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INTERVIEW

Jean-Pierre Castaldi en interview

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C’est chez lui, dans un appartement parisien truffé de souvenirs que Jean-Pierre Castaldi s’est confié avec un naturel et une simplicité propres aux plus grands, sur sa conception du métier et sa vision de la famille à l’occasion de la pièce qu’il interprète actuellement avec Armelle : Quelle famille ! Dans le rôle d’un futur arrière-arrière-grand-père qui vient annoncer à sa fille qu’il a décidé de divorcer d’avec sa mère, le comédien n’a pas choisi la comédie la plus reposante ! À peine arrivé à destination, il va apprendre que sa propre fille demande elle aussi le divorce, que son arrière-petite-fille tout juste mariée et enceinte souhaite en faire autant et qu’à force de quiproquos, de tensions et de portes qui claquent, sa petite-fille va bien finir par suivre le mouvement !


« J’ai eu une vie extraordinaire faite d’expériences et de rencontres exceptionnelles… »


MORGANE LAS DIT PEISSON : Vous êtes à l’affiche de Quelle famille !

JEAN-PIERRE CASTALDI : C’est toujours un plaisir de jouer mais quand une pièce a autant de succès que Quelle famille !, c’est grisant ! (rires) Elle est restée trois mois à l’affiche – à guichets fermés – à Bordeaux avant de connaître le même sort dans la trentaine de villes où elle est passée. Il va y avoir les festivals d’été, une reprise bordelaise de deux mois et une nouvelle tournée jusqu’au printemps prochain… C’est fou de pouvoir vivre ça tant c’est devenu rare de nos jours !

Une pièce qui s’est déjà jouée dans les années 90…

J’ai fait pas mal de « reprises » entre L’amour foot, Le charlatan ou L’emmerdeur et je me suis toujours interdit de regarder ce qu’avaient fait les autres avant moi… Je n’avais pas vu cette pièce de Francis Joffo et tant que je la jouerai, je ne la verrai pas. Tous les comédiens réagissent différemment mais personnellement, je préfère me faire ma propre idée du personnage…

Un véritable boulevard…

Dans Quelle famille !, j’incarne un arrière-grand-père en passe de devenir arrière-arrière-grand-père venu annoncer à sa fille qu’il a entamé une procédure de divorce mais arrivé là, il découvre qu’il est loin d’être le seul dans ce cas ! C’est digne de Feydeau, plein de portes qui claquent, de quiproquos, de bons mots et même le public le plus « réservé » finit toujours par partir en éclats de rire… Les gens se prennent au jeu car à travers les quatre générations et leurs problèmes, tout le monde est obligé de se reconnaître ! (rires)

La famille…

C’est lorsque Notre-Dame a brûlé qu’on s’est rendu compte de ce qu’elle représentait à nos yeux et la famille, c’est un peu pareil… À cause du quotidien, on a souvent tendance à oublier que c’est le socle de beaucoup de choses… Dans la pièce, les personnages vont s’en rappeler grâce à de simples séparations mais en règle générale, ce sont des décès qui nous font prendre conscience de ce à côté de quoi on est passé…

J’ai vu partir ma mère alors qu’elle n’avait que 59 ans et je n’ai réalisé qu’à sa mort à quel point elle était encore jeune… Quand on perd une maman, peu importe l’âge que l’on a, on ressent un vide colossal et on garde à jamais une blessure. Encore aujourd’hui, elle fait partie de ma vie grâce aux souvenirs et à quelques objets qui m’ont suivi de déménagement en déménagement et auxquels personne n’a le droit de toucher ! (rires) Il y a par exemple cette paire de jumelles qu’elle avait achetée pour venir me voir au théâtre alors que je n’étais que silhouette à l’époque…

Ça prouve la fierté de vos parents…

Et pourtant, ce n’était pas gagné ! (rires) J’étais trilingue, j’étudiais à la fac et je suis littéralement tombé amoureux du théâtre en voyant une pièce. Je me suis juré qu’à mon tour j’irai sur scène mais je savais que ça ne serait pas du goût de mon père ! Je lui ai caché et quand il a découvert le pot aux roses, il m’a montré la porte ! Pour lui, et surtout à cette époque, c’était un gâchis, il ne comprenait pas mon choix… Ce n’est que sur son lit de mort qu’il m’a demandé pourquoi j’étais acteur et ce n’est qu’après son départ que j’ai découvert qu’il était fier de moi…

Tout le monde rêve de ces métiers aujourd’hui…

Alors qu’encore dans les années 60, c’était une aventure ! (rires) Et quelle belle aventure ! Sans avoir été tout en haut de la hiérarchie des « stars », j’ai eu une vie extraordinaire faite d’expériences et de rencontres exceptionnelles… C’est un métier fascinant où l’on reçoit de l’amour en récompense quand le rideau se referme… C’est enivrant !

Jouer à être quelqu’un d’autre…

Pour moi, c’est véritablement l’essence même de ce métier. Un acteur doit façonner et incarner un personnage, il doit s’éloigner de ce qu’il est pour prendre toute sa dimension. Je ne vois pas l’intérêt que peuvent trouver certains comédiens qui transposent ce qu’ils sont dans le rôle qu’ils endossent… Quand je tourne un film, je ne veux pas avoir la même gueule que dans le précédent mais bizarrement, je ne calcule pas… Avec l’expérience, le personnage arrive assez naturellement, voire inconsciemment à partir du moment où on le comprend et où on le ressent. C’est tout le paradoxe du comédien, on n’est pas le personnage mais petit à petit on l’accueille en nous comme s’il devenait un peu nous ou comme si on devenait un peu lui…

Le Super Papy de Quelle famille ! je l’ai presque vu apparaître devant mes yeux, les années de travail m’ont permis de ne pas avoir à lui tourner autour sans savoir comment l’aborder, il s’est comme dessiné à la lecture ! C’est d’ailleurs pour ça qu’Alain Delon parle à la troisième personne du singulier, il parle de son identité d’acteur mais pas d’homme… Un comédien est un monstre à deux têtes qui, à un moment donné, ne devient plus qu’un…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson à Paris chez Jean-Pierre Castaldi • Photos droits réservés


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Interview parue dans les éditions n°404 #1, #2, #3 et #4 du mois de juin 2019

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