INTERVIEW

Lambert Wilson en interview

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« Au bout des doigts », c’est l’histoire d’une rencontre vitale au sens premier du terme… L’histoire de deux hommes, deux histoires, deux générations et deux mondes qui se réuniront autour d’une seule et même passion : la musique. Si l’un – incarné par Lambert Wilson – en a fait son métier et ‘y accroche pour survivre, l’autre – campé par le jeune Jules Benchetrit – doit apprendre à l’assumer et à l’apprivoiser. Un long-métrage de Ludovic Bernard qui, derrière le « prétexte » musical, évoque le sens du travail et la transmission du savoir…

 

LAMBERT WILSON, JULES BENCHETRIT & LUDOVIC BERNARD pour le film « Au bout des doigts » au cinéma le 26 décembre

 


« Le jeu d’un comédien ne passe pas que par le texte et le regard… »


Morgane Las Dit Peisson La musique, dans votre film Au bout des doigts, n’est pas une B.O. mais un véritable personnage…

Ludovic Bernard : C’est vrai que ce rendu a exigé un travail très différent de la part d’Harry Allouche car la musique qu’il a composée devait se tuiler aux morceaux de Bach, de Liszt ou de Rachmaninov sans chercher à les copier et sans non plus les dénaturer… Ça a été un véritable jeu d’équilibre pour que toutes ces musiques s’emboîtent naturellement les unes aux autres tout en donnant corps aux émotions des personnages. 

Lambert Wilson : Ce qui a également été très spécial dans ce film, c’est le montage sonore car raccourcir de si longues oeuvres tout en en conservant leur essence est quelque chose de prodigieusement délicat ! Tailler dans des oeuvres classiques n’est pas évident du tout et là il faut avouer que ça a été très élégamment fait…

 

Vous avez choisi de rencontrer le public pendant des avant-premières…

Lambert : C’est une véritable récompense de pouvoir rencontrer les gens comme on peut le faire au théâtre car lorsqu’on tourne, on est de fait séparé d’eux. Pendant des avant-premières de films, on peut enfin palper l’émotion que notre jeu procure aux spectateurs et ça fait du bien, surtout quand on a la surprise d’observer que le public est réellement happé par le film, ému et pris d’affection pour les personnages, en particulier celui qu’interprète Jules. Au bout des doigts accentue ce phénomène d’attachement par la superposition de l’état du spectateur dans la salle de cinéma à l’état de spectateur d’un concert comme celui qui se déroule dans le film… À la fin du film – sans trop faire de révélations (rires) -, les lignes entre le réel et la fiction se brouillent et les spectateurs ressentent une excitation similaire à celle que vit le public du film.

Jules Benchetrit : Je ne suis pas encore très habitué à tout ça et ça m’impressionne encore un peu mais j’aime voir la réaction du public car depuis qu’on a débuté cette « tournée », il a toujours été bienveillant et c’est une magnifique récompense…

 

Le plus curieux avec ce film, c’est que même si on se doute de la chute, on se surprend à être stressé, ému, impliqué…

Lambert : Le plus incroyable, c’est que la première fois que je l’ai vu, j’ai réagi de la même manière alors que je connaissais le scénario et que j’avais joué le film ! (rires) C’est provoqué par la musique, par le charisme de Jules mais aussi par l’habileté du travail de montage qui arrive, peu importe l’issue, à ce que l’on « palpite » en choeur avec les personnages. Quand j’étais petit et que j’entendais applaudir au succès d’un artiste, ça me faisait toujours pleurer et j’ai retrouvé de ça dans Au bout des doigts

Ludovic : Je crois vraiment que l’on doit en grande partie ce résultat encore une fois à la musique, tant elle est un fort vecteur d’émotions. Grâce à une suite de notes, on peut tous, sans se connaître, être émus exactement au même moment et c’est d’ailleurs à ce phénomène que je dois mon amour pour la musique et l’idée même de réaliser ce film.

 

Il y a la musique mais aussi la respiration, les silences et l’essoufflement qui apportent une note charnelle…

Ludovic : J’ai en effet voulu mettre en avant le côté organique de la musique car, à mes yeux, c’est comme ça qu’elle doit se vivre et se ressentir. On s’imagine à tort que seuls les rockeurs ressortent transpirants de scène alors qu’un pianiste qui joue pendant deux heures se donne tout autant ! J’avais également envie, en rendant « physiquement » vivant le classique de rappeler qu’il n’était pas mort ou poussiéreux ! (rires) J’espère qu’Au bout des doigts participera à la démocratisation de ce registre.

 

Jules est d’une crédibilité saisissante en pianiste…

Lambert : Au point qu’un de mes amis concertistes qui ne connaissait pas Jules, a cru qu’il jouait réellement ! 

Jules : Il y a eu un gros travail de préparation physique pour entrer dans le rôle de Mathieu Malinski, notamment au niveau de la respiration pour que le personnage réussisse à s’éveiller, à se rétracter, à devenir plus noir et plus profond… Et puis, il y a évidemment eu tout l’apprentissage de la gestuelle et de la technique corporelle. Le tournage ressemblait souvent à une chorégraphie car Ludovic n’hésitait pas à se mettre devant moi, comme un professeur de danse, en me mimant les gestes à reproduire ! C’est d’ailleurs là qu’on prend vraiment conscience que le jeu d’un comédien ne passe pas que par le texte et le regard… 

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson à l’Hôtel La Pérouse de Nice • Photos Valletoux


Interview parue dans les éditions n°398 #1, #2 et #3 du mois de décembre 2018

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