CONCERT

Thomas Dutronc en interview et en concert au Nice Jazz Festival !

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Échanger avec Thomas Dutronc n’a pas grand-chose d’une interview… Entre conversation, confidences, projets ou souvenirs, ne pas pouvoir livrer l’intégralité de ses propos sur le magazine est un véritable crève-cœur ! Si sur le papier, on a choisi de parler principalement de la scène sur laquelle on va le revoir cet été, ici, sur le site vous pourrez découvrir son attachement à la Corse, ses débuts, son cheminement, sa passion pour la guitare, ses valeurs ou encore ses envies de monter sur scène avec son père…


 

🎟️ en concert à Bouillargues le 25 juin 2021 • à Nice au Nice Jazz Festival le 13 juillet 2021 • à Marseille au Marseille Jazz Des Cinq Continents le 16 juillet 2021

🎵  album Frenchy en vente ici !

📚 livre La méthode simple en 17 chansons pour commencer la guitare disponible ici !

 


« Quand je joue, je suis le plus heureux des hommes ! »


 

 

Morgane Las Dit Peisson : Hâte de venir enfin jouer au Nice Jazz Festival après l’annulation de l’an dernier ?

Thomas Dutronc : Je suis ravi que ça puisse enfin avoir lieu ! On avait fait un petit truc filmé à la place, c’était très sympa, à l’Observatoire, sur les hauteurs de Nice. La vue était juste magique mais ça ne peut pas remplacer un concert avec un vrai public ! Avec mon équipe, on est super contents de venir à Nice mais aussi à Marseille et à Bouillargues ! Rejouer avec des gens en chair et en os, on n’attend que ça ! (rires)

 

Une tournée complètement décalée…

Pour moi, Frenchy n’est pas du passé mais c’est un projet qui a déjà 2 ans. La tournée aurait dû se faire l’an dernier et moi j’ai continué à avancer sur mon futur album… C’est un contexte un peu inhabituel mais l’essentiel, c’est de se retrouver ! Dès qu’on va reprendre, on sera dans notre élément et ça va nous faire le plus grand bien de repartir sur les routes, de bosser, de revoir des gens ! Mais comme on est français, on dira ensuite que finalement, on était mieux à la maison ! (rires) Bon, je ne crois pas qu’on en arrivera là mais quelque chose me dit qu’on va bien sentir, physiquement, la reprise au rythme « d’avant » ! (rires) On va peut-être installer un écran géant sur scène pour se faire des petites pauses Netflix… (rires)

 

Tu m’avais dit que la scène était l’endroit où tu te sentais le plus chez toi…

Je sens que ça va me faire drôle, pendant les premières dates, de repartir à bloc sur les routes mais j’en ai viscéralement besoin ! La scène me manque tellement…J’adore ça et j’ai d’ailleurs choisi la musique pour ça ! Peu importe où je joue, tant que je suis avec des potes sur scène et des gens devant, je suis le plus heureux des hommes ! En plus, dans le Sud, quel pied ça va être ! À part les bouchons en plein cagnard, c’est tout simplement fantastique ! J’en avais d’ailleurs fait une chanson sur mon 1er album – J’suis pas d’ici avec laquelle on commence en général les concerts – pour retranscrire cette atmosphère à la fois chaude, chaleureuse et légère de soirées où tu te marres et où tu prends du bon temps… Je ne suis pas comme les gens bizarroïdes qui rêvent de se les geler, moi, mes saisons préférées sont le printemps et l’été ! (rires) En mai, juin, juillet, je suis sur un petit nuage et en août, je commence à avoir le blues parce que les jours recommencent à raccourcir et annoncer la fin de l’été… J’adore le Sud parce que le passage à l’automne est plus lent et moins brutal ! (rires)

D’où ta passion pour la Corse ?

J’y allais en vacances étant petit parce que mes parents y avaient une maison et j’ai fini par tellement aimer ça que quand j’ai pu, je me suis acheté la mienne. À l’époque, en 64, c’était Jean-Marie Périer qui leur avait conseillé de construire une maison à cet endroit où très peu de gens du continent venaient. Je devais avoir peut-être un mois la première fois où ils m’y ont emmené et ensuite, j’y ai passé tous mes étés. On allait peu à la plage quand j’étais petit parce que mes parents étaient trop connus alors je me baladais pas mal dans les collines et le maquis ou j’escaladais les rochers. À l’adolescence, j’allais à la mer avec mes copains, j’ai connu mes premières sorties en boîtes de nuit là-bas, mes premiers flirts et, au fil des années, je me suis fait de vrais amis en Corse. Et puis, on y a également fait venir vivre mon grand-père. J’avais 20 ans, j’aurais pu avoir envie de voyager ailleurs mais j’avais une telle adoration pour lui que dès que j’avais des vacances, je rentrais en Corse pour passer le plus de temps possible en sa compagnie. J’y allais été comme hiver et j’ai gardé cette habitude qui fait qu’aujourd’hui, je m’y sens vraiment chez moi à tel point que si je pouvais, je ne repasserais plus par Paris ! (rires) Mais le travail fait que, même si j’essaye de faire un maximum de choses en Corse, Paris reste incontournable pour des questions pratiques comme réunir mes musiciens – bien que le bassiste soit toulonnais – et mes techniciens…

 

La sérénité de la Corse est un terrain propice à la création ?

Il n’y a pas vraiment de règle… Par exemple, pour l’album sur lequel on est en train de travailler, j’ai eu besoin qu’on se retrouve en studio histoire de faire un vrai point parce que seul en guitare-voix, à un moment, tu finis par stagner un peu. En posant les choses à plat avec ton équipe, tu prends conscience des « problèmes »,de ce qui fonctionne moins bien et tu réalises que, contrairement à ce que tu croyais, il reste encore pas mal de taf ! (rires) J’apprends continuellement des tonnes de choses en faisant ce métier, chaque expérience m’enrichit et en ce moment, grâce au travail en studio, je suis en plein dedans et je découvre encore plein de trucs ! J’ai 3 ou 4 nouvelles créations sur le feu, c’est mon seul impératif en dehors de la tournée mais je sens qu’on n’est plus très loin de la fin ! J’ai un autre projet aussi pour l’année prochaine mais je prends le temps, je ne me mets pas la rate au court-bouillon. La seule chose qu’il faut que je réussisse à faire pendant la tournée, c’est de me « cadrer » un peu car même si ce sont des moments géniaux, c’est épuisant physiquement… Habituellement, quand j’ai un ou deux jours de libres, j’en profite pour récupérer mais là, il va falloir que je me conditionne à conserver la bonne énergie créatrice dans laquelle je suis en ce moment…

Une créativité « laborieuse » ?

Il y a de ça, je dois souvent me faire un petit peu violence pour déclencher le processus, ça ne me vient pas hyper naturellement… Quand je prends ma guitare, instinctivement, c’est plutôt pour travailler Django que composer ! (rires) J’aime étudier plein de styles et me « mettre à ma guitare » façon guitariste qui veut chercher à perfectionner sa maîtrise de l’instrument. Il faudrait 4 vies pour tout savoir jouer ! (rires) Composer des chansons, c’est vraiment quelque chose qui me vient après, c’est une partie que j’intellectualise plus et puis, le « problème », c’est que personne n’est derrière moi pour m’obliger à m’y mettre ! Là par exemple, on a rendez-vous, c’est calé mais je n’arrive pas à me bloquer de la même manière 3 heures par jour pour composer alors ça fait que, quand la date d’enregistrement en studio approche, je me retrouve dans un état d’urgence et, bien que ce ne soit pas très bon nerveusement et physiquement, l’inspiration me tombe dessus comme par magie ! (rires) Je sais que ce n’est pas l’idéal mais je n’arrive pas, malgré la meilleure volonté du monde, à fonctionner différemment ! Au lycée, je faisais toujours ma dissert’ la veille au soir… On peut essayer de s’améliorer mais on ne peut pas se changer ! (rires) C’est un peu comme la scène finalement… Si tu y penses au petit-déjeuner tu te dis qu’il faut être dingue pour y aller mais quand tu es dans les coulisses, que tu sens la présence du public dans la salle et que, prêt ou pas, tu n’as plus d’autre choix que d’y aller, tu finis par te transcender, te dépasser ! C’est incroyable ce que le cerveau humain est capable d’accomplir ! Et c’est indéfinissable, inanalysable… Tu peux travailler d’arrache-pied pendant des mois mais travailler mal et, tout à coup, être aux confluences d’un état d’esprit, d’une réflexion ou d’un élément que tu ne percevras même pas, mais qui débloquera tout !

Monter sur scène chaque soir, c’est reprendre son ouvrage constamment pour tenter d’atteindre une perfection…

Il y a quelque chose d’hyper artisanal dans la scène qui se mélange en effet à une certaine recherche de perfection… Quand un soir tu sens qu’il y a un morceau qui décolle vraiment, tu ne peux pas t’empêcher d’essayer de retrouver ça le soir d’après tout en sachant que c’est peine perdue ! Le jazz manouche est une musique qui varie énormément d’un concert à l’autre parce qu’il y a une grande part laissée à l’improvisation et à la communication entre les musiciens, donc on ne peut quasiment jamais refaire la même chose et puis surtout, on ne peut pas toujours être au summum du swing et de la cohésion. Mais on est tellement euphoriques quand ça nous arrive qu’on n’a qu’une envie, c’est de retourner au plus vite sur scène pour revivre cette sensation ! Ça génère des petites frustrations et d’immenses plaisirs et c’est ça qui fait qu’on ne s’ennuie jamais sur scène mais si, dans les faits, on joue plus ou moins les mêmes morceaux pendant une tournée.

 

Un nom sur l’affiche mais une véritable dynamique de groupe sur scène…

Avec mes musiciens, on a cette chance d’être dans une vraie camaraderie, on ne cherche jamais à se tirer la couverture à soi et surtout on se respecte tous énormément ! J’ai une profonde admiration pour chacun d’entre eux, je suis fier de les avoir à mes côtés et en même temps, ils me foutent un peu la pression !(rires) Ils sont vraiment très très bons alors ça me motive à ne pas m’endormir sur mes « acquis » ! En plus, pour la tournée, j’ai la chance que toute l’équipe de l’album Frenchy puisse venir sur quasiment toutes les dates. Et on a ajouté trois cuivres : saxo, trompette et trombone pour qu’après l’année qu’on vient de passer, ce ne soit pas trop intimiste et que ça envoie un peu ! On va se régaler !

Sur Frenchy, on a de nombreux duos difficiles à réunir sur scène…

Entre Iggy Pop, Stacey Kent et Diana Krall, ça va être assez compliqué en effet ! (rires) Mais de toute façon, on ne fera pas l’album dans son intégralité car ce qui fonctionne sur disque ne marche pas nécessairement dans une ambiance de concert où l’on recherche une certaine énergie. C’est un équilibre à trouver, un dosage entre anciens et nouveaux morceaux, plages d’improvisation où chacun a la parole, titres incontournables que le public attend et des petites surprises qu’on lui réserve. Le maître-mot c’est de s’amuser ! Par contre, j’aurais aimé pouvoir jouer certains nouveaux titres du futur album mais de nos jours, avec les smartphones, on sait qu’il n’y a aucune chance que ça ne fuite pas ! C’est l’unique « censure » qu’on s’inflige…

 

Malgré une certaine timidité, tu ne te caches pas derrière un rôle de mec sûr de lui, tu fais les choses avec une vérité et une simplicité hyper attachantes…

Ce n’est pas réfléchi… Je crois que ça date de la période de mes 17 à 19 ans… Je m’étais mis à réfléchir à la vie dans son ensemble en écoutant Brassens, les Pink Floyd et en côtoyant des babas cool ! (rires) J’en ai tiré une espèce de leçon d’humilité. Il y a tellement de gens sur terre qui font des choses merveilleuses, qu’il n’est pas envisageable que je me prenne pour un être supérieur. J’essaye d’appliquer au quotidien un genre de leçon bouddhiste certes un peu bateau mais qui me fait du bien comme par exemple sourire aux gens dans la rue pour que ce sourire se propage et ricoche dans mon propre cœur ou quelque chose comme ça ! (rires)Je suis profondément persuadé qu’il faut être gentil avec tout le monde et de bonne composition ou en tous cas, qu’il faut faire cet effort-là, celui de la courtoisie. Grâce aux mots de Brassens et à la musique de Django, j’ai appris l’anti-snobisme. Quand on est jeune, pour se donner une constance, on prend parfois des airs, on est tenté de se la raconter mais l’essentiel c’est que ça ne dure pas ! (rires) J’ai eu la chance de côtoyer des gens de milieux sociaux différents du mien et ça m’a ouvert l’esprit très tôt. Bien sûr, je ne suis pas un saint mais j’ai toujours fait attention à ne pas préjuger les gens et par conséquent à nous considérer sur un pied d’égalité. C’est pour ça par exemple que, même si je ne prends pas à la légère le fait de jouer en live sur un réseau social, je ne veux pas me prendre la tête à savoir si je suis bien coiffé, bien cadré ou si je donne l’impression de maîtriser à mort la technologie puisqu’on voit tout de suite que ce n’est pas le cas ! (rires) Quand je fais ça, ce n’est pas pour m’exposer mais pour partager un moment vrai avec les gens qui regardent. On le fait ensemble, on communique, ce n’est pas une représentation.

 

Et le public adhère, c’est la preuve aussi que bien chanter une bonne chanson ne suffit pas, la personnalité de l’artiste occupe une place essentielle dans sa carrière…

Petit, je n’étais pas « chef de bande » mais bizarrement, je réunissais souvent les autres autour de moi et je faisais rire les copains en classe. Par contre, je n’ai pas le souvenir de m’être un jour senti vraiment sûr de moi. J’arrive à me dépasser uniquement, je crois, quand je m’amuse vraiment et quand je suis sincère. Je suis peut-être un peu espiègle en plus d’être, c’est vrai, un peu timide – ou en tous cas respectueux et précautionneux – et je ne veux pas le cacher ou le « trafiquer » car si des gens m’aiment bien, ce n’est sûrement pas que pour ma musique. L’humain est une donnée essentielle dans l’équation, c’est pour ça qu’on ne peut pas tricher… Quand je me connecte pour un petit live, je partage un moment imparfait à cause de la prise de vue, de la connexion ou du son mais c’est ce qui rend ce moment si charmant.

Des live musicaux mais aussi pédagogiques… Tu as d’ailleurs sorti La méthode simple en 17 chansons Frenchy pour commencer la guitare

Je crois que j’ai assuré 49 cours de guitare en ligne pendant le 1er confinement, tous les matins et même si la dernière semaine, je commençais à en avoir un peu marre, c’était hyper gratifiant de faire ça ! Par contre, je n’avais pas évalué l’ampleur du travail que ça allait exiger chaque jour pour préparer le live du lendemain !(rires) Je me suis lancé là-dedans parce que j’avais envie de partager quelque chose avec le public mais que je ne me sentais pas du tout de faire des concerts en solo avec mes chansons ! (rires) Et puis l’exercice m’a tellement plu que ça m’a donné l’idée d’en faire une méthode. Jeune, j’avais voulu m’inscrire dans une école de musique pour apprendre la guitare – peut-être parce qu’avec deux parents chanteurs, je voulais me différencier – et puis je me suis démotivé face à l’aspect trop scolaire. C’est finalement en écoutant et en regardant jouer les autres que j’ai appris. Un gars me montrait un accord, un autre m’en apprenait un autre et de fil en aiguille, je me suis passionné pour l’instrument. Entre guitaristes, généralement, on adore se montrer des accords, des techniques, des arpèges, des petits morceaux et puis on tâtonne, on essaye plein de styles différents, on ne sait pas trop où on va mais on se familiarise avec l’instrument, on l’apprivoise. C’est un peu ça que j’ai voulu transmettre à travers les petits cours en ligne et La méthode simple…

Tu parlais de tes parents… Trouver ta place dans la musique à côté de ces 2 mastodontes n’a pas dû être facile…

C’est vraiment pour ça que je ne voulais pas chanter. Tout le monde croit que c’est plus facile quand on est « le fils de » mais c’est loin d’être le cas. Tu peux avoir tendance, comme moi, à te mettre des barrières tout seul avant que qui que ce soit d’autre n’ait le temps de le faire ! (rires) Je voulais simplement être guitariste, j’ai accompagné des artistes et puis j’ai monté des groupes. Pendant un moment, j’en avais deux très différents que j’aimais beaucoup et à chaque fois qu’on me proposait des dates pour l’un ou pour l’autre, ça se chevauchait et ça m’obligeait à faire des choix alors un jour, j’ai fini par avoir l’idée de les réunir pour n’avoir à défendre qu’un seul et même projet. Le « problème », c’est que même si tu fais partie des meilleurs musiciens de jazz du monde, il arrive un moment où tu perds – s’il n’est pas complètement accro à la guitare ou au jazz – une partie du public qui va se lasser de regarder des types jouer devant un rideau noir ! Alors j’ai pensé auxsoirées que je faisais chez moi pendant lesquelles, souvent, un virtuose du jazz manouche passait par là, des amis corses chantaient un truc et où moi je faisais un peu le con ! C’était un joyeux bordel où on se lançait dans des impros sur une bossa entre deux vannes et en mangeant un bout de saucisson. Je me suis dit que c’était ça qu’il fallait reproduire sur scène !

Ça a donné le spectacle Thomas Dutronc et les esprits manouches. Je ne chantais pas, je jouais de la guitare, je disais un peu n’importe quoi et au fur et à mesure, on a monté pas mal de petits sketches, un pot-pourri, une blague sur la Corse, on faisait les cons en ombres chinoises derrière un drap pendant qu’un musicien jouait un morceau de guitare classique, je me pendais avec ma cravate, un copain arrivait avec un couteau géant sur du Bach… Il y avait plein de trucs, c’était très visuel, il y avait une déco un peu vintage avec un petit guéridon et un vinyle, on mettait du Django et puis, au milieu du spectacle, on invitait un grand violoniste… C’était génial, on s’éclatait à faire ça mais pour le promouvoir, c’était moins évident car on avait besoin de faire un disque et tout ce doux « bazar » ne pouvait pas prendre forme sur un album… J’ai donc décidé de me remettre à écrire des chansons pour inviter des chanteurs à les interpréter mais ça allait poser un autre problème au moment de partir sur les routes. On n’aurait jamais eu les moyens de se payer plusieurs artistes et on retombait dans une nouvelle impasse pour la scène ! C’est un ami compositeur qui m’a dit que j’étais con de ne pas vouloir chanter alors je m’y suis collé et finalement, je n’ai pas trouvé que c’était aussi horrible que ça ! (rires)

Par contre, quand je réécoute le 1er album, je trouve que ma voix était plutôt timide… Sur certaines chansons, j’ai l’impression d’avoir 10 ans et demi ! (rires) La guitare a été un coup de foudre mais le chant est arrivé un peu malgré moi, je n’en avais jamais rêvé de ma vie avant cette heureuse « obligation ». Petit à petit, j’y ai pris goût, j’ai fait des progrès et maintenant, j’adore ça !

Ça te fait un point commun avec tes parents…

Ce qui est fou, c’est qu’en voulant, inconsciemment, me distinguer d’eux, j’ai découvert qu’on avait évidemment des points communs mais surtout qu’on avait un peu emprunté les mêmes chemins. J’ai adoré la guitare de Django bien avant de savoir que mon père en était fan et surtout, j’ai appris sur le tard qu’il n’avait jamais vraiment eu l’ambition, lui non plus, d’être chanteur. C’est complètement dingue mais il l’est également devenu par accident ! (rires) Il était guitariste, il avait monté des groupes dont El toro et les Cyclones, il avait écrit des compos – notamment Le temps de l’amour -, il avait accompagné Eddy Mitchell sur scène pendant un moment et puis il était devenu assistant du directeur artistique chez Vogue – une maison de disques – où il jouait, enregistrait des maquettes et composait des chansons pour d’autres artistes. C’est un jour, alors qu’il « chantonnait » pour enregistrer la maquette de démo d’un morceau, que le directeur artistique lui a dit qu’il fallait absolument qu’il se lance dans la chanson… Exactement comme Brassens qui n’ambitionnait que d’écrire pour les autres jusqu’à ce que Patachou lui fasse remarquer à quel point ses textes étaient énormes quand c’était lui qui les incarnait !

C’est vraiment dingue que sans le savoir et en voulant « m’affranchir » du « poids » du succès de mes parents, j’ai finalement suivi exactement le même chemin qu’eux… À croire que c’était dans les gènes ! (rires)

 

Quand on écoute la reprise d’Un petit jardin en duo avec ton père sur la réédition de Frenchy, on aurait pu s’imaginer qu’étant 3 chanteurs, vous passiez vos soirées à faire des bœufs en famille…

(rires) Jamais de la vie ce n’est arrivé ! D’ailleurs, mes parents ne chantaient pas trop à la maison, notre quotidien a toujours été tout à fait « normal » et j’ai peut-être vu mon père jouer seulement deux fois à la guitare dans le salon… Quand j’étais jeune, c’était la période où il tournait beaucoup au cinéma et j’ai dû attendre mes 18 ans pour le voir chanter sur scène ! Quand j’étais petit, il ne faisait pas de tournées, ma mère avait arrêté d’en faire après ses 30 ans donc contrairement à ce que l’on pourrait penser en voyant tout ça de l’extérieur, et même si la musique a évidemment fait partie de mon éducation, je n’ai finalement pas « baigné » dedans depuis mon enfance. Avec le recul, j’ai la sensation qu’il y a eu de ma part une espèce de recherche complètement inconsciente de la vie qu’avaient vécue mes parents. Je crois que sans m’en rendre compte, j’avais envie de savoir ce qu’ils avaient pu connaître… Dans l’attraction qu’a eu la guitare sur moi, il y a sans doute eu cette envie de découvrir ce passé glorieux et mystérieux…

Avec mon père, on a très peu chanté ensemble avant ce duo et le temps avançant, c’est vrai qu’on y pense de plus en plus. On se dit que ce serait peut-être bien de se faire ça, un jour, sur scène… 

Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photos par Yann Orhan


Interview parue dans Le Mensuel n°420 de mai 2021

 

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