COUPS DE COEUR

Juliette Delacroix en interview pour la pièce « Une histoire d’amour » imaginée par Alexis Michalik

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« L’intensité de ce rôle est un immense cadeau… »

Bien que le registre et les thèmes abordés n’aient rien à voir avec ceux d’Edmond, Une histoire d’amour semble bien suivre le même chemin… Imaginée une fois de plus par le talentueux Alexis Michalik, cette pièce (que l’on découvrira bientôt au cinéma) nous invite à suivre le destin d’une jeune femme qui va vivre sous nos yeux une existence certes dense mais injustement trop courte… Entre famille, maladie, amour, mort, maternité, trahison ou encore addiction, l’auteur rappelle combien la vie – aussi impitoyable que surprenante – vaut toujours la peine d’être vécue…

 


🎟️  Juliette Delacroix pour la pièce « Une histoire d’amour » :


 

 

 

 

Morgane Las Dit Peisson : En pleine tournée avec la pièce Une histoire d’amour

Juliette Delacroix : On a la chance que ça marche bien alors on tourne beaucoup ! J’adore aller de ville en ville et découvrir à chaque fois des salles différentes. Ça nous oblige à ne jamais nous reposer sur nos lauriers car il faut s’adapter à la configuration, à l’acoustique, à la largeur de la scène mais aussi à sa pente… Je n’y avais jamais fait attention mais dans certains théâtres à l’italienne, il y a une petite inclinaison d’environ 3% et comme les décors qu’a imaginés Alexis Michalik sont sur roulettes, il faut penser à mettre des freins si on ne veut pas partir avec les meubles ! (rires) La tournée, c’est vraiment l’ennemi de l’ennui !

 

 

On t’a connue à la télé mais le théâtre est une passion de toujours…

J’ai commencé toute petite et je suis passée par plein d’écoles. J’ai un peu exercé mon métier de comédienne mais c’est parfois très compliqué d’en vivre… Vu que j’avais d’autres passions comme la cuisine, je me suis lancée là-dedans en parallèle et je me suis retrouvée à présenter des émissions sur TF1 puis sur France TV Sport. C’est à cette époque que j’ai connu Alexis et notre amitié est née autour de nos intérêts communs pour la gastronomie, les voyages et le théâtre bien sûr ! Quand il a écrit, il y a deux ans, Une histoire d’amour, il ne pensait pas particulièrement à moi. Je me suis juste retrouvée à la lire parce qu’il avait besoin de l’entendre et c’est à ce moment-là que ça s’est imposé à nous comme une évidence… Ce texte a vraiment été une « rencontre » incroyable !

Les métiers de cuisinier et d’acteur se rejoignent dans l’envie de donner du plaisir aux gens…

Je crois en effet que c’est le tronc commun à ces passions… Quand je servais un plat à mes clients (j’avais monté ma boîte de cheffe à domicile), je ressentais le même trac qu’avant de monter sur scène ! (rires) C’est vrai que dans les deux domaines, tu donnes une part de toi, tu offres une interprétation d’un texte ou d’un plat et tu cherches à transmettre une émotion…

 

 

Alexis Michalik, à moins de 40 ans, a révolutionné le théâtre…

Il livre un théâtre à la fois très moderne, accessible, dynamique et collectif… Les comédiens changent les décors en même temps qu’ils continuent à jouer et ça permet de passer d’une scène à l’autre – et donc d’une émotion à une autre – avec fluidité et sans aucune interruption… C’est inédit et terriblement passionnant de travailler comme ça ! Alexis réussit à nous emmener dans son mouvement, dans sa musique et j’ai l’impression, en tous cas aujourd’hui, qu’il n’y a que lui qui le fait aussi bien. Il y a plein d’autres auteurs géniaux évidemment mais à mon goût, il est un des meilleurs de sa génération alors c’est un honneur pour moi de défendre ses textes et d’avoir créé cette pièce avec lui…

 

 

Tu incarnes Katia qu’on va suivre tout au long de sa vie…

C’est vrai que Katia est un rôle terriblement riche à jouer… Elle va traverser tout ce que l’on peut être amené à rencontrer dans la vie : l’amour, les prises de risque, les fulgurances, la maladie et malheureusement pour elle, la mort. L’intensité de ce rôle est un immense cadeau, je m’éclate à lui donner vie tous les soirs sans aucune lassitude ! En revanche, en effet, ce n’est pas un personnage qu’on peut jouer à la légère, il me demande parfois d’aller chercher des choses très intenses au fond de moi, des choses très viscérales… Il y a des soirs où ça m’atteint plus que d’autres mais par chance, ce n’est qu’un métier et la plupart du temps, mon masque me protège de ce que vit mon personnage. Heureusement qu’il y a une distance entre elle et moi mais n’étant qu’humaine, il y a des fois où j’ai été plus fragile psychologiquement et où jouer quelqu’un qui est atteint d’un cancer généralisé est plus compliqué… Comme si à force de le vivre sur scène ça allait finir par m’arriver aussi… C’est humain d’avoir peur mais dans ces cas-là, je me concentre sur l’idée que cette peau n’est pas la mienne et que c’est justement pour pouvoir en changer que j’adore faire ce métier.

 

 

Le cancer et la mort font partie de la pièce mais celle-ci parle surtout de la vie dans son ensemble…

En effet, il n’y a pas un thème – en dehors de l’amour – qui ressort vraiment car c’est une pièce réaliste qui dépeint des années de vie. Elle ne peut donc pas être « exclusive », elle parle du désir de maternité, de l’homosexualité, du bonheur d’aimer, de l’abandon, de l’alcoolisme, de la maladie… Sur le papier, ça pourrait faire peur mais la force d’Alexis Michalik c’est qu’il aime la vie avec ses bons et ses mauvais côtés et c’est certainement ce qui lui permet de traiter les drames dans la comédie. C’est un « bout » de vie condensée donc comme dans la vraie vie, on passe du rire aux larmes, des angoisses à l’espoir et c’est le retour que les spectateurs nous font le plus ! Ils s’étonnent à la fin de la pièce d’avoir ri ! (rires) Alexis a vraiment trouvé l’angle et les mots justes pour aborder avec vérité les thèmes graves d’Une histoire d’amour sans rien édulcorer pour autant. Pour avoir été confrontée, comme beaucoup de gens, à la maladie autour de moi, je peux affirmer que le rire est présent dans ces moments là et qu’il est nécessaire pour désamorcer et nous aider à avancer…

©Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson au Théâtre de Grasse pour Le Mensuel / Photos droits réservés

 


Interview parue dans Le Mensuel n°429 de mars 2022

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