INTERVIEW

Jean-Pierre Améris en interview

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Bien que réalisateur de de 17 longs-métrages – dont le fameux Les émotifs anonymes -, Jean-Pierre Améris n’a pas cédé à un certain snobisme que l’on s’imagine souvent à tort lorsque l’on pense au monde du cinéma… Conscient que le public auquel il s’adresse reste le plus important, il est resté sincère et laborieux dans son travail afin de ne jamais décevoir. ces gens qui s’offrent des places dans les salles obscures Respectueux donc et tout particulièrement intéressé par des congénères qui lui ressemblent énormément, le cinéaste a à coeur de les comprendre pour tenter de les aider. Je vais mieux va en ce sens en mettant en scène un personnage lambda plein d’inquiétudes et de peines bien enfouies que son corps finira par faire remonter à la surface… Adaptée d’un roman de David Foenkinos, cette comédie se fait l’écho de tous les best-sellers qui ont fait de la course au bien-être leur fond de commerce dans notre angoissante société…

 

Jean-Pierre Améris pour son film « Je vais mieux » avec Ary Abittan & Eric Elmosnino en salles le 30 mai

 


« J’essaie de poser un regard plus souriant sur la vie et de le communiquer… »


Morgane Las Dit Peisson : Le titre Je vais mieux signifie que vous allez plutôt bien ?

Jean-Pierre Améris : (rires) C’est un peu le message que je voulais faire passer avec ce film ! (rires) J’avais envie de montrer aux gens comment, bien qu’en conservant quelques-unes de ses angoisses, on peut apprendre à s’en libérer un peu. Je vais mieux, à travers un mal de dos, explique comment un homme – interprété par Éric Elmosnino – va réussir à se dénouer… Moi, à 56 ans, je commence seulement à y parvenir de temps en temps ! (rires)

Vous êtes venu avec ce film au Ciné Festival en Pays de Fayence

J’aime me déplacer sur ce genre de festivals car on y rencontre d’incroyables équipes de bénévoles passionnés par le cinéma sans qui, ces évènements n’existeraient pas… C’est important de soutenir ces initiatives quand on travaille dans le monde du cinéma car, au delà de nous aider nous, professionnels, ça s’adresse directement au public…

Bien que timide, vous semblez avoir besoin de ce contact…

Curieusement, je vois le cinéma comme un spectacle vivant qui permet de créer un espace d’échange… C’est pour ça que je me sens aussi à l’aise dans ces festivals à taille humaine où la « compétition » est plus une excuse pour se réunir qu’un but en soi. Un prix fait toujours plaisir  évidemment, mais à mes yeux, la plus belle récompense que l’on puisse recevoir après trois ans de travail, c’est le retour du public… 

Un public qui se reconnaît dans vos films… 

Je suis lyonnais et j’ai toujours gardé en moi quelque chose de fondamentalement provincial ! J’aime aller dans les petites villes et les coins reculés pour y voir les gens car, quand on vit à Paris et qu’on est dans le « monde » du cinéma, on peut avoir une tendance à oublier ce qu’ils attendent de nos films… C’est d’ailleurs en grande partie en m’intéressant aux gens et à ce qu’ils vivent de difficile au quotidien que j’ai eu besoin de me pencher vers la comédie… On a chacun un rôle à jouer dans la société et je crois que le mien, certes tout petit, c’est d’essayer de donner un peu de bonne humeur… 

Je vais mieux parle de questions intimes…

J’ai une tendance, c’est vrai, à faire des films qui parlent de l’intime et qui partent, du coup, souvent de moi… Bien sûr, je tourne tout à la dérision mais, comme dans la plupart des comédies d’aujourd’hui, il y a beaucoup d’émotion et de profondeur. Mon personnage est hypocondriaque alors quand il commence à avoir mal au dos, il s’imagine évidemment qu’il doit au moins avoir un cancer des reins et puis, quand le médecin lui confirme que ce n’est pas le cas, il se lance dans une enquête afin de comprendre pour quelles raisons il en a littéralement plein le dos ! 

La comédie est loin d’être le registre le plus facile à réaliser…

C’est vrai et c’est sûrement pour ça que je n’en ai réalisées que trois ! (rires) Je tendais plutôt vers le drame jusqu’au jour où j’ai compris qu’une comédie est en réalité un drame qui fait sourire. Les émotifs anonymes, par exemple, parle d’une grande douleur que je ne connais que trop bien et c’est d’ailleurs grâce à l’humour que j’ai réussi à travailler sur moi. J’essaie de poser un regard plus souriant sur la vie et de le communiquer… J’aime de plus en plus l’idée de soulager et de consoler à travers les histoires que je raconte. 

Pourquoi ce mal là en particulier ?

C’est le mal du siècle qui, bien qu’on n’en meurt pas, révèle bien souvent d’autres souffrances latentes comme le stress, le harcèlement au travail, l’usure du temps dans le couple ou, comme c’est mon cas, la frustration de ne pas avoir eu le temps de dire certaines choses à ses parents… Je suis persuadé que mon mal de dos provient d’une accumulation de trop de choses « rentrées », gardées en moi et la fiction me soulage car elle permet de réaliser ce que je n’ai pas pu accomplir dans ma propre vie…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pendant le Ciné Festival en Pays de Fayence 2017 • Photos Pascal Chantier


Interview parue dans les éditions n°392 #1, #2 et #3 du mois de mai 2018

 

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