INTERVIEW

Stéphane Freiss en interview

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Dernier épisode de la sombre trilogie familiale imaginée par Florian Zeller, Le fils met en scène certes un ado de 17 ans en proie à un profond mal-être mais également ceux que sa dépression inquiète et fait souffrir…Se sentant seul et nulle part à sa place depuis la séparation de ses parents, Nicolas tente, en débarquant chez un père – campé par Stéphane Freiss – qui a refait sa vie et eu un second enfant, de comprendre le sens même de sa propre existence. Exposant presque mathématiquement les douleurs et les impuissances de ces personnages qui ressemblent malheureusement à beaucoup d’entre nous, l’auteur poursuit son inexorable exploration de l’âme humaine étrangement si complexe et si commune…

STÉPHANE FREISS pour la pièce « LE FILS » À MONACO LE 24 JANVIER • À AIX DU 28 JANVIER AU 02 FÉVRIER • À ANTIBES DU 26 AU 28 FÉVRIER

 


« C’est une pièce qui me dévore de l’intérieur et qui paradoxalement, me récharge en même temps… »


MORGANE LAS DIT PEISSON : LES DATES PARISIENNES DE LA PIÈCE LE FILS SEMBLENT S’ÊTRE BIEN PASSÉES…

STÉPHANE FREISS : Ça s’est même incroyablement bien passé ! (rires) Je n’ai d’ailleurs pas souvenir d’avoir déjà vécu quelque chose de comparable dans toute ma carrière ! C’est une pièce terriblement intense, rude et bouleversante autant pour moi que pour le spectateur qui a un peu la sensation de passer dans la machine à laver ! C’est une pièce qui me dévore de l’intérieur et qui paradoxalement, me recharge en même temps… C’est un grand bonheur pour un acteur !

POUR JOUER UNE TELLE PIÈCE, EST-IL PLUS CONFORTABLE D’ÊTRE À PARIS PRÈS DE CHEZ SOI OU EN TOURNÉE, LOIN DU QUOTIDIEN ?

Quand tout va bien dans votre vie, rentrer chez soi le soir et se réveiller au milieu des siens est la chose la plus agréable qui soit mais la tournée reste une étape essentielle à mes yeux car, avant tout, elle cimente une équipe en créant une certaine intimité qui ne peut que servir la pièce. On baisse la garde, on se découvre, on se confie et on se rencontre réellement car on est loin de nos habitudes, de ce qui nous rassure ou de nos tracas quotidiens et ça permet de se consacrer pleinement à son rôle.

SE METTRE AU SERVICE D’UN PERSONNAGE, L’INCARNER…

Le fils me l’impose encore plus que n’importe quel autre texte mais peut-être qu’à l’inverse, d’autres acteurs se seraient mis un peu à distance, pour se protéger, en jouant le personnage du père plutôt qu’en essayant de faire corps avec lui… Les mots d’un grand auteur comme Florian Zeller sont, à mes yeux, autant de pièges dans lesquels il faut absolument s’accorder de tomber… Ils donnent de l’épaisseur, de la densité, de l’émotion, de la force, de la bêtise, de la vérité et de la souffrance au personnage alors évidemment, ils font mal et ils bousculent au point que certains soirs, sur scène, ils vous donnent presque la sensation de vivre réellement l’instant tant ils sont ceux que vous auriez pu dire dans la vraie vie… C’est très beau mais aussi très troublant…

CE N’EST PAS SEULEMENT UNE RELATION PÈRE-FILS…

À travers l’histoire de ce fils et du rapport qu’il entretient avec son père, on est en effet confronté à tout ce qu’un parent ou un couple peut vivre face à cette espèce d’aveuglement que crée le quotidien. On a souvent l’impression que ce que l’on a est solide et sous contrôle alors que tout ce que l’on a construit et auquel on s’est habitué finit toujours par se dérégler un petit peu jusqu’à, parfois, nous échapper.

UN FILS ADOLESCENT…

L’adolescence est une période charnière qui peut être très difficile à vivre autant pour le jeune concerné que pour ses proches qui pensent que ce qu’ils « voient » est une réalité alors que, bien sou- vent, ils n’ont affaire qu’à une « façade ». C’est un moment de transition si violent et foudroyant qu’il en est aussi sidérant que peut l’être cette pièce… On est face à l’addition de toutes petites choses qui, sur le long terme, provoquent une véritable tragédie… Ce fils, dans la pièce, qui a l’impression d’être à distance de tout et de tout le monde permet à l’auteur de nous par- ler par-dessus tout d’amour tout au long de la pièce…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson Photos droits réservés


Interview parue dans les éditions n°398 #1, #2 et #3 du mois de janvier 2019

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