INTERVIEW

Jeff Panacloc en interview

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À moins d’avoir vécu en Sibérie ces sept dernières années, il est impossible que qui ce soit ait pu passer à côté du phénomène « Panacloc » ! Sans cesse accompagné de son acolyte Jean-Marc, le jeune homme qui vient tout juste de franchir le cap de la trentaine s’est en effet très rapidement imposé comme le ventriloque par excellence. Redonnant ses lettres de noblesse à cet art scénique souffrant depuis longtemps d’une image vieillotte et surannée, Jeff Panacloc est à ce jour le seul qui a réussi à faire de cet exercice quelque chose d’actuel et de « tendance ». À travers la voix de Jean-Marc, désormais bien connu pour être aussi grossier et pervers qu’attachant, l’humoriste aborde sans restriction tout type de sujets allant des Miss France aux politiques en passant par les banquiers ou les chanteurs morts ! Dans un spectacle où la mise en scène n’a rien à envier aux plus grands shows américains, les deux compères accueillent pour la première fois deux nouveaux personnages, Nabilouche et Jacky, qui ne devraient pas faciliter le travail de leur créateur…

 

Jeff Panacloc pour son spectacle « Jeff Panacloc contre-attaque » au festival Performance d’Acteur de Cannes le 26 avril et à Sanary sur Mer le 25 avril

 


« C’est extrêmement jouissif de pouvoir dire des horreurs ! »


Morgane Las Dit Peisson : Depuis nos premiers échanges, il y a eu une tournée colossale, un DVD, un documentaire…

Jeff Panacloc : On rêve de plein de choses quand on débute bien sûr, mais pas de ça ! (rires) On a envie de faire son métier, d’être sur scène et d’avoir du public… De là à jouer devant des salles combles de 6000 personnes, jamais de la vie… (rires) Ça dépasse sincèrement toutes mes attentes !

Un tel succès paralyse un peu ? 

Oui car un premier spectacle se construit pas à pas, au fil des représentations, sans trop de pression, alors que pour un second, on travaille dans une certaine efficacité avec une date en tête et en ayant, cette fois-ci, quelque chose à perdre et des gens que l’on risque de décevoir… Alors soit on fait comme Stromaé et on arrête tout, soit on met les bouchées doubles ! (rires) Avec mes auteurs, on a opté pour la 2ème solution !

Car si tu es seul en scène, ce n’est pas le cas en coulisses…

C’est agréable de pouvoir parler de ceux qu’on ne voit pas mais sans qui le spectacle ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui…  Tom Villa et Thomas Maurion ont signé l’écriture avec moi et je suis aussi très fier du travail de Nicolas Nebot, mon metteur en scène, qui ne connaissait pas du tout le monde de l’humour. Il venait de l’univers de la comédie musicale pour lequel j’ai une véritable passion et m’a apporté ce côté plus « spectaculaire ». Et puis, il a été extrêmement présent pour améliorer sans cesse l’efficacité du jeu, je peux même dire qu’il est assez maniaque ! (rires) Dans la salle, il est automatiquement obnubilé par la seule personne qui ne rit pas…

D’où le côté un petit peu « Broadway » de la bande annonce de Jeff Panacloc contre-attaque ?

Je suis assez fan de ça, c’est un type de spectacle qui m’inspire beaucoup et qui me pousse à amener les gens dans un univers un peu différent et plus global… J’aime que dès qu’ils pénètrent dans le hall du théâtre, ils s’imprègnent d’une atmosphère, ils aient l’impression d’entrer dans un univers presque parallèle… Et puis, grâce à l’expérience et à la confiance que nous porte le public, on ose plus de choses, on se libère de pas mal de craintes.

On retrouve bien évidemment Jean-Marc…

On ne pourrait plus se passer de lui ! (rires) C’est donc du Jean-Marc pur et dur comme on l’aime,

pas plus calme ni plus mature qu’avant mais la vraie différence, c’est qu’aujourd’hui, moi, je l’assume mieux. J’avoue qu’au début, j’avais parfois tendance à me planquer un peu derrière lui en disant que je ne cautionnais pas forcément tout ce qu’il disait mais il faut être honnête, c’est extrêmement jouissif de pouvoir dire des horreurs tout en provoquant des éclats de rires ! 

On a autant envie de le claquer que de le câliner…

Oui, Jean-Marc a un petit air de ne pas y toucher même quand il sort une saloperie… Un peu comme un enfant qui ne se rendrait pas compte de ce qu’il vient de dire, ça le rend terriblement attendrissant ! Je l’ai tellement humanisé qu’il est un peu devenu comme mon petit frère et je crois que ça parle à beaucoup de gens car ça fait référence aux relations aussi imparfaites qu’essentielles qu’ils peuvent entretenir avec leurs proches. On s’aime malgré nos défauts…

Deux nouveaux personnages…

La très raffinée Nabilouche et le très sobre Jacky… Ce sont réellement deux nouveaux personnages au même titre que Jean-Marc. Je n’aime d’ailleurs pas quand on parle de marionnettes car il ne s’agit pas de les faire « parler » mais bel et bien de leur créer tout un univers, une gestuelle, une attitude, une voix, un langage, un caractère… Même si ce sont des caricatures, il est important, pour les rendre crédibles aux yeux du public, de les incarner.

Ce doit être plus fatiguant que le premier spectacle…

Très franchement oui et j’avoue que je ne m’attendais pas à ça ! C’est vraiment crevant et je suis surpris de la fatigue qu’on peut ressentir après une telle performance. Ce second show me fait aller à 200 à l’heure, sans pause et en devant assumer quatre personnages… Cette fois-ci, j’ai vraiment découvert la masse de travail que ce métier pouvait occasionner ! Sur le premier, c’était presque inné et je ne faisais que ce que je savais faire mais avec Jeff Panacloc contre-attaque, je me suis mis en danger tout en devant redoubler d’énergie. C’est vraiment épuisant vocalement et physiquement mais c’est tellement incroyable à vivre que je recommencerais les yeux fermés ! (rires)

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Renaud Corlouer & Ruben Hazon

 


Interview parue dans les éditions #1, #2 et #3 du mois d’avril 2018

 

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