra t’écouter dans le film Aline de Valérie Lemercier dont la sortie est décalée au 10 novembre 2021… Une évocation de Céline Dion mais pas une imitation…

Le directeur de casting m’a demandé de coller le plus possible aux chansons de Céline Dion et, à force d’aller travailler en studio avec Valérie et le reste de l’équipe mais aussi de m’imprégner de l’histoire du film, j’ai fini par trouver « la » voix. Ça a été un travail passionnant et hyper enrichissant car Valérie Lemercier m’a réellement coachée comme une actrice et m’a aidé à trouver une vraie voix pour Aline. Il fallait qu’on comprenne que c’était une histoire inspirée de la vie de Céline Dion, qu’on retrouve ses chansons sans les dénaturer mais traiter Aline comme une artiste à part entière, avec sa propre identité vocale. De toute façon, il est littéralement impossible de chanter comme Céline Dion ! (rires) J’ai trouvé ce traitement intelligent parce qu’on respecte la chanteuse et on ne froisse pas ses fans. Céline Dion est vivante, unique, elle a ses tics, ses mimiques et sa gestuelle, elle seule peut réunir tout ça.

Un enregistrement, j’imagine, assez particulier…

J’ai enregistré toutes les chansons en studio exactement dans les mêmes conditions qu’un doublage lambda. Valérie Lemercier, elle, a tourné le film en faisant des playbacks sur les versions originales de Céline Dion donc, il a fallu que je trouve une identité à Aline sans jamais m’éloigner de Céline, tout en collant au « labial » de Valérie mais aussi à son jeu. Parfois, elle chantait sur scène mais parfois a capella, ou en courant, ou en chuchotant quand Céline avait des problèmes de cordes vocales ou même en se brossant les dents ! Pour cette scène où elle chante dans sa salle de bain par exemple, j’ai dû moi aussi me mettre une brosse à dent dans la bouche pour trouver le bon chuintement ! (rires) Ça a été un exercice prenant et enrichissant qui a dépassé le simple fait de devoir chanter. Il fallait vraiment que Valérie et moi ne fassions qu’une afin qu’au rendu, ce soit plausible.

 

Et ce n’est pas évident non plus de toucher à du Céline Dion…

Non, psychologiquement ce n’est pas facile de s’attaquer à un tel monument ! Qu’on aime écouter ses chansons ou non, qu’on aime brailler en voiture par-dessus ou non (rires), on est obligé d’admettre que cette nana a un don et un savoir-faire assez extraordinaires ! Dès que tu t’y attaques, tu t’aperçois qu’il y a une musicalité, une technique et une précision hors norme, c’est assez dingue !

Et au-delà du travail de la voix, celui de Valérie Lemercier a réellement été exceptionnel ! Je crois d’ailleurs que c’est la première fois que je la vois comme ça… Il y a de l’humour bien sûr, mais aussi un profond respect et énormément d’émotion dans son jeu… Je l’ai vraiment découverte autrement dans Aline.

Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photos par Elliot Aubin


Interview parue dans Le Mensuel n°420 de mai 2021

 

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