INTERVIEW

Monica Bellucci en interview

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Après une trentaine d’années passées à incarner des dizaines de rôles au cinéma, que ce soit aux États-Unis, en Italie ou en France, dans des comédies, des drames ou des thrillers, on aurait pu jurer que Monica Bellucci n’avait vraiment plus rien à prouver… Pourtant, c’est il y a à peine un an que la comédienne se lançait un nouveau défi en acceptant, pour la première fois de sa carrière, de fouler les planches d’un théâtre pour y incarner – littéralement seule sur scène – la femme qui se cachait derrière l’une des plus grandes voix au monde : Maria Callas.    


« La vie est une recherche permanente et c’est ça qui la rend si belle et si passionnante à vivre ! »


MORGANE LAS DIT PEISSON : Le spectacle Maria Callas : lettres et mémoires reprend…

MONICA BELLUCCI : Je suis très heureuse qu’on puisse le rejouer à certains endroits même si des dates comme celles d’Athènes ont dû être annulées… Prendre en compte le virus est malheureusement devenu une « normalité » dans notre façon de vivre et de travailler… On prend encore plus conscience que tout peut basculer d’un moment à l’autre…

L’art, plus utile que jamais…

Je crois que dans une période comme celle que nous sommes en train de vivre, le rapport à la culture est encore plus essentiel qu’avant. Il répond à une soif qu’on a d’évasion et de légèreté, il nous permet de nous détacher d’une quotidienneté qui nous étouffe un peu depuis quelques mois…

Un spectacle qui va vraiment voyager…

J’ai déjà eu la chance d’interpréter la version italienne de Maria Callas : lettres et mémoires pendant le Festival di Spoleto en Italie qui s’est tenu cet été et, après cette reprise française, je devrais, si tout va bien, jouer la version anglaise pour une tournée en Angleterre et aux Étas-Unis… C’est assez incroyable pour une première expérience théâtrale surtout avec un spectacle aussi intime.

Toute « nouvelle » et seule sur scène…

(rires) Oui le théâtre est une nouvelle expérience pour moi ! Tom Volf m’a contactée pour ce projet en me donnant une lettre de la Callas à lire, je suis littéralement tombée amoureuse de ces mots alors j’ai accepté assez naturellement sans vraiment prendre conscience de ce qui m’attendait ! (rires)

Un exercice très différent du cinéma…

Je n’ai jamais nié ma peur de monter sur scène… C’est un mélange de fascination, d’excitation et de craintes que l’on ne retrouve pas au cinéma. Le rapport au public qu’offre la scène est vraiment nouveau pour moi, les retours sont immédiats et surtout, on est exposé à vif ! Au cinéma, une fois que l’oeuvre est faite, elle voyage toute seule tandis que le théâtre a sans cesse besoin d’un comédien qui accepte d’exposer sa fragilité devant tout le monde… 

La Callas faisait déjà partie de votre vie ?

J’avais tourné une série américaine avec Gael García Bernal – Mozart in the Jungle – dans laquelle j’incarnais une chanteuse d’opéra et pour préparer ce rôle, j’avais fait beaucoup de recherches sur Caballé, Netrebko et Callas bien évidemment. En quelque sorte, j’étais déjà un peu familiarisée à son univers lorsque ce spectacle a débarqué dans ma vie. C’est une artiste à la dualité fascinante, d’un côté on a cette femme à la forte – et parfois dure – personnalité qui a chanté dans le monde entier et de l’autre, une vie intime que peu de gens connaissaient, faite de sensibilité et de fragilité. Le spectacle de Tom Volf est magnifique parce qu’il nous permet d’entrer avec délicatesse et respect dans l’intimité de ce personnage illustre.

Camper La Callas…

Contre toute attente, j’ai presque trouvé ça plus « simple » que d’inventer un personnage… Bien sûr, il ne faut pas la trahir ni décevoir les gens qui l’aiment mais elle est si connue, qu’il était facile de se documenter. Elle a tellement bouleversé les âmes et marqué les esprits par son courage qu’elle ne peut être qu’un cadeau pour une actrice ! C’est une femme qui a eu la force de dire et de faire des choses à une époque où les femmes n’avaient pas ces libertés. Elle s’est battue pour ses idées et pour ses amours bien qu’elle ait eu une vie courte. Elle a eu le courage de vivre des émotions intenses et c’est pour ça, qu’aujourd’hui encore, elle est un exemple pour toutes les femmes !

Ni une lecture, ni une imitation..

On est sur une représentation, une évocation de La Callas dans laquelle je donne très humblement ma voix à sa pensée… J’ai abordé ce rôle avec énormément de respect car je dis des choses qu’elle a dites, pensées et ressenties au plus profond… Je n’ai pas le droit de la trahir, de la surjouer ou de la caricaturer car c’est Maria que je campe finalement, pas tellement La Callas… Elle était adulée, admirée et entourée mais au fond, tout ce qu’elle aurait voulu, c’était d’avoir une famille. Tout le monde dit qu’elle a souffert de ses amours mais moi je pense que sa plus grande souffrance, c’est de ne pas avoir eu d’enfants…

On a à tort tendance à penser qu’une personne connue dans le monde entier ne peut être que comblée…

On n’est pas sur cette terre pour être comblé, on y est pour faire une recherche… La seule chose qui doit nous combler, c’est d’avoir la chance d’être là, d’être vivant et de pouvoir faire des choses. La vie, que l’on soit connu ou non, c’est une recherche permanente et c’est ça qui la rend si belle et si passionnante à vivre ! (rires) Je pense que Callas a eu cette force là, celle de faire sa propre recherche tout au long de sa vie au point de trop aimer, trop donner et de finir par s’épuiser… Elle a vécu « Vissi d’arte, vissi d’amore », uniquement pour son art et pour l’amour. Après la mort d’Onassis – bien qu’il l’ait faite beaucoup souffrir -, elle n’a plus pu chanter, c’est comme si sa vie n’avait plus de sens, elle était brisée…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Tom Volf & Andrea Kim Mariani


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Interview parue dans les éditions n°417 #1, #2, #3 et #4 du mois d’octobre 2020

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