INTERVIEW

Tom Leeb en interview

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À force d’avoir vécu au plus près d’un homme pour qui choisir n’a jamais été une option, Tom Leeb a tout naturellement grandi sans barrières artistiques ni préjugés… Acteur adolescent aux côtés de son père dans la pièce Madame Doubtfire puis comédien dans la série Sous le soleil de Saint-Tropez avant de s’illustrer dans Edmond – le long-métrage d’Alexis Michalik – en campant le rôle d’un Léo sans qui Cyrano de Bergerac n’aurait jamais vu le jour ; le jeune homme d’à peine trente ans a également eu le temps de faire ses armes – en compagnie de son compère et ami Kevin Levy – dans un exercice aussi jouissif qu’implacable : l’humour ! Et si Kevin et Tom se sont façonnés un univers loufoque, absurde et cartoonesque sur les planches, ça n’a pas empêché Tom Leeb de dévoiler une autre de ces facettes en septembre dernier… Romantique, nostalgique et sensible, son premier album de ballades folk – Recollection – et sa voix envoûtante ont d’ailleurs suffit à convaincre la France qu’il était le candidat idéal pour défendre ses couleurs le 16 mai prochain devant des dizaines de millions de téléspectateurs à l’occasion du mythique concours de l’Eurovision !

TOM LEEB dans Kevin & Tom / Les Sérénissimes de l’Humour / Monaco / 21 mars / ANNULÉ EN RAISON DU COVID-19

Eurovision avec The best of me / en direct sur France 2 / 16 mai / ANNULÉ EN RAISON DU COVID-19 / Tom Leeb pourra représenter la France en 2021 mais devra changer de chanson


« Il faut assumer tout ce qu’on fait… »


MORGANE LAS DIT PEISSON : Tu vis une période heureuse mais chargée…

TOM LEEB : Tu as tapé dans le mille ! (rires) Je suis incroyablement heureux de tout ce qui m’arrive mais je suis également ravi d’avoir un calendrier à plusieurs couleurs pour m’aider à y voir plus clair ! (rires) La clef pour ne pas se noyer, c’est l’organisation !

Guitare, chant, cinéma, humour, rien ne semble te résister…

Et pourtant, il y a tellement de choses encore que je ne sais pas faire ! (rires) Ça a l’air impressionnant dit comme ça mais en réalité, ça n’a rien d’extraordinaire et je n’ai rien inventé… Ce sont simplement des façons différentes de m’exprimer qui ont l’immense avantage de me permettre de toucher un plus large public ou en tous cas de lui laisser le choix de se divertir en me suivant dans telle ou telle autre aventure…

Faire un choix, ce serait s’amputer d’une partie de soi…

Exactement, si on me demandait de choisir demain entre le chant ou la comédie, ce serait comme demander à un père de renier un de ses enfants ! J’aime passionnément jouer de la musique, j’adore faire rire, j’aime intensément incarner des personnages alors même si en France – quoique ce soit en train de changer – on a tendance à ranger les artistes dans des cases, je serais incapable de faire un choix entre tout ça !

Ton père, Michel Leeb, n’est certainement pas étranger à cet éclectisme…

C’est même lui qui m’a tout donné y compris ce désir d’aller vers la découverte, l’expérience et l’exploration artistique… Il m’a mis dans les oreilles autant de musique que de spectacles comiques, il m’a inculqué la culture du cinéma… Avec mes soeurs, il nous a nourri à l’éclectisme, ne nous a jamais enfermés ou influencés et au contraire, il nous a laissés nous ouvrir au monde qui nous entourait. Je me rappelle qu’à 7 ans, je me mettais dans les coulisses, derrière le rideau et je dévorais des yeux mon père en train de faire des imitations, des accents, se mettre à chanter, faire rire mais aussi aller vers l’émotion avec un texte de Molière… C’était dingue de le voir réussir à embarquer les gens, en un peu plus d’une heure, dans tous les univers qu’il aimait ! Impossible, après avoir vécu ça d’aussi près de se dire qu’il est impossible de dévoiler différentes facettes de soi au public ! (rires)

Il est un papa fier…

Oui, aussi fier qu’un père garagiste qui voit son fils reprendre le flambeau en faisant perdurer son nom… Il est rassuré aussi de savoir que j’ai la chance de travailler en étant ultra heureux et épanoui. Il est aux anges car il connaît mieux que personne toutes les difficultés de ce métier… On dépend toujours des autres, de leur besoin, de leur désir, de la mode du moment et d’une sorte d’alignement inexplicable des planètes ! Quand je vois le génie de certains artistes qui n’arrivent pas à percer, c’est bien la preuve qu’il y a un indéniable facteur chance dans tout ça…

D’où le duo humoristique Kevin & Tom…

Il n’y a rien de plus ingrat qu’un casting où l’on va être trop vieux, trop grand ou pas assez blond mais ça fait partie du métier alors pour ne pas être continuellement sujet à ce « jugement », il faut essayer d’être dans la création pour se donner soi-même l’opportunité de jouer et de ne pas être malheureux toute sa vie. J’en ai vraiment pris conscience grâce à Kevin… C’est lui qui a motivé ça en moi, qui m’a poussé vers l’écriture et qui m’a dit qu’il fallait qu’on tienne les rennes de nos carrières, qu’on soit les vrais décisionnaires de ce qui nous arrive ! On a écrit, on a joué, on a pris d’énormes bides (rires), des plaisirs monstrueux et ce métier n’est fait que de ça… D’incertitudes, de désirs, de dépassement de soi… Chaque soir, on remet son titre en jeu, c’est vertigineux mais exaltant !

Un duo c’est un binôme, une symbiose…

C’est encore plus que ça ! (rires) C’est une admiration pour l’autre, une complicité à l’état extrême, c’est avoir envie que l’autre fasse rire plus que soi et qu’il décroche le Graal  pour que le binôme fonctionne ! Tous les duos qui ont explosé en plein vol sont ceux qui ont, à un moment donné, laissé parler leur ego en essayant de prendre l’ascendant sur l’autre. Une association, quelle qu’elle soit, doit ressembler à une relation amoureuse où l’on ne souhaite que le meilleur à l’autre. Plus Kevin fait rire et plus il part dans des délires d’improvisation, plus il m’embarque, plus j’ai envie de le rejoindre et plus je me dépasse aussi ! C’est un cercle vertueux…

Être humoriste, c’est aussi ne pas avoir peur de s’enlaidir ou d’être ridicule et ça n’empêche pas de chanter…

Exactement ! Je crois profondément que le public se moque royalement des barrières que les médias tentent d’imposer. À un moment il tombe sur le chanteur un peu beau gosse qui chante une chanson d’amour et à un autre, il tombera – ou non – sur l’humoriste qui se déforme le visage et qui a un rôle de benêt ! (rires) Soit il aime les deux, soit aucun, soit uniquement l’un des deux mais il ne passe pas son temps à se poser des questions sur ma petite personne ou à analyser si c’est judicieux de faire rire tout en allant représenter la France à l’Eurovision ! (rires)

Peu importe ce que l’on choisit de proposer au public, il faut le faire avec la plus grande sincérité possible et surtout il faut assumer tout ce qu’on fait, ensuite ça passe ou ça casse, les gens adhèrent ou non mais l’important, c’est de ne pas se censurer…

Un 1er album sorti en septembre, Recollection, tout en anglais…

C’est vraiment le style musical qui a imposé cette langue… Depuis que je suis petit, j’écoute des albums d’artistes anglo-saxons à la maison et quand mon père nous emmenait à l’école le matin, il ne mettait pas la radio mais du Frank Sinatra ou du Quincy Jones ! (rires) J’ai baigné là-dedans puis je suis allé vivre quelques années aux États-Unis où je suis tombé amoureux de la folk ! C’est la musique de l’américain en désespérance, à la recherche d’un amour perdu et qu’on imagine assis en tailleur sur le sable, chantant au coin du feu ! (rires) L’anglais est vraiment une langue qui colle à la peau de cette musique là et pour l’instant, en français, j’ai la sensation que ça ne sonne pas ou que ça sonne, au contraire, trop « variété ».

Un album qui parle d’amour et de souvenirs…

Recollection a réellement été une thérapie qui m’a permis d’évacuer tout ce que j’avais vécu aux États-Unis pendant cinq ans et surtout cette rupture amoureuse avec une américaine que j’avais énormément aimée…

Une pochette d’album pleine d’espoir puisque tu regardes vers l’avant…

Il y a plein de choses dans cette photo… Le rendu est apaisant pourtant, la montagne et l’eau sont des éléments qui ont souvent fait périr l’humain… Ils sont, comme l’amour, synonymes de beauté, de force, de sérénité et de dangerosité car quand on tombe éperdument amoureux, on est séduit par une promesse de bonheur qui peut nous conduire à notre perte… C’est un risque qu’on ne peut pas s’empêcher de courir, c’est dans notre ADN alors ce qui compte, en effet, c’est ce regard, c’est cette volonté d’aller de l’avant, vers la lumière et de se relever à chaque fois. C’est vraiment cette thérapie que j’ai essayé d’exprimer en image…

Tu vas représenter la France à l’Eurovision avec The Best in me

Je ne me rends pas bien compte de l’énormité de la chose et je crois que c’est tant mieux ! (rires) Dans ma tête, l’Eurovision est une immense soirée de plaisir en musique et j’espère que ça restera comme ça le 16 mai afin que j’en profite au maximum ! Ça a beau être un projet colossal, on ne fait qu’y chanter, on n’y sauve pas des vies ! (rires) Je ne veux surtout pas céder à un quelconque stress alors je ne regarde pas ce que les autres pays proposent, je ne me sens pas en mode « compétition », j’essaye juste de me concentrer sur le plaisir de faire ce que j’aime, c’est à dire chanter. Représenter mon pays en musique ne m’arrivera qu’une seule fois dans ma vie donc je ne veux pas me gâcher ce moment là en étant dans l’hyper intellectualisation. Ce sera une soirée complètement folle et unique alors je veux la vivre pleinement mais en restant moi-même.

Un Eurovision qui a changé de visage ces dernières années et qui est devenu moins « latin »…

L’idéal serait évidemment de gagner ! (rires) Même si ce qui prime avant tout pour moi c’est le bonheur de vivre cette expérience, ce serait un cadeau extraordinaire que de remporter ce concours pour mon pays ! Ce ne sera pas facile car beaucoup de pays comme la Russie, la Slovénie ou l’Ukraine n’ont certainement pas les mêmes modes ou goûts musicaux que nous mais j’estime que rien n’est jamais perdu d’avance quand on fait les choses avec sincérité et en donnant le meilleur de soi. Le chanteur portugais qui a gagné il y a deux ans avec de la bossanova risquait de ne pas toucher, sur le papier, la Biélorussie ou la Lituanie et pourtant, il a su les séduire en restant authentique et singulier. Ça prouve qu’il n’y a pas de format « Eurovision » et que tout est possible jusqu’au jour J…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Arno Lam FTV


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Interview parue dans les éditions n°412 #1, #2, #3 et #4 du mois de mars 2020

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